Merchants of despair de Robert Zubrin

Robert Zubrin est un ingénieur américain à la têtre d’une entreprise travaillant notamment pour la Nasa et promouvant la vie humaine sur Mars. Il a également publié en 2011 un livre très intéressant, que nous allons commenter ici : Merchants of Despair: Radical Environmentalists, Criminal Pseudo-Scientists, and the Fatal Cult of Antihumanism (éd. ‎ Encounter Books).

Darwin, Malthus et l’eugénisme

L’auteur commence par mettre en évidence la parenté entre le mouvement environnementaliste et plusieurs idéologies peu avouables au bilan dramatique : le darwinisme appliqué à l’homme, le malthusianisme et l’eugénisme.

Première idéologie fondamentale : l’eugénisme

« Lorsqu’une population d’organismes se développe dans un environnement fini, elle se heurtera tôt ou tard à une limite de ressources. Ce phénomène, décrit par les écologistes comme atteignant la « capacité de charge » de l’environnement, s’applique aux bactéries sur une boîte de culture, aux mouches des fruits dans un pot de gélose et aux buffles dans une prairie. Cela doit également s’appliquer à l’homme sur cette planète limitée. » ( J. Holdren et Paul. Ehrlich dans « Global Ecology », 1971)

Il commence par parler de Thomas Malthus (1766-1834), « prophète fondateur de l’antihumanisme moderne », qui est aller jusqu’à proner, dans son Essay on Population, d’augmenter le taux de décès, par exemple en encourageant la saleté chez les pauvres, en installant les villages près des mares, en « favorisant le retour de la peste » et en réprouvant les remèdes spécifiques. (p.11)

Malheureusement, il ne cite pas Malthus plus précisément, on le devine juste à travers les critiques et les. Ainsi d’Engels :

« Malthus affirme que la population exerce constamment une pression sur les moyens de subsistance ; qu’à mesure que la production augmente, la population augmente dans la même proportion ; et que la tendance inhérente de la population à se multiplier au-delà des moyens de subsistance disponibles est la cause de toute pauvreté et de tous vices. »

L’auteur rappelle très justement que la doctrine de Malthus a été critiquée comme « justifiant l’avidité du riche et l’égoïsme du puissant » et empêchant de voir la pauvreté comme autre chose qu’une loi universelle indiscutable. Il reprend Henry Georges, mais aussi Engels, qui lui reproche que la conséquence de sa théorie est que ce serait « le pauvre qui consistitue le surplus de population » et que rien ne devrait donc être fait pour eux, si ce n’est les aider à mourir de faim.

Famines

Cela a d’ailleurs été mis en oeuvre très concrètement par le Royaume-Uni en plusieurs occasions. Avec la Poor Law Act de 1834, qui « força des centaines de milliers de pauvres britanniques dans un état virtuel d’esclavage », mais aussi avec des famines terrifiantes.

Irlandaise

Ainsi de la politique britannique dans la famine irlandaise de 1846 : lors de celle-ci, l’Irlande continuait de produire et d’exporter de la nourriture à l’Angleterre, qui refusait de prendre des mesures pour alléger le fardeau des habitants :

« En fait, rien qu’en 1846, au point culminant de la famine, l’Irlande exportait plus de 730 000 têtes de bétail et plus de 3 millions de « quarts » (litres?) de céréales et de farine à la Grande Bretagne. Le régime alimentaire irlandais se limitait aux pommes de terre parce que – ayant vu leurs terres expropriées, ayant été contraints de supporter des loyers et des impôts impitoyables et s’étant vu refuser toute possibilité d’acquérir un revenu par le biais de la fabrication ou d’autres moyens – les tubercules étaient le seul aliment que les Irlandais pouvaient obtenir. permettre. »

Un biographe de Lord John Russel, qui dirigeait à cette époque le gouvernement britannique écrit qu’il était motivé « par une peur malthusienne des effets à long terme d’une mesure de soutien ». Il avait chargé Charles Trevelyan de se charger de la crise. Ce dernier aurait « érigé son malthusianisme au rang de culte, expliquant que la famine ‘était un coup direct d’une providence généreuse et toute miséricordieuse’. » (p.15)

Plus d’un million d’irlandais seraient ainsi décédés.

Famine indienne

Une sécheresse terrible frappa l’Inde de 1876 à 1879. Malgré cela, les exportations de blé ont augmenté. Ceci, combiné avec la spéculation sur le grain, l’augmentation des taxes et la dépréciation du roupie auraient « rendu les paysans indiens incapables de subvenir à leurs besoins ».

