Esther Crauser-Delbourg, conflits de l’eau, l’obs et les bassines [7/04/2023]
Esther Crauser-Delbourg est une économiste-consultante ayant très récemment commencé à alimenter la désinformation pseudo-écologiste antibassine. Dans cet interview au Nouvel Obs, elle reprend l’essentiel de ladite désinformation.
Esther Crauser-Delbourg est une économiste, qui est intervenue sur BFMTV le 20/07/2024, dans la foulée des manifestations « anti-mégabassines ». Intrigué par sa désinformation et son profil, j’ai étudié le personnage.
Il s’avère que c’est un profil corporate qui a atteint un haut niveau chez Axa et s’est orientée vers une carrière de consultante.
Sainte-Soline
Questionnée sur « les violents échanges qui ont eu lieu à Sainte-Soline », Esther Crauser-Delbourg commence par comparer l’évènement aux conflits de l’eau du continent africain et alerte : « nous n’en sommes qu’aux prémisses ».
Cette comparaison est déjà un parti pris à deux niveaux : il ne s’agit pas d’un conflit sur l’usage de l’eau, mais d’une manifestation nationale contre les bassines qui a rassemblé des activistes de toute la France (voire de l’Europe ?) et qui demandent simplement que la bassine disparaisse pour des raisons purement morales.
Les comparer aux conflits de l’eau africains, où plusieurs entités se battent pour avoir accès à l’eau, dans un contexte où les institutions sont relativement jeunes, désinforme sur les revendications des antibassines et relève de la pure mauvaise foi.
Au passage, on voit l’intérêt d’avoir des personnes avec un haut degré de qualification pour épater le chaland.
La suite est stupéfiante, puisque la consultante relève que la situation « devient très préoccupante pour les revenus des agriculteurs » et qu’il faut « trouver une solution à cette détresse », mais patatra : « certains, disposant de très grosses exploitations qui nécessitent beaucoup d’eau, voient dans les mégabassines une solution. Mais elles sont une catastrophe ! »
Cette prétention à rechercher le meilleur intérêt des agriculteurs malgré eux est un des aspects récurrents et particulièrement sournois des pseudo-écologistes. Ici, c’est associé à la diabolisation des « très grosses exploitations », niant totalement que l’irrigation est utile indépendamment de la taille de l’exploitation.
Enfin, elle qualifie les retenues d’eau de type « bassines » de catastrophes, ce qui montre clairement qu’elle est dans une démarche militante, ce qui est confirmé par le reste de l’article.
Désinformation anti-bassines
Questionnée « pourquoi ? » par le journaliste, Esther Crauser-Delbourg déroule la désinformation anti-bassines. Je vous renvoie aux pages dédiées pour le détail.
« D’abord, parce qu’elles ne recueillent pas l’eau de pluie, comme on le croit trop souvent, mais pompent directement les nappes phréatiques. Or, celles-ci ont un besoin vital de se reconstituer. »
« Ensuite, parce que les mégabassines sont des espaces fermés par des murs de 8 mètres, où seuls certains agriculteurs ont le droit de venir se servir. Dans un pays qui a fait la Révolution, partager inéquitablement une ressource vitale comme l’eau est un symbole politique explosif, la garantie de créer des violences ! »
Notez l’inversion victimaire : les « bassines » seraient responsables des violences. Cela permet de déresonsabiliser la sphère militante. On voit ici l’importance, pour cette dernière, des soutiens apparemment neutres comme Esther Crauser-Delbourg.
Elle diabolise carrément la démarche, affirmant que les retenues impliqueraient nécessairement de « pomper massivement l’eau des nappes phréatiques, alors que nous ne devrions l’utiliser qu’avec la plus extrême parcimonie ».
Le cycle de l’eau
Elle ajoute que cela « perturbe le cycle de l’eau d’une manière que nous ne maîtrisons absolument pas. »
Elle détaille, affirmant que faire « remonter à la surface des millions de mètres cubes d’eau qui auraient dû rester souterrains » entraînerait une évapotranspiration qui « surcharge l’atmosphère, ce qui peut avoir des conséquences naturelles non maîtrisées et à des endroits très éloignés ».
