Esther Crauser-Delbourg, l’eau et Essec Alumni [29/05/2024]
Esther Crauser-Delbourg est une économiste, qui est intervenue sur BFMTV le 20/07/2024, dans la foulée des manifestations « anti-mégabassines ». Intrigué par sa désinformation et son profil, j’ai étudié le personnage.
Il s’avère que c’est un profil corporate qui a atteint un haut niveau chez Axa et s’est orientée vers une carrière de consultante.
Elle est active depuis un an ou deux et je commente donc quelques unes de ces interventions.
Ici, on va étudier l’interview qu’elle a donnée à Essec Alumni le 24/05/2024.
Ses modèles pour la gestion de l’eau
Cet interview est instructif. En effet, elle donne ses modèles : Singapour aurait une « gestion exemplaire de l’eau » et les universités américaines, avec « approche pluridisciplinaire mobilisant les hydrologues, les ingénieurs, les économistes, les climatologues et les spécialistes des relations internationales, en cheville avec les grands groupes agro-alimentaires ». Elle présente aussi Israël comme exemple. Son ambition serait « d’embarquer les grands groupes dans une transformation de leurs politiques de gestion de l’eau. »
Elle présente comme exemples Israël et Singapour, car « jamais on ne verra un système d’irrigation arroser des champs en pleine journée de soleil » et que « tout le monde est habitué à consommer des boissons issues de la réutilisation des eaux usées. »
Une présentation trompeuse du problème de l’eau
Elle y présente une vision purement quantitative de l’eau : « Un seul verre de vin nécessite à lui seul entre 70 litres et 120 litres d’eau ! » […] « Nous utilisons mal l’eau principalement parce que l’eau n’a fondamentalement pas de prix. On paye seulement les infrastructures qui permettent de l’extraire et de l’acheminer – mais pas la rareté de la ressource. » Le pire est ce passage :
« Primo, l’ONU estime que 90 % des catastrophes imputables au changement climatique sont liées à l’eau. Deuxio, sans eau, la biodiversité s’écroule. Tertio, un sol sec ou un arbre sec ne peut plus capturer de CO2 – or le GIEC estime que les sols et les arbres capturent naturellement 30 % de nos émissions. Autrement dit : il nous faut résoudre le problème de l’eau avant ou en parallèle de celui du CO2. »
Elle présente « le problème de l’eau » comme une totalité générique, alors que c’est une question contextuelle, qui concerne différemment chaque endroit. Quand on regarde ses solutions, c’est comme si elle prétendait qu’on pourrait efficacement lutter contre le dérèglement climatique en faisant les changements qu’elle prône qui sont, comme nous le verrons, des pseudo-alternatives.
Ses solutions globales
L’eau qui ne coute rien …
Elle prétend que, l’eau étant un facteur de production, comme le pétrole ou le gaz, on ne la reconnaîtrait pas comme « bien économique », ce qui nous empêcherait de « réguler l’eau, de la compter, de l’allouer et de sanctionner en cas de besoin. »
L’eau pas régulée, c’est une nouvelle qui fera beaucoup rire (jaune) tous les irrigants. En effet, l’eau est régulée d’une myriade de manières : outre les contrôles sanitaires, l’utilisation économique de l’eau est très encadrée et gérée (souvent ?) par des organismes publics ou semi-publics.
Surtout, l’eau coûte déjà de l’argent : il faut l’extraire, la transporter et l’utiliser. De quoi parle-t-elle ?
L’eau valorisée mais pas trop
Il faudrait « trouver l’équilibre entre une gouvernance locale, régionale et mondiale de l’eau. » L’interviewer questionne si cela ne rsiquerait pas « d’entraîner une financiarisation de l’eau » elle fait une réponse assez vague :
« En Californie par exemple, les grands agriculteurs sont autorisés à se revendre leurs quotas annuels d’eau s’ils ne les utilisent pas en entier. Résultat : pendant les grandes années de sécheresse, le prix de l’eau atteint des niveaux tels qu’il devient plus intéressant de vendre l’eau que de cultiver ses terres… Ma perspective vise des effets inverses : j’appelle à valoriser la rareté de l’eau pour inciter à adopter des comportements plus responsables et raisonnables. »
En somme, elle prétend vouloir valoriser l’eau, mais sans qu’elle soit trop valorisée. On est typiquement dans le registre de la pseudo-alternative, où l’inventeur de la prétendue solution invente une idée qui a l’air un peu nouvelle, puis bullshite pour garder la face.
Enfin elle dit qu’il faut se mettre d’accord sur une méthode pour compter l’eau, envisageant qu’on puisse compter l’eau tombant sur le pré ou bien l’eau utilisée par les clients pour utiliser le produit …
Ses solutions précises
Elle donne des solutions plus précises pour réduire « 20 à 30 % de réduction sans pour autant rogner sur notre confort ni notre production » :
- stockage des eaux de pluie,
- à la réutilisation des eaux usées (par exemple en réinjectant l’eau de lavage d’un site dans son système de refroidissement)
- ou encore à des techniques d’irrigation plus vertueuses comme le goutte à goutte qui suffirait amplement pour les cultures.
- passez une minute en moins dans votre douche, vous économisez entre 10 et 20 litres d’eau ;
- utilisez un lave-vaisselle au lieu du lavage à la main, vous consommez près de 7 fois moins ;
- tirez moins souvent la chasse d’eau, vous évitez de gâcher entre 9 et 15 litres à chaque fois
Etc.
On retrouve le registre de la pseudo-alternative : balancer plein de « solutions » sans vision globale, juste pour défendre qu’il y a des solutions.
Par exemple, l’utilisation d’un lave-vaisselle néglige que ceux qui lavent à la main n’ont souvent pas la place d’avoir un lave-vaisselle, de volume de couverts le justifiant et que le prix des pastilles de nettoyage est relativement élevé.
L’évocation du goutte à goutte achève de lever les doutes : elle ne sait pas de quoi elle parle. En effet c’est une méthode d’irrigation qui ne fonctionne pas dans beaucoup de contextes. D’abord, il est évident que c’est absurde en grandes cultures : il n’est pas viable de recouvrir les champs de tuyaux en évitant en plus qu’ils se bouchent. Cela porte aussi sur le type d’aspersion : certaines cultures (il me semble qu’on m’avait dit cela à propos des arbres) ont besoin d’une aspersion plus globale.
Surtout, on voit que les éléments spécifiques n’ont rien à voir avec les solutions présentées plus haut. On note aussi qu’elle présente le stockage de l’eau de pluie comme une solution. Nous verrons comment elle réussit à, malgré cela, s’associer au mouvement antibassines …
Dernier point intéressant : la mention d’Israël comme d’un exemple. Comment cela se combinera-t-il avec le mouvement pro-palestinien, qui diabolise ce pays ? Il a si bien infiltré le mouvement antibassines que son drapeau était omniprésente dans la manifestation du 20/07 et même avant, dans le camp de base.