Esther Crauser-Delbourg, les méga-bassines et La Rochelle [20/07/2024]
Esther Crauser-Delbourg, une « économiste spécialiste de l’eau et de l’environnement » est intervenue sur BFMTV en reprenant la désinformation la plus basique des pseudo-écologistes.
Nous allons présenter son propos et le commenter rapidement.
Rq : j’ai été alerté par le thread de Jiembé, qui avait déjà bien dégrossi le boulot.
La désinformation sur le fonctionnement des « bassines »
– Pourquoi est-ce que ces manifestants sont opposés à ces projets de méga-bassines ?
– Alors, c’est un peu les mêmes raisons que l’année dernière, c’est que, effectivement, dans les méga-bassines il y a deux problèmes. Il y a la méga-bassine en elle-même, l’objet du stockage de l’eau, et ensuite il y a la façon dont c’est géré.
La première chose, c’est qu’une méga-bassine, il faut bien le rappeler, ne capte pas l’eau de pluie, mais capte bien l’eau des nappes phréatiques. Donc on va chercher toutes ces fameuses nappes qui sont très à risque et qui en général ont peu d’eau au moment où tout le monde en a besoin, c’est-à-dire en été. Donc il y a le problème qu’il faut laisser ces nappes phréatiques tranquilles, or les méga-bassines prennent de l’eau de là, et pas de la pluie c’est très important de le rappeler.
Soyons clairs tout de suite : c’est de la désinformation. N’importe qui ayant creusé un peu le sujet sait d’une part que toutes les nappes ne se ressemblent pas et que certaines changent très vite ; d’autre part que toutes les bassines ne reposent pas sur l’eau des nappes. C’était d’ailleurs le cas de celle prévue près de Billom, contre laquelle ont manifesté les pseudo-écologistes le 11 mai 2024, qui prend l’eau de l’Allier.
Cette désinformation repose sur la méconnaissance du grand public de la diversité des nappes phréatiques. En effet, on est abreuvés de nouvelles sur l’état difficile de tel ou tel nappe (sud-est, Inde) et le grand public a l’idée que les nappes seraient des sortes de cavernes où l’eau ne serait jamais, ou quasiment, renouvelée.
En réalité, certaines nappes, dont celles où puisent les installations des Deux-Sèvres, se remplissent et se vident très vite, de l’ordre de quelques mois.
« Ensuite, il y a un problème structurel, c’est que ces méga-bassines, elles sont ouvertes. Donc, comme les piscines chez vous, et bah l’eau s’évapore. Donc en fait on perd entre 10 et 20% de cette eau-là et en plus de ça il y a un problème de bactéries qui se développent au fond, parce que, quand le soleil entre en contact avec l’eau, ça développe des bactéries. Donc, en gros, on parle de maladaptation. Ca c’est le premier problème. »
Ici on retrouve la désinformation sur le taux d’évaporation et sur le problème d’eutrophisation (= le développement de bactéries). Elle omet de dire que les micro-organismes ne se développent pas sans nutriment, soleil ou pas et que les retours d’expérience prouvent que ce n’est pas un problème. Quant à l’évaporation, elle surévalue largement le chiffre, qui serait plutôt de l’ordre de 5%.
La désinformation sur le fonctionnement des retenues d’eau
« Le deuxième problème, c’est qu’elles sont gérées de façon privée. Ce qui veut dire qu’en fait, quand on prélève de l’eau quand il y en a en hiver. Et ben en fait ceux qui vont pouvoir en bénéficier en été, ce sont uniquement les fermiers qui ont payé leur adhésion à la coopérative agricole ou en tous cas qui peuvent y accéder. Donc finalement, c’est une façon de privatiser l’eau, ce qui n’est pas du tout le cas en Espagne, c’est important de le rappeler, mais c’est vrai qu’on parle beaucoup des méga-bassines en Espagne, là-bas la plupart sont gérées de façon publiques. C’est-à-dire que c’est l’État qui alloue l’eau en fonction des besoins. »
Cet argument s’inscrit simplement dans la logique anticapitaliste la plus basique : il serait interdit que certains aient ce que d’autres n’ont pas.
Globalement, cet argument sur la « privatisation de l’eau » est aussi absurde que de critiquer le phovoltaïque pour « privatiser la lumière » ou le nucléaire pour « privatiser le rayonnement radioactif ».
