Les illusionistes de Géraldine Woessner et Erwan Seznec

Géraldine Woessner et Erwan Seznec, deux journalistes du Point, ont publié un livre très intéressant sur la pseudo-écologie : Les Illusionistes, aux éditions Robert Laffont.

Le livre est segmenté en 5 parties :

  • « Les idées« , qui retrace essentiellement la généalogie idéologique de la pseudo-écologie.
  • « L’énergie« , qui dénonce la désinformation sur l’énergie.
  • « L’agriculture et la biodiversité« , qui dénonce la désinformation sur ces sujets.
  • « Entrisme, activisme et violence : les méthodes« , qui aborde
  • « Les marchands de peur« , où sont mises en lumière plusieurs opérations de désinformation catastrophiste.

La généalogie de l’idéologie

Chapitre 1 (p.23-36)

Les auteurs commencent par une rétrospective sur la généalogie idéologique de l’écologie politique. On commencerait avec le romantisme, « de Jean-Jacques Rousseau à Chateaubriand », qui, se réfugiant « dans le rêve et dans l’onirisme », exalterait une « ‘nature vierge’ érigée en symbole de pureté et de paix, qu’il faudrait préserver de la voracité des hommes ». « La dimension religieuse est omniprésente : la nature reste une création divine, immuable et bonne. » (p.26-27)

L’arrivée du darwinisme pourrait mettre à mal ce narratif, « balayant » ce paradigme. Néanmoins, « les précurseurs des mouvements écologistes » ne changeraient pas. Les auteurs évoquent ensuite Haeckel, biologiste très réputé qui a eu un rôle crucial dans la diffusion du darwinisme social et de plusieurs thèmes qui seront ensuite exploités par le nazisme.

Moins sulfureux, ils évoquent Goerges Perkins Marsh aux États-Unis, dont le livre L’Homme et la Nature en 1964 aurait inspiré la création du Conservation Movement, et la création du parc Adirondack. Sa conception est religieuse, « élitaire et réactionnaire ». Il sera néanmoins redécouvert et encensé par la gauche après les années 70. Idem de Henry David Thoreau, qui a vécu dans une cabane pendant 2 ans.

Les auteurs évoquent ensuite l’arrivée des grandes organisations, comme The Nature Conservancy, l’UICN et WWF. On apprend notamment que, parmi les créateurs de ce dernier ce trouvaient deux sympathisants du régime d’Hitler : les princes Philip d’Angleterre et Bernhard de Hollande, ce dernier, ancien officier nazi, en a même été le premier président. On rappelle que la création de réserves naturelles s’est faite au prix de l’expulsion d’ « au moins un million de personnes ».

Chapitre 2 (p.37-43)

Ensuite on aborde le malthusianisme en rappelant que les prédictions de Malthus ont toutes été démenties, ce qui n’a pas empêché « cette notion de rareté » de nourrir « aujourd’hui les théories écologistes décroissantes ou effondristes ». On rappelle également que sa théorie visait avant tout à justifier « la préservation des ressources pour une catégorie dominante » ainsi que son rôle dans les famines Irlandaises et Indiennes au XIXe.

Il est ramené après la guerre par Fairfield Osborn (La Planète au pillage) et William Vogt (La Faim du monde), qui ont inspiré la principale figure moderne de cette mouvante : Paul Ehrlich, qui publie avec le Sierra Club The population Bomb en 1968, qui aurait été « écoulé à 2 millions d’exemplaires, dans lequel il prédit, entre autres insanités, « la mort par famine de 65 millions d’américains dès les années 1980 ».

Sur ce thème lire Merchants of despair de Robert Zubrin.

Chapitre 3 (p.44-51)

Erhlich aurait lui-même inspiré le rapport Meadows (Limits to growth) du Club de Rome, qui prédit en 1972 de nombreuses limites planétaires qui ont prouvé être fausses. Malgré l’invalidation, Meadows appelait encore en 2022 dans Le Monde « à mettre fin à la croissance incontrôlée, cancer de la société ». Ces travaux ont inspirés des politiques antinatalistes brutales, notamment en Inde et en Chine. Son discours antinataliste est aujourd’hui notamment repris par Jean-Marc Jancovici.

