Louis Boyard, Bastien Parisot et stratégie de manipulation

On a vu passer récemment sur Twitter une masterclass de Louis Boyard (député LFI) et de Bastien Parisot (Responsable des campagnes numériques à La France insoumise) sur leurs stratégies de communication et surtout, l’importance qu’a le fait de faire réagir.

C’est une vidéo extrêmement instructive pour comprendre les mécaniques de propagande de la pseudo-écologie et des pseudo-causes en général.

Résumé

Louis Boyard commence en racontant comment ils ont réussi à lancer le « blocus challenge », « une idée de cons ! », en surfant sur le rejet dont elle était l’objet.

Ensuite, Bastien Parisot raconte plus largement leurs stratégies à travers un autre événement, « la marche contre la vie chère et l’inaction climatique » le 16 octobre 2022. Il explique comment leurs discours outranciers leur permettent de percer dans la sphère médiatique et encourage les militants à soutenir ces discours.

On y retrouve plusieurs éléments récurrents de la pseudo-écologie :

  • Un discours de revalorisation : « ce n’est pas nous qui sommes bêtes, ce sont eux ». L’une des rétributions de la pseudo-écologie est la revalorisation de l’égo, il faut donc dire aux militants qu’ils sont dans le camps des meilleurs, dans le camp des vainqueurs.
  • La logique de l’exploitation, centrale à la fin du discours de Bastien Parisot : les militants doivent accepter de souffrir et leur souffrance est même voulue, c’est dans le modèle.
  • La logique du lobby décentralisé : les militants ont une place dans la communication de l’organisation, ils doivent la reprendre et en reprendre les codes.

Le blocus challenge

Louis Boyard : « Et après il y a une autre manière d’utiliser les réseaux sociaux, c’est de créer des paniques générales. Et alors sur ça on est forts à la France Insoumise, parce que ces gens ils croient qu’on est bêtes. C’est eux qui sont bêtes. Ils croient qu’ils peuvent nous manipuler, mais on les manipule, on sait très bien comment ils fonctionnent. Je vais vous donner un exemple, le blocus challenge. On savait très bien que c’était une idée de con ! On savait très bien ce que ça allait déclencher ! Mais c’était le but ! C’était le but !

Nous, on regardait le truc, on se disait : « Ah on aimerait que ça parle plus des blocages de lycée, d’université, comment on fait … On s’est dit il faut créer une panique générale. Et en même temps il faut un truc où ils disent : « Ah, ils essaient de parler aux jeunes comme ça ils s’identifient au truc » et on a eu l’idée du blocus challenge. Et ce qu’est intéressant, c’est que je sors le truc sur Tik Tok, ça va, ça fonctionne, ça passe quoi, mais personne n’en parle. On se fait « bon, on va plus loin », je le poste sur Insta, ça fonctionne pas quoi. Et deux jours plus tard, on se dit « bon, allé, on y va », on le poste sur Twitter et là tous les journalistes commencent à gueuler. Donc vraiment, l’endroit pour choquer les journalistes, c’est Twitter. Et parfois, c’est très bien qu’ils nous crient dessus ! Parce que justement, ils font parler des sujets dont on veut qu’ils parlent ! Parce qu’ensuite, les gens ils sont pas bêtes, ils se disent « bon bah oui ils ont l’habitude de voir les insoumis se faire insulter, mais ils entendent parler du truc : « Ah y’a un blocage, ah y’a une marche », donc les réseaux sociaux ça sert aussi à ça, ça sert à faire pleurer les journalistes pour informer le peuple. »

On voit déjà que leur visibilité médiatique n’est pas acquise : elle est le résultat d’un travail massif, impliquant de nombreux tests. Combien passent simplement sous les radars ?

On voit aussi qu’ils se foutent de la pertinence de ce qu’ils disent ou font : il s’agit juste de créer des « paniques morales » et d’occuper l’espace médiatique.

En outre, pourquoi ceux qui n’aiment pas la NUPES lui donnent autant de visibilité ? Cela doit faire s’interroger les gens qui s’indignent sans réellement se préoccuper des conséquences de leur indignation : à quoi ça sert ? Est-ce qu’au fond ils ne participent pas eux aussi au cancer militant en aidant ceux qu’ils prétendent combattre en échange d’une rétribution personnelle ?