La réponce du vice-roi fut malthusienne, n’accordant rien et mettant les plus affamés dans des camps de travail accordant moins de calories que le camp de Buchenwals (1630 contre 1750). (p.17)

Entre 6 et 10 millions sont morts dans cette famine. Une autre, entre 1896 et 1902 aurait couté la vie à 19 millions de victimes.

Une théorie fausse

L’auteur démontre ensuite la fausseté de la théorie malthusienne en montrant que la richesse croit avec le population. Il critique également les prédictions publiées par Paul Ehrlich et John Holdren et le Club de Rome, dont les prédictions, si elles avaient été justes, auraient signifié que le PIB mondial par personne aurait du passer de 3200$ en 1970 à moins de 2000 en 2010, alors qu’il a dépassé 8000$.

Il proposes plusieurs explications au fait que la prospérité globale augmente avec la population.

Deuxième idéologie fondamentale : le darwinisme

Le darwinisme se baserait sur la théorie de Malthus des ressources limitées et sur celle de Herbert Spencer de « survie du plus adapté ». S’il serait intéressant pour expliquer la nature, il serat néanmoins catastrophique pour expliquer aux affaires humaines. (p.26) L’auteur détaille pourquoi, je ne précise pas.

Dans The Descent of Man, il aurait « fait plus que donner une justification à l’extrême exploitation, au racisme, à l’impérialisme et au génocide » en rapprochant les africains des orang-outans et en expliquant que les sociétés civilisées (« we civilized men ») affaibliraient l’état global de santé en protégeant les malades. Ce passage est assez ahurissant : « Il ya des raisons de croire que la vaccination a préservé des milliers de vies, qui en raison d’une faible constitutions auraient sinon succombé à la variole. Ainsi, des membres faibles de la société civilisée propagent leur genre. » (p.32)

Troisième idéologie fondamentale : l’eugénisme

L’eugénisme serait une étape suivante. Si Darwin se limitait à simplement vouloir laisser les gens naturellement mourir, son cousin, Sir Francis Galton développa l’eugénisme, qu’il espérait devenir une « nouvelle religion ». Selon lui « toutes les qualités humaines qui sont à l’origine du succès individuel, national ou racial sont héritées, et on peut en dire autant des traits qui conduisent à l’échec. » (p.35) Il a d’ailleurs écrit un livre « The comparative worth of different races », ou « La valeur comparée des différentes races ». Cela s’était traduit, surprise, notamment par un dénigrement des irlandais, comparés aux africains et aux singes. (p.37) Ce triste sire est allé jusqu’à alerter contre la menace de dégénérescence raciale … Je ne détaille pas, vous aurez compris.

Si ces thèses avaient eu un peu de succès chez les partisans du laissez-faire, Karl Pearson, « homme de gauche » les popularise chez l’avant garde radicale de gauche, soulignant que l’eugénisme ne pouvait être réalisé que sous le socialisme.

Les répercussions du milieu de siècle

L’Allemagne

L’eugénisme a réussi à convaincre Ernst Haeckel, un professeur d’anatomie comparative « l’un des géants de la biologie du XIXe siècle ». L’auteur le décrit comme d’une célébrité fantastique : il est l’auteur d’un principe répété par tous les lycéens de son époque, il a vendu des centaines de milliers de livres. Il le résume comme quelqu’un ayant 10 fois les talents de vulgarisateur de Carl Sagan combiné avec l’autorité d’Albert Einstein.

Il était aussi un virulant antisémite, anti-catholique, pangermaniste, qui proposait de « remplacer l’adoration de Dieu par l’adoration de la Nature. » C’est aussi lui qui aurait le premier utilisé le terme « écologie ».

Il estimait qu’il y avait 12 espèces humaines différentes, composées de 36 races. Les blancs dominaient l’ensemble avec 4 races, dont la meilleure aurait été les « indo-germains » … Ce sont les prémisses du mythe aryen. Il estimait en 1904 que les « races inférieures » étaient « psychologiquement plus proches des mammifères (singes et chiens) que des européens civilisés. » Il est cité dans un livre sur les originies scientifiques du nazisme, par Daniel Gasman, comme ayant décrit en 1876 dans The History of Creation le rite spartiate d’élimination des nouveaux nés comme une pratique souhaitable.

C’est lui qui aurait élaboré le « monisme » : une foi basée sur le darwinisme qui apporterait une vision du monde scientifique globale qui pourrait remplacer l’éthique chrétienne classique.