Chapitre 4 (p.52-54)

En 1971 l’ONU instaure une « Mother Earth Day », adoptant une vision religieuse de l’écologie, qu’adopte aussi d’ailleurs l’Église un peu plus tard : en 1979 Saint François d’Assise est proclamé « Saint patron des écologistes » par le page Jean-Paul II. Détail amusant, la mobilisation, en 1970, qui l’a inspirée est initiée par le sénateur Gaylord Nelson, « dont l’organisation est financée […] par le magnat du pétrole Robert O. Anderson. »

Chapitre 5 (p.55-69)

Dans les années 60, le Sierra Club se déchire sur la question du nucléaire civile, ce qui amène en 1969 le départ de David Brower, qui crée Friends of the Earth, notamment soutenu par un chèque de 200 000$ de Robert O. Anderson. Dès 1970 est créée une antenne française, qui fait immédiatement publier chez Fayard le livre d’Erhlich. Greenpeace est fondée l’année suivante par d’autres dissidents antinucléaires.

La même année, Pompidou, alors premier ministre, manifeste sa sensibilité écologiste, alertant que « L’emprise de l’homme sur la nature est telle qu’elle comporte le risque de destruction de la nature elle-même » et l’exprime à travers un ministère de l’écologie qui sera à l’origine d’intéressantes réglementations. Néanmoins, n’étant pas décroissant, il est oublié.

Le mouvement se construit autour du mouvement antinucléaire, en même temps que les alertes sur les émissions de CO2 sont ignorées. Ainsi, Jean-Yves Cousteau qualifie même de « baratin » ces dernières, répondant à Haroun Tazieff dans Les Dossiers de l’Ecran en 1979. Les écologistes ne prennent pas le pouvoir, malgré la participation aux élections, mais parviennent à empêcher la construction de Plogoff, laissant la Bretagne avec ses centrales à charbon. Ce serait même Margaret Thatcher qui serait à l’origine de la création du GIEC en 1988.

Plusieurs personnalités sont parties des mouvements écologistes après avoir constaté l’opposition de ces derniers avec la science : Brice Lalonde en 1990 (Verts), Patrick Moore, un des fondateurs de Greenpeace, en 1986, et François de Rugy.

Chapitre 6 (p.70-74)

Deux personnages, peu connus mais dont j’entends souvent parler, sont présentés : Ivan Illich et Jacques Ellul. Ces deux personnages très religieux publient dans les années 70 plusieurs livres technophobes qui ont largement inspiré l’écologisme radical.

Chapitre 7 (p.75-85)

Ensuite est abordé le principe de précaution. Inspiré par le Principe de responsabilité de Hans Jonas, il est affirmé pour la première fois en 1992 lors du Sommet de la Terre de Rio. En France, il est intégré dans la loi en 1995 et permet à Greenpeace, représenté par Corinne Lepage, d’obtenir l’interdiction de semences OGM deux ans plus tard. Il est introduit dans le bloc de constitutionnalité en 2005.

Les auteurs décrivent les dérives de cette règle et concluent très justement :

« Il faut saluer le coup de génie des organisations écologistes ayant poussé ce concept : il permet d’imposer des décisions en contournant la démocratie représentative, au nom du bien supérieur, que seules ces ONG auraient la grandeur d’âme d’incarner. »

Ce serait un principe populiste, ayant notamment permis le démantellement d’antennes relais et de compteurs Linky pour une « électrosensibilité » imaginaire.

Chapitre 8 (p.86-95)

Le chapitre 8 développe le mélange des genres entre les Verts et Greenpeace et développe des points intéressants.

Par exemple, c’est Arnaud Apoteker qui aurait lancé Greenpeace dans la lutte anti-OGM en 2008. Les auteurs parlent aussi de Générations Futures et des Soulèvements de la Terre. C’est un peu confus mais très intéressant.

Un passage m’interpelle, après qu’ait été évoquée l’ouverture à la « société civile » que prétend avoir EELV :

« Mais qu’est-ce que la société civile, au juste ? Quel est son numéro de téléphone, comment la joindre ? Dans le cadre de ses états généraux 2023, EELV répond implicitement. La société civile, ce sont des associations. Près de 180 ont été consultées. »

En effet, cela fait écho à l’invocation récurrente du « peuple » chez l’extrême gauche pour se justifier, mais attention : pas celui qui vote, mais bien une notion définie librement par ses auteurs.