La marche contre la vie chère et l’inaction climatique

Bastien Parisot (1’24 ») »Je prends un autre exemple que le blocus challenge, vous allez le comprendre : l’année dernière au mois d’octobre il me semble le 16 octobre, peut-être que certains parmi vous ici ont participé à la marche contre la vie chère et l’inaction climatique à Paris. Et, au moment où on a commencé à s’emparer de cette marche (ce n’est pas nous qui l’avions organisée en premier, c’étaient des organisations de jeunesses), au moment où on a commencé à prendre en main la communication autour de cette marche, on a vu que ça prenait vite dans les cercles militants. Donc on s’est dit « c’est cool, les gauchistes sont intéressés et ils vont venir. » Or, c’est bien, mais nous on voudrait que ce soit un petit peu plus grand que ça. Donc on veut pas que les cercles militants, on veut en vérité tous ceux qu’aiment pas Macron et qui sont pas des fachos, venez marcher. »

Ce passage sur la « prise de contrôle » sur l’événement organisé par un mouvement étudiant est intéressant, car il montre la subordination des « petits » par les « gros » : si vous êtes dans ces domaines, vous êtes assujettis à la LFI.

On voit aussi qu’eux-même utilisent le terme de « gauchistes ». Présenté comme un épouvantail de l’extrême droite, cette notion pourrait en fait décrire une réalité sociologique.

Enfin, on voit la logique de ciblage, somme toute très commerciale, qu’ils mettent en oeuvre.

« Et pour réussir à faire ça, il y a qu’un moyen, c’est que ça devienne un sujet de conversation publique. Et ça on y arrivait pas. Et les semaines passent, et on y arrive pas trop, on voit bien ça décolle que dans les cercles militants, etc. Donc on sent qu’il y a du monde qui va venir, mais pas autant qu’on veut et, deux semaines avant la marche, Jean-Luc Mélenchon fait le tweet suivant : « Les 5 et les 6 octobre 1789, les femmes manifestent contre la vie chère. Elles ramènent le roi et la reine et le dauphin de force à Paris sous le contrôle populaire. Faites mieux le 16 octobre. » […] Et là, panique bourgeoise. Donc, ça commence avec des militants macronistes, les premiers à taper c’était ça : « Comment ça, faites mieux, ça veut dire quoi ? La dernière fois vous avez décapité le roi, et là qu’est-ce que vous voulez faire avec Macron ? »« 

On note le parler anticapitaliste avec le terme « panique bourgeoise ». La violence des propos du leader politique est euphémisée : elle n’existe pas, seul compte la réaction engendrée.

Notez que l’absence de réaction judiciaire illustre, à mon sens, la faiblesse de nos institutions (surtout juridictionnelle), un aspect qui est mis en évidence de manière récurrente par la pseudo-écologie et, surtout, La France Insoumise.

« Et donc des militants qui m’écrivent « c’est vrai que c’est chaud … » Et moi je leur dis « mais nan, réponds lui :« à ton avis banane, qu’est-ce qu’on veut faire ? » Pousses le curseur ! Évidemment qu’on veut pas décapiter Macron, ça a jamais été le sujet, on est non-violents. Donc personne va le croire une demi seconde, donc pousse le curseur. Tu risques quoi ? Rien, c’est pas notre sujet. Pousses pousses pousses, parce que plus tu vas pousser, plus ces débiles vont en parler. »

Encore une fois, la violence générée n’a pas d’importance, seule compte la réaction générée. L’objectif est uniquement « d’en faire parler ces débiles ». Encore une fois, on voit la faiblesse des institutions : « tu risques quoi ? » Tant qu’ils sont suffisamment évasifs, ils font ce qu’ils veulent.

La phrase « Évidemment qu’on veut pas décapiter Macron, ça a jamais été le sujet, on est non-violents.  » est aussi intéressante : c’est un mensonge qu’il vend à ceux qui sont là pour leur faire accepter leur propre violence verbale, leur propre ignominie.

On est vraiment dans une logique de vente, il leur vend que ce comportement est souhaitable (ils agissent dans l’intérêt de la cause), puis lève les objections, d’abord morales (c’est acceptable), puis sociales (vous ne risquez rien).

« Parce que eux pensent qu’on est un peu cons, et que quand on fait des tweets comme ça, on dépasse la ligne, on franchit le Rubicon, et donc on va se faire taper et que les gens vont se dire « Aah les insoumis ils sont dangereux, ils veulent décapiter Macron, du coup je vais pas marcher avec eux. » Mais c’est pas ça qu’il se passe. Ce qu’il se passe, c’est qu’ils parlent, ils parlent, ils parlent et puis au bout d’un moment, ils voient que nous on recule pas. Donc qu’est-ce qu’il se passe ? D’abord, t’as un mec très sérieux avec une chemise comme ça qui arrive sur France Inter, l’édito de la Matinale, et qui dit « les insoumis, une fois de plus, sont violents sur les réseaux sociaux » avec deux vannes pour bourgeois et puis à dix heure il rend l’antenne. Et là, vous avez plusieurs centaines de milliers qui vont entendre parler de la violence des insoumis, mais du coup de la marche. Et puis comme on recule toujours pas, bah sur BFM ils vont faire un bandeau et pendant 4h, ils vont dire qu’on est violents sur Twitter quand on parle de la .. marche et là d’un coup, vous avez d’autres centaines de milliers de personnes qui vont entendre parler de la marche. Et là, cadeau royal fait par nos amis macronistes : là il y a carrément des ministres en sortie du conseil des ministres, les gars c’est des génies hein, ils sortent du conseil des ministres, ils se foutent devant toutes les caméras et ils disent : « Bah oui, c’est vrai que socialement ça va pas trop, mais moi ce dont je voudrais parler c’est la violence des insoumis sur Twitter quand ils parlent de la marche du 16 octobre ». *rires* Et là bingo. »