Il aurait eu de nombreux disciples, qui auraient promu l’idée d’une « guerre des races » dans l’ensemble du spectre politique. Par exemple, un théoricien du parti social-démocrate, Woltmann, a proposé « une grande unification du marxisme et de la science des races ». Helene Stöcker était, elle, une des meneuses pacifistes.

Ses idées ont eu un impact immédiat dans l’armée prussienne avec le génocide des Herero dans l’actuelle Namibie en 1904-1906. En 1912, un général important, Friedrich von Bernhardi a publié « Germany and the Next War », dans lequel il quelifie la conquête de l’Europe de « nécessité biologique ».

Les États-Unis

La portée de l’eugénisme ne s’est pas limitée à l’Europe occidentale, mais s’est même étendue aux États-Unis.

Le American Museum of Natural History aurait été un centre majeure de promotion du darwinisme et de l’eugénisme aux États-Unis. En effet, à son inauguration, le président d’Harvard Charles W. Eliot aurait déclaré que la doctrine de la transmission héréditaire serait la « divinité adorée dans cette place ».

Le mouvement aurait pris de l’ampleur après la fermeture des frontière annoncée par le Census après 1890, la création de l’ Immigration Restriction League et un article de l’Atlantic Monthly de 1896 accusant les immigrant de manquer d’histoire, d’ « instincts hérités et tendances qui rendait comparativement facile de gérer l’immigration des anciens temps », de représenter « les hommes battus de races battues », etc.

Il était supporté par les études pseudo-scientifiques produits par des chercheurs, menés notamment par Charles Benedict Davenport, qui avait rencontré Galton en 1897. Il créa en 1905 la section humaine de la American Breeders Association … Il a convaincu en 1910 la fille d’une riche veuve à lui présenter sa mère et cette dernière à financer l’Eugenics Record Office (ERO) avec 80 acres et 500 000$ (9M$ actuels), qu’il dirigea avec Harry Hamilton Laughlin.

Cet institut, qui fut « une voix d’autorité du mouvement eugéniste américain » pendant 30 ans, a fait campagne pour la stérilisation forcée de populations « inadéquates ». Des lois implémentant de telles régulations furent édictées dans 30 états et causèrent la stérilisation de 63000 américains. Des centaines de milliers de pauvres furent forcés d’accepter la stérilisation sous menace de se voir retirer leurs aides sociales. Cela dura jusqu’à ce que ces lois furent jugées illégales en 1974.

Une de ses actions les plus notales a été une campagne de dénigrement de la découverte du Dr Joseph Goldberger (en 1914-15) sur l’origine de la pellagre, une maladie qui tuait directement 5000 américains chaque année et indirectement 300 000. Il avait en effet découvert que cette maladie, touchant surtout les populations pauvres, était liée à une mauvaise alimentation. ERO prétendant qu’il s’agissait d’une maladie héréditaire organisa le dénigrement de cette découverte, notamment avec des séries d’articles dans des journaux médicaux, relevant notamment que 90% des personnes souffrant de cette maladie avaient des parents ou grands-parents en ayant souffert aussi. Ce n’est ainsi qu’au milieu des années 30 que la découverte de Goldberger fut acceptée.

Une étude de Laughlin sur les tests de QI réalisés sur les recrues pour la Première guerre mondiale montrait que les personnes originaires d’Europe centrale ou de l’Est avait des résultats inférieurs. Le président du Museum of Natural history, Henry Fairfield Osborn, applaudit ces résultats …

Des figures notables de ce mouvement suprémaciste, Madison Grant (VP de l’IRL) et Osborn reprochaient aussi aux immigrants, outre le manque d’intelligence et les risques de pureté raciale, le manque de « deep feeling for Nature » (sentiment profond pour la nature), « thèse auparavant évoquée par Haeckel ») …

D’ailleurs, Osborn et Grant auraient participé à la création du Sierra’s Club et la Save the Redwoods League. Theodore Roosevelt aurait supporté ce mouvement et affirmé son adhésion à la « science de la race » en 1911, dans sa revue du livre de Chamberlain (une grande figure de la montée du nazisme), Foundation of the Nineteenth Century.