La partie se finit avec un portrait de Nicolas Hulot : moniteur de planche à voile, il est imposé par sa compagne, directrice à TF1, pour présenter Ushuaia. Puis, le clan Chirac et TF1 ont l’idée de la Fondation Ushaia, qui deviendra Fondation Nicolas Hulot. L’ensemble servira globalement d’opération greenwashing à la droite.

Désinformation sur l’énergie

La partie suivante commence par mettre en évidence l’hypocrisie de l’Allemagne, qui a encore l’une des énergies les plus polluantes d’Europe, malgré 600 milliards d’euros d’investissements. Elle a ainsi préféré fermer ses centrales nucléaires plutôt que ses centrales au gaz et au charbon. (Chapitre 9, p. 103-106)

Chapitre 10 (p. 107-126)

Ils rappellent ensuite que le ministre allemand, Habeck, avait menti pour fermer les dernières centrales avant de questionner : comment cela a-t-il pu arriver ? Est rappelée une carte des 10 usines les plus polluantes de l’Ouest, fournie par le ministère de l’écologie en 2005, qui ne mentionne pas la centrale à charbon. Est ensuite développé l’entrisme réglementaire anti-nucléaire en France avec d’abord l’abandon de Plogoff (nuc) en 1981 au profit de Landivisiau (Gaz).

Le rôle de Bernard Laponche revient beaucoup. Scientifique du CEA « farouchement antinucléaire, architecte de la ligne antiatome de la CFDT », Mitterrand se rapproche de lui et le nommera à la tête de l’Agence française pour la maîtrise de l’Énergie en 1982, qu’il dirigera 5 ans. Elle sera fusionnée avec d’autres agences en 1991 pour former … l’ADEME. Censée fournir des rapports, elle sera en fait « totalement investie » par les antinucléaires et trompent les décideurs avec des données biaisées : « Un État dans l’État. Il fallait vérifier 80% du travail qui nous était remonté ! ». Est notamment abordé aussi la fin de Superphénix (on retrouve d’ailleurs Laponche dans le cabinet de Dominique Voynet).

Le Grenelle de l’environnement donne aux antinucléaires et décroissants « une formidable caisse de résonance » et favoriserait le secteur gazier. Borloo consacre l’objectif de 23% d’EnR d’ici 2020. En 2012, Hollande prévoit de réduire à 50% la part du nucléaire. Est raconté un bel exemple d’entrisme : l’ADEME produit un rapport ridicule certifiant qu’un mix 100% renouvelable serait possible en 2050 et un employé le fait fuiter à Mediapart. RTE aurait également un rôle politique, pour « crédibiliser la politique choisie ».

Est évoqué l’arrêt du programme Astrid, puis nuance le « virage de Belfort » (discours où Macron s’engage à construire de nouveaux réacteurs).

Le chapitre suivant évoque un élément très discutable du calcul du DPE : pour calculer l’énergie nécessaire pour chauffer un logement, le chauffage électrique consommé est multiplié par 2,58. Ce coefficient est censé traduire le rendement des centrales thermiques, qui ne transforment qu’autour de 35% de l’énergie générée en électricité. Logique si l’électricité est produite à partir de charbon ou de gaz, c’est absurde dans un pays où l’électricité est nucléaire. Greenpeace mène le fer de lance contre le chauffage électrique. (Chapitre 11, p. 127-131)

C’est d’autant plus absurde qu’une alternative, le chauffage au bois, serait nocive pour la santé et même pour le climat. (Chapitre 12, p. 132-141) [Je ne suis pas convaincu pour les arguments sur l’impact climatique]

Le dernier chapitre de la partie aborde la diffusion de la peur irrationnelle du nucléaire, rappelant que 66% des moins de 35 ans croient que les réacteurs produisent du CO2. Il revient sur la désinformation autour de Tchernobyl, l’intrusion à Cattenom en 2017, la désinfo sur le tritium, l’accusation de dépendance à l’uranium russe avec la guerre en Ukraine, etc. Cette désinformation aurait même eu des conséquences mortelles, étant responsable de la surréaction du gouvernement japonais face à Fukushima. (Chapitre 13, p. 142-150)

