Le TedX d’Esther Crauser-Delbourg [29/04/2024]
Esther Crauser-Delbourg est une économiste, qui est intervenue sur BFMTV le 20/07/2024, dans la foulée des manifestations « anti-mégabassines ». Intrigué par sa désinformation et son profil, j’ai étudié le personnage.
Il s’avère que c’est un profil corporate qui a atteint un haut niveau chez Axa et s’est orientée vers une carrière de consultante.
Elle est active depuis un an ou deux et nous allons donc commenter quelques unes de ces interventions.
Ici, son TedX en avril 2024.
L’empreinte eau
Elle commence en nous expliquant qu’en mangeant deux tranches de pains, on « mange » environ 100L d’eau, et que nous « mangerions », « virtuellement bien sûr », entre 2000 et 5000L d’eau par jour.
Petit passage complotiste :
« Et c’est tellement énorme qu’on se demande : pourquoi est-ce qu’on en parle pas plus ? Et bien c’est parce que cette eau cachée, cette eau virtuelle, est l’un des secrets les mieux gardés au monde. » (1’42 »-1’56 »)
Elle se présente, puis définit sa spécialisation, l’empreinte eau : « C’est ce que nous consommons chaque jour en ressource en eau. C’est comme l’empreinte carbone, le CO2, sauf que là on parle d’eau, H20. »
Si on consomme en moyenne 150L d’eau « réelle », 95% de notre empreinte eau quotidienne serait de l’eau « cachée », ou virtuelle, ayant été nécessaire à la production des biens et aliments. Elle estime qu’il faut entre 70 et 150L d’eau pour produire 1L de vin. On retrouve le chiffre de 16000L pour le 1kg de boeuf.
Priorité ou non
Ensuite, elle dit quelque chose de très juste : « ce qui est grave, c’est quand l’eau vient à manquer, que tout le monde en a besoin au même moment et qu’il faut arbitrer entre les usages. »
Subtilement, elle ainsi associe cette question à l’eau virtuelle, comme si on pouvait se poser la question pour l’eau virtuelle. Quel rapport entre son étrange comptabilité et la disponibilité concrète de la ressource et des arbitrages qu’on doit faire, et qui sont faits ?!
Sans vraie logique, sans construction cohérente, elle aboutit au coeur de son propos : « nous pourrions continuer à vivre tout aussi bien à manger à notre faim et à boire à notre soif tout en utilisant beaucoup moins d’eau. »
Ainsi, l’eau virtuelle devient une sorte de péché qu’il ne faudrait pas consommer. La présentation permet de transformer des éléments corrects indépendamment (on peut estimer une empreinte eau, il y a des conflits d’usage) en une sorte de discours mystique.
Le retard
Elle questionne, sans qu’on sache trop de quoi elle parle : « Alors comment s’y prendre ? Déjà il faut comprendre pourquoi est-ce qu’on a pris autant de retard. Ca fait 10 ans qu’on parle de CO2, mais le CO2 ça se boit pas. Donc on ne peut pas survivre sans eau. »
Les mots s’enchaînent sans trop de logique, bon.
La première raison : on s’en foutait
Ensuite elle ment éhontément :
« Tant qu’on avait de l’eau, peu nous importait si on la gaspillait et je dirais même plus, peu nous importait si nos voisins ils en manquaient. »
C’est faux, le travail sur l’économie d’eau, tant dans la population que dans l’économie est présent depuis plusieurs dizaines d’années. Et que veut-elle qu’on fasse pour nos voisins ?
« Quand il y a une sécheresse en Espagne, est-ce qu’on se sent directement menacé ? A priori non. »
Donc en fait, il ne s’agit pas de faire quelque chose pour nos voisins, mais d’avoir peur pour nous. Ok.
Elle continue avec un proverbe chinois, rappelle que l’Espagne produit 50% des fruits et légumes pour l’Europe. L’emploi de ce chiffre est malin: alors qu’elle dit la proportion destinée à l’exportation, elle laisse entendre à l’auditeur distrait que l’Espagne fournirait la moitié des fruits et légumes de l’Europe. Or, si c’est loin de la réalité : selon FAOstats, en 2022, l’Espagne a produit 11.83Mt de légumes, contre 80.72Mt produits en Europe.
Ensuite, elle présente qu’une sécheresse en Espagne aurait donc des conséquences dans tous les pays européens, qui devraient aller chercher leurs fruits et légumes ailleurs (on continue donc le mensonge précédent), puis : « seulement, quand le monde entier connaît une crise de l’eau il n’y a plus d’ailleurs. »
Avec la dernière phrase, on entre de plein pied dans le n’importe quoi : on apprend que, quand il y a une sécheresse en Espagne, il n’y a plus de fruits et légumes en Europe et qu’il y a de toute façon des sécheresses partout, donc on peut pas en trouver d’autres.