Le chapitre est assez long, je ne détaille pas tout, même si c’est un passage assez fascinant (Margaret Sanger voyait l’avortement comme un moyen d’éliminer « undesirable racial stock » …). En bref, le lobbying de cet écosystème a entraîné des lois sur l’immigration plus restrictives et l’eugénisme était présent au plus haut de l’élite américaine, notamment au troisième International Congress of Eugenics au Museum, en août 1932, où les allemands furent nombreux …

L’holocauste

Les idées qui forment le programme nazi avaient été « rendues respectables par Haeckel et ses acolytes dans la communauté scientifique allemande ».

« L’Allemagne nazie, il faut le souligner, n’était pas juste une tyrannie qui utilisait un baratin idéologique pour propagande, mais une tyrranie créée pour servir cette idéologie, dont les besoins ont contrarié à plusieurs reprises les intérêts militaires et économiques de l’Allemagne. » (p.62)

Je ne détaille pas tout, mais on note deux choses.

D’abord, outre le nazisme, la théorie malthusienne aurait également engendré l’environnementalisme, qui serait aussi présent chez les nazis, au moins en mots. L’auteur évoque le tract Man and Earth de Ludwig Klages en 1913, qui fut d’ailleurs « republié, sans commentaire, comme l’un des documents fondateurs du parti écologiste Ouest Allemand ». Les membres des sociétés de préservation de la nature avaient 6 fois plus de chance d’appartenir au parti nazi que le reste de la population. (p.66)

« Pas juste pour maintenir la pureté raciale allemande, mais pour la nécessité morale de sauver la Terre elle-même, les races inférieures devaient être éliminées. »

Ensuite il évoque le rôle qu’ont eu les eugénistes dans les restrictions émigratoires qui ont empêchées les Juifs de fuir l’Allemagne nazie. Ainsi en 1938 la France a refusé de recevoir une quantité substantielle d’allemands juifs ; le britannique Neville Chamberlain, quant à lui, les empêcha d’aller en Palestine ; les États-Unis maintenèrent le politique de non-immigration. Une anecdote particulièrement glauque : au moment de l’arrivée du Saint Louis, transportant de 930 allemands juifs, Laughlin publia un rapport spécial appelant à la réduction des quotas d’immigrés. Le Saint-Louis dû repartir. Sur les 620 qui ne purent débarquer en Grande Bretagne, 254 furent exterminés.

Le retour après la guerre

Le contrôle de la population (p.73)

Si l’eugénisme avait sa place dans la haute société américaine à partir des années 20, le nazisme a rendu l’eugénisme peu fréquentable et Davenport et Laughlin sont congédiés de l’ERO en 1940, qui se renome Genetics Records Office.

Il est néanmoins revenu à travers le « contrôle de population ». Ont par exemple été publiés Population Roads to Peace or War de Guy Irving Burch avec Elmer Pendell ; Our plundered Planet par le fils d’Osborn (Fairfield Osborn) en 1948, qui fut vendu à 3 millions d’exemplaires juste aux États-Unis ; The Road to Survival de William Vogt (directeur du planning familial américain de 1951 à 1961).

« Le problème de la pression croissance des populations – peut-être le plus grand problème auquel l’humanité fait face aujourd’hui – ne peut pas être résolu d’une manière en ligne avec les idéaux de l’humanité […] La marée de la population est croissante, le réservoir des ressources terrestes chute […]. L’homme doit reconnaître la nécessité de coopérer avec la nature. » (Our plundered Planet)

Vogt est plus brutal : « Un des plus grands atout du Chili, peut-être son plus grand atout, est sa mortalité élevée. […] Ces hommes et femmes, garçons et filles [à propos de la Chine], doivent mourrir de faim … il n’y a pas d’autre voie. » Il suggère par ailleurs de réduire la population japonaise. Le Sous-secrétaire des Armées, le général Whilliam H.Draper Jr suivi son idée et envoya plusieurs eugénistes pour faire pression au Japon pour promouvoir des loies de contrôle de la population.

Le fils Osborn, surfant sur le succès de son livre, crée la Conservation Foundation, dont Vogt sera le secrétaire de 1961 à 1964. Il obtint un soutien financier des fondations Rockefeller et Old Dominion.

« Ces groupes, avec la fondation Milbank et l’Office de Recherche sur les Populations de Priceton ont utilisé eurs ressources pour sponsoriser des décennies de documentaires télévisuels faisant la propagande pour l’environnementalisme malthusien, ainsi que des études sur le Tiers-Monde justifiant les programmes de contrôle de la population de la Banque Mondiale et de l’ONU ciblant ces nations. » (p.76)

Le « Population Council » créé en 1952 rassemble beaucoup des eugénistes des conférences des années 30 et travailla avec le Planned Parenthood Federation of America de Margaret Sanger.