La partie finit avec un chapitre sur Jancovici, retraçant son parcours et rappelant son catastrophisme très malthusien. (p.151-159)

Désinformation sur l’agriculture et la biodiversité

La troisième partie commence en dénonçant la diabolisation dont sont l’objet les pesticides « à coups de campagnes incessantes » de l’écologie politique, qui a réussi à enfermer l’opinion public « dans une sorte de psychose – convaincue […] que les traces de ces produits sont plus dangereuses que l’alcool et que les autorités, vendues à l’agrobusines et aux marchands de pesticides, complotent dans leur dos pour les empoisonner. »

Elle rappelle qu’à production égale le bio demande plus de terres et qu’il impliquerait « la généralisation du labours », ainsi que la multiplication de l’élevage pour faire de l’engrais.

Elle rappelle aussi que les pesticides étaient déjà utilisés dans l’Antiquité, avec le soufre chez les Grecs et l’arsenic chez les Romains, puis compare les phytosanitaire aux médicaments : « En santé humaine, il ne viendrait à l’idée de personne de traiter de la même manière de la morphine, du curare et du paracétamol en clamant que « les médicaments sont dangereux » et qu’il faut tous les interdire. » C’est pourtant ce qui est fait avec l’agriculture, alors même que les données sont rassurantes et que la bio en utilise aussi. (Chapitre 14, p. 163-170)

Le chapitre suivant, où je suis d’ailleurs cité, aborde « la véritable histoire des Monsanto Papers« , en livrant une très bonne synthèse. (Chapitre 15, p. 171-181) C’est ensuite l’imposture des « pisseurs de glyphosate » qui est dénoncée, en rappelant notamment les doutes sérieux qui existent sur le laboratoire Biocheck, qui faisait ces analyses et surtout sa dirigeante, Monika Kruger. Ces campagnes auraient été initiées en 2018 par Dominique Masset, « militant antinucléaire historique » et « un petit groupe de Faucheurs volontaires d’OGM ». (Chapitre 16, p. 182-188)

S’ensuit un portrait de Vandana Shiva, décrite comme une sorte de star sur le déclin dans les pays anglo-saxons, où sont rappelé certains de ses délires (le gène terminator qui contaminerait les autres plantes …) et surtout ses théories sur le Covid, qui auraient été relayées par Marie Toussaint. (p.189-193)

Sont évoquées ensuite les surtranspositions. En auraient été victimes la pomme, dont la production a été divisée par 2 depuis 1990, faisant que « nos compotes, confitures ou conserves sont faites à 96% de fruits » cultivés à l’étranger. S’agissant des cerises, le diméthoate aurait été interdit brutalement en 2016, 3 ans plus tôt qu’en Europe, ce qui aurait obligé les agriculteurs à utiliser des doses massives d’autres pesticides. Le cas des néonicotinoïdes sont évidemment détaillés, avec le choc de 2020 et l’absence d’alternative. Cela pourrait également achever la filière noisette, pourtant déjà faible (80% sont importées). (Chapitre 17, p. 194-201)

Le chapitre suivant est présenté comme le plus imortant, questionnant : « La lutte contre les OGM : un crime d’écocide ? » Il commence par rappeler que leur innocuité est reconnue et que, s’il ne s’agit pas d’une solution magique, ils sont, « comme le souligne le GIEC, un levier d’action incontournable pour résoudre les défis climatiques. » Ils permettent aussi de s’adapter au dérèglement climatique en supportant mieux les conditions extrêmes (inondations et sécheresses).

Mieux, ils apportent des solutions cruciales sur le plan sanitaire, comme avec le riz doré, qui permettrait de « soulager les souffrances de quelque 250 millions d’enfants atteints de carences. » Pourtant les écologistes et notamment Greenpeace luttent contre avec acharnement.

