Benoit Biteau, Bassines et BFMTV [19/07/2024]

Dans le contexte des manifestations antibassines dans la Vienne, Benoit Biteau a été interviewé sur cette question. Je commente rapidement son intervention.

Introduction

« Est-ce que vous savez que ces méga-bassines sont remplies avec de l’eau prélevée dans des ressources souterraines ? Et donc, le sujet, c’est qu’il n’existe pas d’eau en excès. C’est-à-dire que, et on va parler de chiffres. »

Diabolisation des irrigants

« On a seulement 6% des agriculteurs, 6% des agriculteurs qui aujourd’hui ont accès à l’eau d’irrigation, bassine ou pas bassine, 6% ! Quand j’entends un premier ministre, un ministre de l’agriculture, voire un Président de la République, voire un Ministre de l’écologie, nous dire qu’il n’y a pas d’agriculture sans irrigation, c’est parfaitement méprisant pour ne pas dire insultant pour les 94% d’agriculteurs qui arrivent à produire des denrées alimentaires, des denrées agricoles, qui soutiennent la souveraineté alimentaire et qui ne sont pas irrigants. »

Ce premier paragraphe n’a aucun sens.

D’abord il invente : le seul ministre qui a dit quelque chose s’en approchant est Marc Fresnau en septembre 2023 : « Zéro prélèvement d’eau, c’est zéro culture. Ils [Les anti-bassines] pensent qu’il y a un modèle d’agriculture sans eau ». Ce qui est vrai, si par prélèvement d’eau on entend l’eau grise (= celle qui tombe sur les champs), ce qui est confirmé par la deuxième phrase. Cette dernière avait d’ailleurs déjà été prononcée en février : « Sans eau, il n’y a pas d’agriculture. » Quant aux autres, le politicien les invente simplement. Il tente ainsi de redéfinir la vérité en martelant un mensonge.

On voit la logique, qui consiste à diviser les agriculteurs et à tenter de les monter les uns contre les autres et à essayer de faire semblant de défendre les agriculteurs. On devine aussi leur rhétorique sur l’accaparement.

« Y’a pas d’eau en excès. Les 6% dont on parle qui bénéficient de l’eau d’irrigation sont ceux qui ont arasé les méandres des cours d’eau et qui ont fait des autoroutes de l’eau, qui ont arraché les haies, qui ont arraché les arbres, qui ont retourné les prairies, qui ont drainé ces prairies et qui ont fait que le cycle de l’eau est parfaitement détraqué. »

La diabolisation crève le plafond, un peu comme si les agriculteurs actuels eux-même, personnellement, étaient responsable du remembrement (commencé dans l’entre deux guerres et accéléré après la Seconde Guerre Mondiale) ou bien de la conception de prairies cultivées (retournées et fertilisées), pratique développée par la « révolution fourragère » initiée au sortir de La Guerre (sous l’impulsion de … René Dumont, un des premiers politiciens écologistes).

Surtout, il impute, en creux, les problèmes de sècheresse à ces différents facteurs, ce qui est tout sauf prouvé. On est dans la diabolisation pure et simple. On retrouve, par ailleurs, l’élément de langage sur le dérèglement du cycle de l’eau, dont on ne sait toujours pas ce que c’est. Notons enfin que ces propos semblent climatosceptiques, niant l’impact du réchauffement climatique sur la nature de plus en plus erratique des précipitations.

L’eau en excès

« Et c’est parce que le cycle de l’eau est détraqué qu’on a toute cette eau qui part à la mer et qu’on ne sait plus retenir. »

Encore une allégation non prouvée qui construit la mystique autour du « dérèglement » du cycle de l’eau, comme si nous, pauvres mortel, avions péché et entravé l’oeuvre de la nature et serions punis pour cela.

C’est d’autant plus évident dans le cas de Sainte-Soline, où les agriculteurs prélèvent dans une nappe libre se déplaçant très rapidement, ou encore dans le cas des retenues près de Billom, objet des manifestations de mai, qui prélèvent … dans l’Allier.

Pseudo-alternative

« Mais, la solution pour avoir de l’eau en été, ça n’est pas de faire des méga-bassines qui pompent dans les ressources souterraines, c’est de restaurer le grand cycle de l’eau, c’est-à-dire réaménager le territoire, recréer les méandres des cours d’eau, replanter les arbres, replanter les haies, recréer des prairies qui ralentissent, retiennent l’eau, la laissent s’infiltrer et lui permette de recharger les nappes souterraines. Parce que le seul stockage qui vaille, c’est le stockage souterrain. Et c’est celui-ci qui est négligé depuis trop longtemps. »

Ce discours, empruntant au registre de la pseudo-alternative, montre l’incohérence profonde dans les propos des pseudo-écologistes. En effet, les retenues d’eau « bassines » servent justement à extraire de l’eau pour faire de la place, sans quoi l’eau ne peut pas s’infiltrer JUSTEMENT parce que le « réservoir » est plein.

De plus, ce stockage souterrain EXISTE et il est d’ailleurs préféré quand il est possible, notamment parce qu’il coute moins cher et qu’il n’y a pas d’évaporation. Pourtant, cela n’empêche pas Benoit Biteau et ses alliés de cracher aussi sur ces irriguants.