En 1954, Hugh Moore, une personne fortunée, envoya un pamphlet, The Population Bomb à près d’un million de personnalités médiatiques.

Tout ce beau monde travaille plus ou moins ensemble. Ainsi l’organisation de Sanger fusionne avec celle de Moore pour former la Planned Parenthood – World Population Society, qui inclut aussi Draper …

Je ne détaille pas tout. Il dessine un écosystème pouvant mobiliser des milliards de dollars et soutenu par « une respectable opinion ».

DDT et malaria

Le DDT, l’insecticide, a été une innovation sanitaire importante pendant la Seconde guerre mondiale pour lutter contre la malaria et les maladies transmises par les poux. À Naples, en 1944, les habitants se sont fait pulvériser du DDT dessus pour endiguer une terrible infestation de typhus. Les résultats furent spectaculaire et l’épidémie ne surviva pas la fin du mois. Il fut largement utilisé pendant la guerre pour protéger les troupes et les populations civiles, notamment de la malaria.

La diffusion des campagnes firent disparaître ou reculer la malaria dans de nombreux pays, représentant plusieurs millions de morts évitées par an. Un rapport de la National Academy of Science, cité plus loin, évalue en 1970 à 500M les morts évités par le pesticide.

Aldous Huxley, promoteur de l’eugénisme notamment connu pour son livre Brave New World décrivant un monde contrôlé par l’eugénisme, publie en 1958 « Brave New World Revisited », dans lequel il décrit une situation où le DDT est utilisé pour supprimer la malaria, ce qui finit par appauvrir et affamer la population incapable de se supporter sa démographie. La même année, Rachel Carson commença à écrire Silent Spring, publié en 1962.

Vous connaissez l’impact phénoménal de ce livre. Si l’auteur vante ses qualités littéraires, il le qualifie sur le plan scientifique de « fraude » et relève plusieurs de ses erreurs. La panique causée par l’ouvrage a fait stopper plusieurs programmes anti-malaria, ce qui laissa remonter les décès causés par la maladie. Le directeur de l’Environmental Protection Agency (EPA), William D. Ruckshaus, qui serait plus tard l’un des sponsors du Fond Draper, décida d’interdire le pesticide en 1972. L’US Agency of International Development refusa ensuite de financer des projets utilisant le DDT. Le pesticide devint en conséquence plus cher.

Au final, certains estiment que 100 millions de morts de la malaria sont dûes aux interdictions visant le DDT.

L’auteur debunk ensuite les accusations contre le DDT.

Ehrlich et le club de Rome

Ensuite on aborde le lien le plus fort entre le malthusianisme et l’écologie politique : le Club de Rome.

Le Sierra Club a demandé à Paul Erhlich, professeur en insctologie à Stanford, en 1967 d’écrire The Population Bomb, qui fut publiée en 1968. Le club lui organisa une couverture médiatique phénoménale qui en firent un bestseller.

Comme tous les livres de ce type, il s’agit d’alerter sur le risque de la surpopulation avec un discours catastrophiste. Il va jusqu’à la comparer à un cancer : « Un cancer est la multiplication incontrôlée des cellules ; l’explosion de la population est une multiplication incontrôlée de gens […] Nous devons tourner nos efforts du traitement des symptômes à l’ablation du cancer. L’opération va demander de nombreuses décisions apparemment brutales et sans coeur. La douleur pourrait être intense. » (p.99) Il propose notamment que les États-Unis conditionnent l’aide alimentaire à une politique de stérilisation des hommes ayant 3 enfants. Il propose également de récompenser fiscalement les foyers sans enfants. Tout cela consisterait à davantage « vivre en harmonie » avec la nature et de rejeter la morale Judéo-chrétienne [ce dernier était un thème récurrent du nazisme].

Ehrlich est alors devenu une star, « apparaissant fréquemment sur The Tonight Show avec Johnny Carson et des émissions similaires ». (p.102)

En 1968 se sont rassemblés à Rome une trentaines de membres de « l’élite » à une Académie. Aurelio Peccei rassembla quelques participants chez lui et ils créèrent ensemble le Club de Rome. Il fut rejoint par Alexander King, directeur scientifique de l’OCDE et soutenu par la fondation Volkswagen. En 1972 il diffusa l’étude The Limits to Growth. Peu après, Jimmy Carter, élu en 1976, fit un rapport similaire, The Global 2000 Report.