Une tribune de 100 prix Nobel ont en conséquence accusé Greenpeace de crime contre l’humanité pour cette opposition. Sont également rappelés plusieurs épisodes de désinformation anti-OGM, comme « Alerte au soja fou ! » de Libération ou l’affaire Séralini. (Chapitre 18, p. 202-216)

Le chapitre suivant aborde le « mystère Andreas Malm » : comment ce chercheur de second plan est devenu une référence centrale les mouvements les plus radicaux ? Il écrit un livre publié en 2016, Fossil capital : The Rise of Steam Power and the Roots of Global Warming, selon lequel ce serait l’exercice d’un « pouvoir supérieur sur les travailleurs » qui aurait motivé l’industrie du coton à passer des moulins à eau à la vapeur.

C’est avec Comment saboter un pipeline qui gagne en notoriété, un article du Monde lui étant dédié en 2023, le qualifiant de « Lénine de l’écologie ». « Andreas Malm serait le penseur de la violence environnementale tournée contre les biens du capitalisme. »

L’intérêt pour lui de l’extrême gauche serait parce qu’il permet « de marier l’écologie, le marxisme et les mouvements pro-palestiniens. » Il a ainsi soutenu le FPLP et « dit avoir ressenti ‘de la stupeur et de la joie’ en voyant les images de l’offensive terroriste contre Israël. » (Chapitre 19, p. 217-222)

Le suivant aborde la question de l’eau et, surtout, des « bassines ». Il met en évidence le caractère quasi-religieux des oppositions aux « mégabassines » et la désinformation contre ces solutions. (Chapitre 20, p. 223-230)

Suit un portait d’Emma Haziza, grande figure de cette désinformation, dans lequel les auteurs rappellent quelques une des plus belles âneries de l’hydrologue. Ainsi selon elle, c’est l’extraction et l’évaporation d’eaux fossiles qui causerait le réchauffement climatique. « Je n’ai pas dit qu’il ne fallait pas décarboner, mais je pose la question. Le CO2, est-ce que ce n’est pas l’arbre qui cache la forêt ? » Surtout est présenté son groupe d’entreprise « Mayane Groupe » et ses filiales. « Boostée par la publicité gratuite offerte par les médias, Mayane est la chouchoute des collectivités, qui financent, sur fonds publics, les ‘diagnostics de sensibilité aux risques ou aux inondations proposés à leurs administrés, ou à leurs entreprises. » Elle fait également partie du groupe de travail destiné à « garantir la qualité du contenu de la formation à la transition écologique ». (p.231-236)

On arrive ensuite à la question du Zéro Artificialisation Nette (ZAN). Je ne suis pas sûr d’avoir tout compris, mais en bref une restriction forte à l’artificialisation des sols aurait été prise sur la base de chiffres faux ou manquants. En effet, le chiffre de 596 000 ha de terres agricoles perdus entre 2006 et 2015 ne prendraient pas en compte les terres qui on simplement cessé d’être exploitées et, inversement, les zones urbanisées qui « sont retournées à l’état agricole ou de nature dans l’intervalle ! ». Seulement 250 000 hectares seraient construits tous les dix ans. La répartition des surfaces qu’on peut artificialiser serait répartie assez rigidement et ne permettrait pas le développement de plusieurs grands projets cruciaux, comme la filière aéronautique à Toulouse. (Chapitre 21, p. 237-245)

Le dernier chapitre met en évidence une hypocrisie assez ahurissante de la glorification de l’agriculture bio : la pyrèthrine. Pesticide autorisé, sa production demande pourtant la culture du pyrèthre de Dalmatie qui … est traitée avec des pesticides conventionnels (comme le bénomyl, le chlorothalonil ou encore le difénoconazole) et bénéficie des engrais de synthèse et de l’irrigation. (Chapitre 22, p. 246-250)

« Entrisme, activisme et violence : les méthodes »

La troisième partie porte sur des aspects plus organisationnels de la pseudo-écologie.