Cette histoire nous montre l’incompétence crasse de la sphère politique, qui est visiblement restée enkystée dans des raisonnements qui sont terriblement datés et/ou des logiques très court termistes. Peut-être leurs intérêts personnels rendent ces comportement, qui favorisent les intérêts de la LFI, rationnels, on ne sait pas. Qu’est-ce qui les aurait empêché d’attendre la fin de cette marche pour condamner les propos du leader de la LFI ?

Surtout, cela montre l’impact de ce que j’appelle la « naïveté coupable » qui un vrai problème dans les sphères sensibles à la désinformation pseudo-écologiste.

En effet, plutôt que de renoncer à leurs croyances sur la société et l’être humain, ils préfèrent s’enfermer dans l’idée que les pseudo-écologistes seraient simplement « bêtes » et de « mauvaise foi ».

L’idée d’un effort calculé leur est visiblement insupportable et, ce faisant, ils deviennent les meilleurs alliés de ceux qu’ils méprisent. Ils valorisent ainsi davantage leur satisfaction personnelle que la disparition de la désinformation.

« Et ce que je veux vous dire, c’est que pour arriver là .. et là évidemment, je sais pas si vous avez suivi ça, mais il y a beaucoup de gens qui détestent les macronistes dans le pays, et du coup tous les gens qui les aiment disent « Il y a une marche contre Macron ? J’vais y aller. Et HOP. Et d’un coup nous on a vu se remplir les bus, etc. Autour de nous les gens parlaient beaucoup plus de la marche. On s’est dit Bingo, ça y est, ça a marché. »

Les moyens ne comptent pas, seul la fin : ils ont réussi leur coup. En outre ce propos montre bien la logique entrepreneuriale sous-jacente : ils sont lucides sur leurs cibles et ce qu’ils leur apportent, l’occasion d’exprimer leur haine. C’est l’un des objectifs de ce parti, devenir le catalyseur de haine, le pourvoyeur de violence vers lequel se tournent les frustrés et les haineux qui cherchent un exutoire à leurs turpitudes.

« Et ce que je veux vous dire par là, c’est que si le lendemain … Je sais que c’est les premières heures dans ces cas-là les plus compliquées à tenir, parce que tout le monde te tape dessus, t’as plus de copains, d’ailleurs .. non ça je le garde, mais t’as plus de copain, il y a des gens qui te tapent dessus, etc. Si dès les premières heures, tous les militants insoumis sur Twitter avaient dit « ouais on est désolé, c’est chaud », si on avait eu des élus qui avaient dit « oui c’est vrai que c’est compliqué là, on a quand même tapé fort : qu’est-ce qu’il se serait passé ? Les retombées ça aurait été : « Les insoumis avouent être violents sur Twitter. Donc 1/ plus personne parle de la marche, 2/ vous actez que vous êtes violents : puisque vous vous excusez du truc, c’est que vous l’êtes. Donc vous faites double erreur. Donc retenez ça, quand il y a un bad buzz. Je ne dis pas qu’il faut être d’accord avec tout tout le temps. Je dis juste : ne craignez pas le fait de vous faire taper par les adversaires politiques. Déjà 1 parce que sinon vous faites pas de politique et 2 parce que 9 fois sur 10, quand ça arrive, c’est voulu. Bon, de temps en temps ça nous arrive que c’est pas voulu […] mais dans ces cas-là reculez pas non plus, c’est une question de fierté et d’égo. »

Ce passage est sans doute le plus important. On voit clairement un manager qui forme ses équipes. C’est aussi ça la force des acteurs de la pseudo-écologie : faire passer des individus formés et encadrés pour de simples particuliers. C’est la force du lobby décentralisé.

On voit aussi la logique derrière le mensonge systématique : il faut laisser le doute. Tant qu’ils nient, les choses ne sont pas figées et ils peuvent faire semblant.

Enfin, on voit la logique d’exploitation : il doit faire accepter aux militants de souffrir et de se couper de leurs amis pour le salut de la cause.

La manipulation culmine avec cette phrase « c’est une question de fierté et d’égo », qui est là pour leur faire croire que cela vient d’eux : ce ne serait pas juste pour servir les intérêts de l’organisation, mais aussi pour eux-mêmes, parce que leur propre fierté serait nouée organiquement au collectif.