L’auteur démontre ensuite l’imposture des prédictions faites dans ces rapports. (p.104-112)

La trahison de la gauche

Malgré certaines résistances, notamment des marxistes, la gauche a emboité le pas à cet anti-humanisme, adoptant des éléments de langage comme « popullution ». Il y a eu une vraie campagne médiatique, avec « des douzaines de pages entières dans des journaux majeurs signées par des listes de prix Nobels et personnalités libérales demandant une action immédiate pour stopper l’explosion de la population ». Campagne motivée par de larges donations d’entreprises trop contentes de divertir les radicaux « d’activités moins pratiques ». (p.115-117) La gauche a globalement emboité le pas à ce mouvement.

La croisade antinucléaire

Après l’interdiction du DDT en 1972, les groupes environnementalistes avaient perdu leur combat. Ils se sont tournés contre le nucléaire, alors même que le charbon tuait des milliers de personnes. L’auteur donne une explication intéressante :

« La réponse est simple : attaquer le charbon n’avait pas d’intérêt, parce que les centrales à charbon avaient été là pendant près d’un siècle. Si les risques environnementaux et sanitaires du charbon étaient vrais, ils étaient acceptés. Au contraire, le nucléaire, même s’il ne pollue pas, était nouveau et avait des qualités particulières – notamment son association avec les armes nucléaires – qui en faisaient une cible idéale pour la génération d’hystérie. » (p.121)

Le mouvement se structurant, le nombre de centrales en construction s’effondra : entre 1970 et 1974, il y eu en moyenne 23 nouveaux projets par an. Entre 1975 et 1979, cela tomba à 3 et toutes ces commandes furent annulées.

Par la suite l’auteur vante les mérites de l’énergie nucléaire et debunk plusieurs des accusations des pseudo-écologistes, notamment sur les accidents nucléaires, la gestion des déchets, les émissions radioactives normales et la prolifération nucléaire en finissant par parler de la fusion.

Le contrôle de la population (chap. XII et XIII, p.136-170)

Les indiens américains auraient été des cibles de campagnes de stérilisation, qui aurait touché 25% des femmes en âge de procréer. Un tiers des femmes portoricaines auraient aussi été touchées.

Néanmoins ce fut surtout avec l’aide internationale que le contrôle de population fut implémenté. Le président Johnson a été convaincu que la population du tiers-monde avait une valeur économique négative et que 5 dollars investis dans le contrôle de population valait 100 dollars investis dans la croissance. Le Congrès suivi et édicta le Foreign Assistance Act en 1966, qui conditionnait les aides au fait de mettre en place les programmes de contrôle de population demandés par les USA.

Cette même année a été mise à la tête de l’agence américaine chargée de l’aide internationale, l’USAID, le Dr Reimert Thorolf Ravenholt, un épidémiologiste « qui voyait apparemment la grossesse comme une maladie à éliminer comparable à la variole ou à la fièvre jaune ». Dans une photo, on le voit bras dessus bras dessous avec Draper, dont on a déjà parlé, à l’anniversaire de ce dernier en 1974.

Il a notamment financé « agressivement » l’International Planned Parenthood Federation, le Population Council et « de nombreuses autres organisations privées du mouvement de contrôle de la population », qui ont vu leurs moyens décuplés.

Une simple donnée résume le personnage et son impact : avant son arrivée, l’US Agency for International Development (USAID) aurait dépensé en 1968, 3.6M$ pour le contrôle de population sur un budget de 130M$. En 1972, la proportion est inversée : le contrôle de population représente 120M$ et le reste (prévention des maladies, etc.) représentait 3.8M$. (p.142)

L’action de contrôle de population fut rien de moins que criminelle. Il a en effet acheté des contraceptifs défectueux dangereux pour la vie des femmes sur lesquelles ils étaient posés.

Nixon, arrivant au pouvoir en 1969, a accéléré le contrôle de population, finançant le UN Fund for Population Activities (UNFPA). En 1970, il a même créé la Commission on Population Growth and the American Future, à la tête de la quelle … John D. Rockfeller III (l’un des principaux financeurs du mouvement malthusien). C’est aussi lui qui a nommé William Ruckelshaus, qui interdira le DDT, à la tête de l’EPA.

Néanmoins, il va trouver une nouvelle justification : la lutte contre le communisme. Kissinger va en effet rendre un rapport, le Security Study Memorandum 200 (NSSM 200) qui présente les futurs bébés du tiers monde comme de potentiels communistes et des obstacles à l’exploitation des ressources. [Les extraits sont ahurissants, semblant tout droit venir des pires caricatures anticapitalistes] Il a été adopté comme politique étrangère le 26 novembre 1975 avec le National Security Decision Memorandum 314.