Elle commence par mettre en évidence le manque d’intégrité de plusieurs médias qui exagèrent et diabolisent. L’irrationnalité des narratifs défendus interroge : « Chaque année, des substances sont réévaluées et interdites. Ce qui ne rend que plus troublante cette question centrale : pourquoi les industriels, rodés à l’interdiction des molécules, comploteraient-ils pour ne sauver certaines ? Pourquoi des scientifiques et des fonctionnaires accepteraient-ils de couvrir leurs manigances ? » Les auteurs démontrent l’imposture de médias se présentant comme « neutres », tout en désinformant sans vergogne. Ils donnent un exemple éloquent avec un reportage de Cash Investigation et un article du Monde de juin 2023 attribuant l’autisme aux pesticides, qui fait suite à un dénigrement constant, une « guerre contre l’agriculture conventionnelle ». (Chapitre 23, p.251-262)

Ensuite on a logiquement le portrait de Stéphane Sitbon-Gomez, directeur des antennes et des programmes de France Télévisions. Sont notamment décrits son intention « de mettre l’environnement partout » et son parcours politique très proche de EELV (ex: directeur de cabinet de Cécile Duflot), au final très aligné avec celui de sa patronne, Delphine Ernotte. (p.263-265)

Le chapitre suivant pour sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Il rappelle les grandes lignes de l’affaire : le vote des habitants qu approuvaient la construction, le soutien d’un maire adjoint EELV à la Mairie de Paris et les discours délirants, comme celui de Benoît Hamon, qui prétende qu’il y aura à la place « un autre modèle agricole, écologiste et paysan ». Ce prétexte ridicule a eu une suite : une trentaine d’anciens « zadistes » se sont effectivement mis à louer les terres et à les cultiver comme tous les agriculteurs cultivent. D’autres, plus radicaux, vivent dans des habits précaires et on pris les premiers en grippe. Est mis, en plus, en évidence l’hypocrisie absolu du mouvement, qui s’est structuré de manière opaque autour d’un organe informel, le Conseil pour le Maintien des Occupations (CDMO), qui pouvait user de coercition pour faire appliquer ses décisions. Par ailleurs, on ne sait pas où sont passés les 700 000€ donnés soi-disant pour acheter les terres agricoles … (Chapitre 24, p.266-275)

Sont ensuite étudiés les Soulèvement de la Terre. Ce groupe informel aurait été formé par les anciens du CDMO après la « victoire » de la ZAD. « Les chèques au profit des Soulèvement sont à établir à l’ordre de l’ « Association pour la défense des terres », basée au lieu-it Le Liminbout, à Notre-Dame-des-Landes, créée le 19 octobre 2021. » Après plusieurs tentatives de recréer des ZAD, ils rencontrent Julien Le Guet et s’attaquent aux retenues d’eau des Deux-Sèvres. Sainte-Soline « permet aux Soulèvements de créer des franchises. Vous avez un combat ? Nous avons la méthode. » Ils s’attaquent ensuite à la LGV Lyon-Turin, à Lafarge_ et se déclarent « contre » tout et n’importe quoi. What’s next ? (Chapitre 25, p. 276-283)

Le chapitre suivant commence par une anecdote remarquable : l’affaire de l’invitation des Soulèvements de la Terre aux discussions pendant le Salon de l’Agriculture. La provocation absurde, qui déclencha évidemment l’ire des agriculteurs, était le fait de deux conseillers de l’Élysée : Matthias Ginet, ancien assistant de Pascal Canfin, et Benoît Faraco, ancien militant du RAC et porte-parole de la FNH. L’entrisme le plus évident en action. Ensuite, le ministère de l’Écologie est présenté comme une « cinquième colonne », en s’appuyant sur des témoignages, notamment celui de l’ancien ministre, François de Rugy, et des exemples concrets, comme les discussions pendant les Assises de l’eau en 2018. (Chapitre 26, p. 284-291)

Le portrait suivant porte sur une personnalité très peu connue : Gilbert Simon, « l’artisan de la réintroduction des ours dans les Pyrénées ». Conseiller technique pour les ministres Brice Lalonde et Ségolène Royal, il sera aussi administrateur du WWF France et, entre 1992 et 1996 « directeur de la nature et des paysages du ministère de l’Écologie. » Est décrit un système hallucinant : « Concrètement, Gilbert Simon a participé à la mise en place d’un système où une direction centrale valide des subventions versées à des associations dont ses fonctionnaires sont membres, parfois dirigeants. Les mêmes fonctionnaires rédigent les recours administratifs engagés par ces associations contre les décisions de l’État qui ne vont pas dans le sens d’une protection maximaliste des grands prédateurs ! » C’est d’autant plus ridicule que le maintien des ours bruns n’aurait pas de sens, ne s’agissant absolument pas d’une espèce menacée.(p.292-295)