C’est la désinformation sur le dérèglement du cycle de l’eau, un des éléments de langage les plus courants dernièrement, qui ne s’appuie sur aucune donnée concrète et méprise les ordres de grandeurs : l’évapotranspiration additionnelle est infinitésimale par rapport à l’ensemble.
Néanmoins, on est dans la mystique de « la nature » que nous risquerions de dérégler à la moindre action, que nous devrions laisser pure de notre influence perverse.
Les solutions
Ensuite, le journaliste aborde la question des solutions. On commence par la gestion.
Pseudo-alternatives
Esther Crauser-Delbourg commence en prétendant « nous devrions savoir d’abord quelle quantité précise d’eau se trouve sur terre, et comment elle est répartie ». J’imagine qu’elle parle de l’eau douce. Les données existeraient, mais elles seraient ignorées par « nous » (les décideurs ?).
Ensuite, elle prétend implicitement qu’on recourrait « systématiquement » aux nappes phréatiques. C’est une désinformation éhontée, car il y a de nombreux systèmes d’irrigation différents, une méthode étant même de pomper dans les cours d’eau pour … recharger les nappes.
Les exemples d’alternatives qu’elles donne sont d’utiliser « les eaux usées et les eaux de pluie pour certains usages agricoles ou industriels, ou dans nos foyers, pour l’eau de nos toilettes. » Elle propose donc la création d’un réseau d’eau additionnel en zone urbaine. RIEN QUE CA.
Elle présente aussi les innovation technologiques « permettant de rationner intelligemment l’eau » comme une solution. C’est juste, mais elle présente les systèmes de goutte-à-goutte comme une révolution, alors que ce n’est pas vraiment nouveau (il y a de la marge d’amélioration, mais en soi ce ce n’est pas une technologie nouvelle).
Elle précise :
« Il paraît invraisemblable que, partout dans le monde, on puisse encore irriguer ses légumes et céréales à l’aveugle, sans rien mesurer des arrosages inutiles. »
Ce commentaire montre à quel point elle est hors sol. En effet, de nombreux agriculteurs dans le monde n’ont même pas de machines motorisée pour travailler le sol et elle veut imposer l’agriculture de précision au monde entier.
Elle insinue, au passage, que les agriculteurs français irrigueraient leurs « légumes et céréales à l’aveugle, sans rien mesurer des arrosages inutiles. »
Valoriser l’eau
Elle reprend ensuite son propos sur l’eau virtuelle : il faudrait entre 7000 et 10 000 litres d’eau pour fabriquer un jean. [a priori ce chiffre représente surtout l’eau nécessaire pour cultiver le coton]
Elle prétend que les industriels auraient « un accès illimité à l’eau, sans jamais payer autre chose, au fond, que les tuyaux qui la lui amènent » et qu’il faudrait donner un prix à la ressource.
Elle cultive ici la confusion entre son eau virtuelle, qui inclue l’eau qui tombe sur les champs par exemple, et les prélèvements d’eau.
Le journaliste demande si cela ne donnerait pas un « permis de gaspiller » aux plus riches.
Elle botte en touche : « Ce sont de vraies questions, qui méritent d’être débattues collectivement. Je me permets juste de rappeler que je parle bien ici de « l’eau matière première », utilisée notamment par l’industrie, et non de l’eau que nous, humains, buvons et dont nous avons besoin pour survivre. »
Elle persiste néanmoins : « établir un prix du mètre cube donnerait aux Etats un moyen efficace pour mesurer et réguler les usages » et prétend que « nous nous trouvons actuellement dans un système où tout le monde la gaspille allègrement ».
On voit que tout son discours repose sur la diabolisation des acteurs économiques, alors que dans d’autres interventions, elle parle de ce qui est déjà mis en place par ces derniers pour économiser l’eau.