L’action de contrôle de population a été menée par l’USAID, mais surtout par les agences onusiennes, la banque mondiale, une constellation de fondations privées, de fondations et des gouvernements étrangers.

Le chapitre XIII détaille les nombreuses stratégies et tragédies de ces programmes, qui vont utiliser tous les moyens pour faire pression sur les naissances : coercion, manipulation, tromperies … Souvent médicalement malsaines, elles auraient tué beaucoup et pourraient même avoir été responsables de l’épidémie de SIDA, à cause de seringues réutilisées dans les centres de contrôle de la population.

Je ne détaille pas, c’est sordide.

Politiques agricoles pour la faim dans le monde (p.171)

Le nazisme et le parti vert

Il commence sont avant-dernier chapitre en rappelant l’influence nazie du principal parti écologiste au monde : le parti allemand. Ce dernier aurait en effet été créé sous la direction d’August Haussleiter, un ancien officier SS dont la proximité avec Hitler remontait au Beer Hall Putsch de 1923 et qui, même après la guerre, aurait rejoint la « Fraternité », une sorte d’amicale des anciens nazis …

Dans les années 70, il fonda une organisation, Action Community of Independant Germans et aurait rassemblé d’autres groupes environnementaux, qui formèrent le Parti Vert … dont il fut le premier président et le tract Man and Earth le manifeste fondateur. Ce dernier était le tract d’un mouvement de jeunesse proto-nazi écrit en 1913 par Ludwig Klage.

C’est Petra Kelly qui devient néanmoins rapidement le visage du parti. [En approfondissant je note que son conjoint, Gert Bastian, avait participé à créer Generals for peace, une association qui aurait été « conçue, organisée et financée par la Stasi » ]

L’auteur explique que l’influence de nazis s’explique facilement, le nazisme ayant des racines dans le mouvement « écologiste » datant du début du XIXe siècle. Ainsi, en 1815, un livre sur la préservation des forêts célèbre les qualités naturelles et authentiques du peuple allemand. Il synthétise :

« Selon ces auteurs, le Volk […] tiraient leur profondes et authentiques âmes de leur enracinement dans la terre, partage ancestral et connection à la nature. Les Juifs, au contraire, représentaient la modernité urbaine corrompue et manquant d’enracinement dans la terre, étaient sans âme et ainsi ne pourraient jamais faire partie du Volk allemand. Le christianisme, la science, la technologie, l’industrie, le progrès, ‘civilisation mécanique et matérialiste’ et tout ce qui proposait d’élever l’homme au dessus de la nature devait aussi être détesté. »

Nazisme et « fétichisme alimentaire »

Les verts allemands modernes auraient hérité un fétichisme alimentaire de leur héritage « Völkish », qui viendrait notamment de l’influence de l’anthroposophie de Rudolf Steiner et de la biodynamie. Les idées de ce dernier auraient été « embracées par de nombreux nazis, incluant le ministre de l’Agriculture Richard Walther Darré. Ce dernier aurait, dans un livre en 1931, attribué l’origine du fameux slogan « Sans et sol » sur l’idéal Steineriste de race pure sur sol pur.

C’est pourquoi les verts allemands ont été parmi les premiers à lancer une campagne de dénigrement des OGM à leur arrivée dans les années 90. Même si les OGM étaient en fait favorables à l’environnement et la santé, permettant de réduire l’utilisation de pesticides (ex : variétés BT) et la nutrition des aliments (ex: riz doré) ; rappelant que toutes nos cultures sont « génétiquement modifiées ».

Les verts ont commencé, pour justifier leur croisade, à proclamer une nouvelle idée anti-humaine : le principe de précaution, selon lequel « aucune innovation ne peut être permise si on ne peut prouver à l’avance son innocuité. » L’interdiction qu’il aurait réussie à justifier contre la production et l’importation d’OGM. Cela aurait largement nuit aux pays africains exportant leur production en Europe.

Certains pays africains ont également interdit les importations OGM, « refusant de distribuer de l’aide alimentaire dans un contexte de famine ». (p.176)

L’auteur rappelle que l’innovation génétique a défini l’élevage et l’agriculture et que la mutation générée artificiellement est en fait plus précise que celle survenant par hasard, « naturellement ». Il parle ensuite de la révolution verte et des différents traits OGM intéressants.