Le chapitre 27 porte sur la question de l’augmentation du pouvoir des institutions écologistes et les frictions que cela entraine avec le reste de la société. (Chapitre 27, p. 296-303)

Le chapitre 28 présente les ONG comme des multinationales en mettant en évidence leurs capacités financières et l’instrumentalisation de leur pouvoir de nuisances à des fins économiques et politiques. Ainsi est relevé que Sea Sheperd est cogestionnaire de zones de pêche industrielles en Afrique et lève des millions d’euros, ce qui lui permet d’avoir une flotte plus importante que les flottes militaires du Qatar, de la Mauritanie ou de Madagascar. Est également rappelé la puissance de The Nature Conservancy, qui représente 9.5Md$ d’actifs, avec des terrains de la superficie de l’Espagne.

Les auteurs présentent l’instrumentalisation de zones de non-pêche à des fins politiques (ex: installation d’une base militaire) ou économique (exploitation de gisement d’hydrocarbures ou miniers), ainsi que l’intérêt du pouvoir de nuisance : « on sait comment faire pour que Sea Shepherd et Bloom laissent tranquille la pêche française. Il suffirait de signer une convention leur donnant de l’argent et le pouvoir de cogérer nos eaux ! » (Chapitre 28, p. 304-313)

S’ensuit un portrait de Claire Nouvian, dirigeante de Bloom. Elle avait fondé en 2005 Bloom une ONG « spécialisée dans la protection des océans », et surtout contre le chalutage profond. Certains passages sont éloquents :

« A l’institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), Alain Biseau, coordinateur des expertises halieutiques, a refusé de condamner le chalutage profond. Claire Nouvian l’a publiquement dénoncé comme vendu au lobby de la pêche. » […] « Un autre expert en halieutique rend hommage à Claire Nouvian, qui a su faire exister un sujet très technique auprès du grand public, mais il déplore sa tendance  » à rendre la vie infernale aux chercheurs qu’elle considère comme des traîtres, c’est-à-dire tous ceux qui oisent un jour lui dire qu’elle se trompe. » » (p.315)

Surtout, les auteurs relèvent que le Pew Charitable Trusts, fondé par une compagnie pétrolière, a fourni des sommes imporantes à Bloom dans les années 2010, quand elle n’était pas connu. Une autre fondation a donné une bourse de 200 000$ à Claire Nouvian elle-même. En 2019, elle a laissé la présidence de l’association au cofondateur de KLB Group, un groupe de conseil en ingénierie qui travaille notamment pour … la pétrochimie. En 2018 elle avait fondé Place publique avec Thomas Porcher et Raphaël Glucksmann. (p.314-318) Cela illustre parfaitement le double standard sur les conflits d’intérêts.

Tout le chapitre suivant est consacré à Greenpeace. On rappelle son budget gigantesque (410 M$ en 2020) et son histoire : créée en 1971 contre les essais nucléaires, elle devient anti-OGM et anti-nucléaire après l’arrivée de Thilo Bode, « ex-cadre d’une société sidérurgique », à sa tête. Son financement est présenté comme venant de 3 millions de donateurs particuliers, mais elle travaille avec des ONG qui reçoivent, elles, des dons de grandes entreprises.

Une de ses principales activités est la production de rapports, qu’elle a réussit à faire passer pour comparables à des publications institutionnelles. Ils peuvent être cobrandé par d’autres organisations, comme la Fondation Heinrich-Böll ou Yves Marignac et favorisent le développement du gaz. La branche allemande est allée jusqu’à devenir fournisseur d’énergie et, en 2011, de fournir … du gaz. Vendu comme « vert », le biogaz contenait en fait moins de 20% des volumes vendus, et l’hydrogène vert moins de 1%. Je ne détaille pas c’est, comme vous l’imaginez, il y a beaucoup de choses à dire … (Chapitre 29, p. 314-332)

« Les marchands de peur »

La dernière partie décrit comment la pseudo-écologie désinforme et l’ampleur de cette désinformation.

Le premier de ces chapitre portes sur le pesticide bashing. Il commence avec des statistiques dramatiques, comme le fait que « 63% des Français pensent que les pesticides représentent un risque élevé ou très élevé pour la santé », puis en développe ses origines.