La seconde raison : l’argent
La seconde raison de cet obscur retard serait l’argent.
L’eau serait la « matière première la plus échangée dans le monde en volume, mais la dernière en valeur », parce que « l’eau n’a pas de prix ». L’eau que nous payons, particuliers, paierait l’acheminement et le traitement, mais ne valoriserait pas l’eau en elle-même. Les produits ne seraient pas plus chers s’ils viennent d’une région où l’eau est rare. Le prix ne reflétant pas cette rareté, nous ne pourrions pas adapter nos comportements.
Il n’y aurait donc pas de prix pour l’eau virtuelle, qui serait « une ressource économique presque au même titre que le pétrole ou le charbon ». Ici elle tente de présenter l’eau comme une ressource non-renouvelable. C’est un élément récurrent de la désinformation pseudo-écologiste.
Quand au fond, il est aussi faux : l’eau virtuelle a un prix. Le prix de la terre agricole a tendance à augmenter dans les région bien arrosées et diminue dans les régions souffrant de la sécheresse. Plus largement, à chaque étape de la transformation, le fait d’avoir profité d’une ressource rare. Et si les producteurs ne valorisent pas leur chance, cela les regarde.
« Bon, le problème, c’est que si on devait payer le vrai prix de l’eau, vu à quel point elle est précieuse et vu à quel point elle se fait rare, et bien ou pourrait plus se permettre grand chose. »
Encore, on a la confusion de présenter le manque d’eau comme un problème systématique : ce serait le cas partout et tout le temps. Alors qu’on avait au début un discours apparemment pragmatique (le problème c’est le conflit d’usage), là on entre dans un discours mystique, qui est aussi celui qu’on entend le plus : économiser l’eau serait un impératif moral. Peu importe la réalité.
Les solutions
Néanmoins, ça tombe bien, elle a plein de recettes pour « consommer moins et mieux ». (8’41 »)
On retrouve toutes les astuces classiques (lave-vaisselle, douche, etc.)
Mais le gros, 90% de la consommation, viendrait de l’économie.
L’industrie
Il y aurait « beaucoup d’exemples d’usines sèches », réutilisant l’eau et optimisant leurs procédés. D’ailleurs « les industriels, ils ont pas vraiment le choix s’ils veulent continuer à exister ». Soit, donc à quoi servent ses simagrées ?
L’agiculture
On arrive ensuite à l’agriculture et ça commence fort :
« Alors déjà, on produit trop : dans le monde, 30% de la production alimentaire finit à la poubelle … » (10’08 »)
Le « gaspillage alimentaire » ne vient pas du fait qu’on produit trop mais de la difficulté à aligner la production avec la consommation. Si on produisait 50% moins, il y aurait encore 30% de gaspillage, ou peut-être 20 parce que les prix auraient augmenté. Sans compter les drames humanitaires correpsondant, mais ça ce n’est pas le problème de la consultante.
On produirait « au mauvais endroit, au mauvais moment », prenant l’exemple de la production de fleurs exotiques au Kenya, qui consommeraient l’eau « pile au moment où les populations locales en ont le plus besoin ».
Encore une fois, c’est au producteur et à son régulateur d’arbitrer l’allocation des moyens. Visiblement, pour eux, cela vaut le sacrifice. Qui est-elle pour leur dire qu’ils devraient faire différemment ?
On devine ici la mécanique de l’exploitation : on s’empare de la souffrance d’une personne et on la fait fructifier, même si cela nuit à ladite personne.
On continue dans le catastrophisme : les crises de l’eau ne concerneraient plus que les pays en voie de développement, mais le monde entier. Encore cette logique globalisante. Idem : « Dans 6 ans, on estime que le monde aura besoin de presque deux fois plus d’eau que de disponible ».
La conclusion est riche : « Il est grand temps de la traiter intelligemment, de la polluer au minimum et de la préserver pour nous et les générations futures ». On retrouve cette logique d’une ressource non renouvelable.
C’est renforcé par la comparaison avec le CO2 :
- L’eau serait essentiel pour capturer le CO2 (bah oui, pour les plantes …)
- On serait capables « d’inventer des institutions extrêmement complexes pour gouverner le charbon, le pétrole, les émissions de CO2 et l’eau a été complètement oubliée de l’équation. »