C’est juste une prose expressément anticapitaliste : il ne faut pas que certains aient plus que d’autres, même s’ils ont payé les infrastructures pour.
Non seulement ça, mais en plus le pire, c’est que c’est géré sur un mode semi-public, avec une commission mixte paritaire qui a des prérogatives de puissance publique ! Le délire absolu.
L’Espagne est présentée sur le registre des pseudo-alternatives : on n’a aucun détails, mais on doit croire que leur solution est supérieure à celle qu’elle décrivait.
Il serait intéressant d’approfondir, la militante serait probablement mis face à ses contradictions.
» 1’27 » – Et où est-ce qu’on en est justement en France de la construction des méga-bassines. Parce qu’il y a eu des nombreux recours. Des moratoires. Où est-ce qu’on en est ? On a combien de bassines en fait ?
– Il y a eu énormément de projets qui ont été projetés, une vingtaine qui ont été arrêtés dans les derniers mois parce que justement trop polémiques, parce que on s’est rendu compte, et on le sait qu’en fait c’est pas une solution d’aller prendre l’eau des nappes phréatiques, qu’il faut les laisser tranquilles et qu’il faut plutôt se tourner vers d’autres solutions comme la captation des eaux de pluie par les retenues collinaires, par le recyclage des eaux usées, par la réutilisation des eaux qui passent par la station de purification, en fait il y a plein de choses à faire aujourd’hui, revoir notre système d’agriculture, c’est difficile hein, mais par exemple se dire qu’on va transitionner vers des cultures qui demandent moins d’eau dans les endroits où l’eau est en tension. «
Nous avons eu la pseudo-alternative à l’exploitation privée, on a maintenant la pseudo-alternative pour le stockage de l’eau :
- Les retenues colinaires sont des retenues qui supposent la présence d’une colline adaptée et ne conviennent donc pas à toutes les topographies.
- Le recyclage des eaux usées : oui, c’est un sujet récurrent, qui semble très difficile et cher vu qu’on en parle depuis des années.
Dans les deux cas, elle prône une solution qui est en même temps contredite par les discours de ses alliés antibassines, qui critiquent toute appropriation d’eau.
Enfin, on retrouve une pseudo-alternative plus commune : rejeter les cultures ayant besoin de stockage d’eau, ce qui appauvrirait les rotations, ce qui contredirait un autre discours des pseudo-écologistes.
On voit clairement ici d’une part l’intérêt de la technique de l’impératif contradictoire et de la pseudo-alternative : il s’agit de présenter d’autres hypothèses comme préférables, alors même que, si leur adoption était envisagée, les pseudo-écologistes lutteraient encore contre.
On peut voir ça comme ne stratégie de défense en plusieurs couches (« layers »). C’est très efficace pour fermer les possibles et faire tourner en bourrique les commentateurs niais.
« Il y a plein de choses à faire et donc c’est pour ça qu’en fait les méga-bassines, il faut le savoir aussi on est une semaine avant les JO, donc la date n’a pas été choisie au hasard, l’idée c’était de rendre ce sujet visible. Bon, ce qui est dommage c’est qu’on est partis effectivement dans un autre sujet qui est une opposition assez agressive qui du coup, bah, défocalise le problème. La preuve, c’est qu’effectivement on parle plus des violences .. bah ça brouille un peu le message et en plus, comme on l’a dit, ça oppose l’agriculture à l’écologie, ce qui est une contradiction totale, parce qu’en fait l’agriculture est profondément écologique par sa façon d’être. Simplement, voilà, il y a des raisons politiques et économiques qui font que ça ne marche pas toujours. Et la deuxième chose, c’est que les français se demande : est-ce qu’il faut choisir son camps ? Et ça c’est très nocif. Parce qu’on ne doit pas choisir entre l’écologie et l’agriculture.
C’est un peu brouillon, mais on retrouve le discours institutionnel consistant à faire mine en public de réprouver les violences.
On retrouve aussi le discours qui tente de présenter les pseudo-écologistes comme les alliés des agriculteurs : « en fait l’agriculture est profondément écologique par sa façon d’être. Simplement, voilà, il y a des raisons politiques et économiques qui font que ça ne marche pas toujours. » En d’autres termes, les agriculteurs sont sous l’emprise du modèle agricole qui les empêche d’être écologiques.
Ainsi, une « économiste », présentée comme une chercheuse, feint la neutralité pour passer un discours clairement pseudo-écologiste.