Climatoscepticisme et conclusion

Jusqu’ici on a un livre assez brillant. Malheureusement, la première moitié du chapitre 15 (le dernier « vrai », le 16 est plus une conclusion), est assez navrante, contestant la réalité et l’imputabilité à l’homme du dérèglement climatique (p.190-199). Le seul point correcte qu’il a est l’exagération des écologistes, citant Al Gore qui, dans An Inconvenient Truth, en 2006, disait qu’il ne restait que 10 ans pour stopper le réchauffement climatique, affirmant que la Terre pourrait devenir comme Vénus. L’auteur conclut : « Ainsi, le réchauffement climatique relance le discours malthusien d’une manière nouvelle manière, mais avec un résultat comparable. » (p.199)

Cela n’enlève rien au reste, mais c’est triste. Ensuite je me demande si la stigmatisation du « climatoscepticisme » n’est pas un élément de la pseudo-écologie. Je n’ai pas encore approfondi cette question.

Il critique ensuite la taxe carbone qui était envisagée aux États-Unis à cette époque, l’accusant d’avoir des effets potentiels terribles sur l’économie US, allant jusqu’à la qualifier de « sacrifice humain ». (p.200-203) Puis, il critique la stratégie de l’OPEC, consistant à augmenter le plus possible le prix du pétrole, notant que cette ambition est cohérente avec l’ambition des environnementalistes. Selon lui on pourrait se détourner de la dépendance au pétrole et se tourner vers des carburants alternatifs, comme le méthanol. Il critique ensuite l’absurdité de l’analyse indirecte de l’impact carbone.

Enfin, il parle de « la création d’un culte antihumain global », parlant des soutiens médiatiques et financier du mouvement environnementaliste. Il reproche aux « catastrophistes du climat » de dire que « la science est posée » et que « aucun débat et aucune nouvelle donnée ne peut ou ne devrait être étudiée (p.213) et cite plusieurs propos demandant des sanctions sévères contre tous les sceptiques.

Il conclut :

La pensée correcte sera récompensée. La pensée incorrecte sera punie. Beaucoup seront sacrifiés. Tous seront contrôlés. Les dieux vont reprendre le feu. Tel est le programme de l’antihumanisme. […]

Si l’idée est acceptée que les ressources du monde sont fixes, alors toute nouvelle vie est malvenue, chaque acte ou pensée non-régulé une menace, chaque personne est fondamentallement l’ennemi de chaque autre personne et chaque race ou nation est l’ennemi de chaque autre race ou nation. La conséquence ultime d’une telle vision du monde ne peut être qu’un stagnation forcée, tyrannie, guerre et génocide. Les crimes horrifiques le démontrent. C’est seulement dans un monde avec des ressources sans limites que tous les hommes peuvent être frêres.

C’est pourquoi nous devons rejeter l’antihumanisme et embrasser à la place une éthique basée sur la foi dans la capacité humaine pour la créativité et l’invention. En faisant ainsi, nous déclarons que nous ne vivons pas la fin des temps, mais le début de l’Histoire, que nous croyons dans la liberté et non la contrainte ; dans le progrès et non la stase ; dans l’amour plutôt que la haine ; dans la vie plutôt que la mort ; dans l’espoir plutôt que le désespoir. »

Bilan

En mettant de côté ses discours sur le changement climatique, qui me semblent peu intéressants, ce livre est une pépite apportant une perspective intéressante à la compréhension de la pseudo-écologie. Il montre avec une érudition remarquable la continuité des discours antihumanistes de Malthus à Al Gore.

Néanmoins, au final, ce livre est loin d’être suffisant. Il se limite à présenter une proximité entre la pseudo-écologie et l’eugénisme/malthusianisme, peut-être une certaine parenté, mais c’est tout. Il évoque les désinformations antinucléaires et anti-OGM, mais n’approfondit pas. Il n’y a pas grand chose sur comment l’ensemble fonctionne, le détail de l’économie du système.

En somme, il donne une vision d’ensemble qui est intéressante, une perspective historique riche et instructive, mais qui est au final très floue et très insuffisante pour comprendre ou même appréhender la pseudo-écologie actuelle.

C’est un peu un des problèmes centraux de notre société : les gens pensent qu’ils ont compris quelque chose quand ils peuvent disserter dessus et pas quand ils peuvent le systématiser (= être capable d’expliquer tous les éléments et reproduire les comportements). C’est la mentalité scolaire : ce qui compte, c’est d’avoir une bonne note, pas de réussir effectivement à construire quelque chose.