Bassines, Soulèvements de la Terre et cerf-volant [20/07]

Bassine Non Merci, Attac et Les Soulèvements de la Terre ont organisé une manifestation antibassines au nord de Poitiers le 19 juillet 2024. Je vous avais présenté l’évènement dans un précédent article.

Ici nous analyserons le communiqué des Soulèvements de la Terre : « Communiqué – 10 000 personnes déjouent le blocage policier, marchent sur une coopérative responsable de l’accaparement de l’eau et désarment une méga-bassine avec des lentilles d’eau. »

La diabolisation

Le communiqué affirme que la gendarmerie aurait incendié « volontairement des champs de blé » et n’apportent aucun élément au soutien de cette allégation. Ils vont en faire des caisses pour dramatiser l’événement, pourtant assez insignifiant (le blé était déjà récolté et le feu a été rapidement circonscrit) :

« Cet après-midi les gendarmes ont préféré tirer massivement des grandes lacrymogènes en plein champs blé secs… déclenchant ainsi un inévitable et dangereux incendie. Littéralement, c’est la politique de la terre brûlée qu’a choisie Gerald Darmanin ! Plutôt que de laisser passer des défenseur·euses de l’eau, manifestant dans la plaine agro-industrielle désertique. »

La réécriture de l’Histoire

Au passage, ils continuent de se présenter les victimes à Sainte-Soline : « Résolument déterminé·es à ne pas laisser les gendarmes les blesser comme l’an dernier à Sainte-Soline, les manifestant·es ont usé de nombreux stratagèmes pour éviter l’escalade de l’affrontement »

On est en plein dans la méthode russe : le mensonge est répété régulièrement pour finir par être pris comme une vérité.

La spéculation et l’accaparement

Après avoir expliqué qu’ils se dirigeaient vers l’usine Cerience, une filiale de Terrena, le communiqué reproche à l’entreprise d’être « l’un des principaux promoteurs des méga-bassines du Poitou » et « l’interlocuteur privilégé de la préfecture de la Vienne ». Il continue avec une phrase intéressante :

« Nous continuerons à cibler les grosses entreprises qui s’accaparent l’eau, spéculent sur les fruits de l’agriculture et sur le dos des paysan·nes. »

L’accusation de spéculation est très ancienne, remontant au Moyen-Âge. C’est un thème anticapitaliste qui a joué un rôle notable dans l’antisémitisme anticapitaliste en France (entre autre?) au début du XXe siècle. Avec, en même temps, l’évocation de l’accaparement de l’eau, vous aurez compris qu’il ne s’agit pas d’un mouvement écologiste, mais anticapitaliste.

Ce thème de l’accaparement est vraiment central dans ce communiqué. Ils se vantent ainsi d’avoir mis une des bassines « hors d’état d’accaparement ! ». Le terme revient plusieurs fois ensuite.

Enfin, pour finir sur ce paragraphe, vous noterez qu’ils prétendent protéger les intérêts des agriculteurs, renommés « paysan·nes ».

Un peu plus loin, ils prétendent aussi avoir, en endommageant la bassine, incarné « la possibilité d’une revanche des habitant·es des marais contre l’accaparement de l’eau ».

C’est la logique centrale de la pseudo-écologie : il faut une victime dont on pourrait exploiter le besoin de revanche, de justice. Peu importe qu’elle existe, peu importe qu’elle approuve l’action, peu importe qu’elle en profite : ce n’est qu’un élément narratif. Seul compte que son évocation serve le discours. Plus en amont, les discours sont élaborés pour pouvoir s’approprier de manière la plus crédible possible tel ou tel problème. Cela va jusqu’à construire de vraies mythologies.

L’ésotérisme

On voit poindre un certain ésotérisme à deux moments.

D’abord, ils parlent de « désarmer magiquement avec des lentilles d’eau » une retenue d’eau.

Puis, ils expliquent avoir planté « planté 3 épouvantails pour repousser les menaces de nouvelles bassines ».

La victoire

L’idée qu’ils seraient victorieux ressort beaucoup. D’abord le nombre, 10 000, semble très exagéré (Le Point parle de 2500 personnes s’étant aventurées dans les champs).

« Aujourd’hui, nous avons réussi à faire respecter notre liberté fondamentale de manifester, dans un contexte de répression massive. Cela nous donne de la force pour poursuivre la bataille pour l’eau à La Rochelle demain ! »

« Aujourd’hui encore, le mouvement anti-bassines se renforce en nombre et en ingeniosité, jusqu’au moratoire et la fin des méga-bassines. »

C’est que le sentiment d’être victorieux est l’une des rétributions apportées aux militants par la pseudo-écologie.

La novlangue militante

Enfin, le communiqué utilise une « novlangue militante », notamment avec le terme « désarmer ». En effet, ils ne dégradent pas, ils « désarment », comme s’ils s’agissaient de choses dangereuse et qu’eux, bienfaiteurs altruistent, se sacrifieraient pour neutraliser leur danger.

Ils créent ainsi un vocabulaire qui, par lui-même, porte l’inversion victimaire que martelle l’organisation.