Il présente comment, en appuyant sur la fallacie des résidus avec d’habiles stratégies (ex: multiplication d’association pour peser pendant le Grenelle de l’Environnement), le lobby bio mené par Génération Futures de François Veillerette et Maria Pelletier a réussi. On y retrouve des noms familiers : Marie-Monique Robin, Biocoop, Léa Nature … (Chapitre 30, p.335-344)

S’ensuit un portrait de François Veillerette où Erwan Seznec raconte sa rencontre avec lui en 2015, alors qu’il travaillait à l’UFC Que Choisir, à l’occasion d’une histoire de résidus de pesticides dans les salades. (p.345-351)

Le chapitre suivant donne avec énormément de détails comment Stéphane Foucart et Emmanuelle Amar ont construit sur des bases infiniment discutables l’histoire du cluster de bébés sans bras. (Chapitre 31, p.352-362) Le suivant, lui, met en évidence la désinformation sur les ondes, avec l’invention d’une « électro-hyper-sensibilité » démentie par les scientifique. On y retrouve notamment la place centrale du Criirem, de Michèle Rivasi et Corinne Lepage. (Chapitre 32, p.363-373)

Le portrait suivant porte sur Michèle Rivasi et montre que ce sont ses mensonges sur la catastrophe de Tchernobyl qui ont lancés sa carrière. Il aborde aussi sa proximité avec l’ésotérisme, notamment antivaxx. (p.374-376)

Le chapitre suivant debunke le mythe de l’obsolescence programmée. Erwan Seznec raconte notamment comment, après avoir été inverviewé par une journaliste réalisant un documentaire, son propos a été complètement ignoré. Il rappelle aussi que la loi instaurant le délit d’obsolescence programmée, édictée en 2015, est restée lettre morte. (Chapitre 33, p.377-386)

Le chapitre suivant porte sur les algues vertes. Il montre l’absence de base scientifique et même de crédibilité de la thèse des algues libérant des poches de H2S causant des morts sur les plages bretonnes. (Chapitre 34, p.387-397)

Le chapitre suivant aborde la question de l’ésotérisme dans la pseudo-écologie, notamment à travers l’écoféminisme et la biodynamie. (Chapitre 35, p.398-403)

« Pour les militants présents, l’opposition entre la nature, principe de vie féminin, et le capitalisme, principe de mort patriarcal, était une évidence. Lesm achines qui perçaient la montagne étaient phalliques. Elles violaient la Terre Mère, comme un homme viole une femme. Eux-mêmes revendiquaient leur arriération délibérée (déguisements artisanaux, goût du fait main et du bricolé, etc.) comme un symbole de pureté. » (p.400)

Le chapitre 36 questionne le catastrophisme sur la biodiversité. Après avoir souligné que plusieurs espèces emblématiques, comme la loutre et le castor en France et le lynx en Europe, se portent bien, il remet notamment en question la méthode de l’UICN. Ainsi, un autre journaliste écrit « La plupart des changements dans la composition des listes d’espèces menacées révèlent en fait des progrès dans la connaissance, pas nécessairement une aggravation de la situation. » Il y aurait également un effet cliquet : « Quand la situation se dégrade, elle le prend en compte. Quand elle s’améliore, rien ne bouge. » (Chapitre 36, p. 404-411)

Le dernier chapitre met en évidence un paradoxe : alors que ce sont les écologistes radicaux qui auraient tendance à dominer les Verts, une fois au pouvoir, comme c’est le cas dans plusieurs collectivités territoriales, ils ne sont pas particulièrement « radicaux ».

Conclusion: « la tentation de la dictature »

La conclusion revient sur un élément récurrent de la pseudo-écologie : les discours antidémocratiques. Les challenges écologiques nécessiteraient l’instauration d’une dictature verte. Ils citent notamment Dominique Bourg, Aurélien Barrau, le Finlandais Pentti Linkola et Jean-Marc Jancovici.

Les auteurs concluent :

« Le discours antidémocratique n’a rien d’original. La nouveauté de notre époque est le motif invoqué ( la sauvegarde de la planète – et son impressionnante capacité à anesthésier le débat. Si notre enquête contribue à le relancer, nous n’aurons pas travaillé en vain. »