Marie Toussaint, Européennes, déresponsabilisation et pseudo alternatives (05/05/2024)
Marie Toussaint, tête de liste Europe Ecologie Les Verts aux européennes, a dit quelque chose lors d’un débat d’important à commenter.
En effet, on voit de loin qu’il y a quelque chose qui s’appelle, en politique, « la gauche » qui a une certaine cohérence. Néanmoins, on ne voit pas toujours ce qui fait cette cohérence, cette sensible ressemblance.
Marie Toussaint nous permet ici de mieux le voir. En effet, un de ces ciments est la déresponsabilisation. Mais commençons par le début: son propos.
Transcription
« Et moi ce que je veux dire aux Françaises et aux Français: ce n’est pas de votre faute. Ce n’est pas de votre faute si nous sommes dans une telle catastrophe climatique et environnementale. C’est de la faute des lobbies, qui se battent contre toutes les législations qui pourraient au contraire vous protéger. C’est de la faute des gouvernements qui, décennie après décennie, continuent de construire un monde dans lequel nous sommes dépendant des énergies fossiles. À investir toujours deux fois plus dans la route que dans le rail. Comme le fait le gouvernement d’Emmanuel Macron, comme le font aussi les socialistes en Occitanie avec [?].
Cela peut changer et nous avons des solutions, il faut les mobiliser ces solutions. Et donc ça veut dire un, oui, investir massivement, donc oui sortir de l’austérité, parce que l’austérité ne permettra pas de faire face au dérèglement climatique. Ca veut dire acheter et produire en Europe. Ca veut dire un « Buy green and european act » pour que la commande publique puisse agir comme levier. Ca veut dire agir en même temps sur l’environnement et sur le pouvoir d’achat et ça c’est en baissant la TVA, avec une TVA verte sur les produits qui sont bons pour la santé, bons pour la planète et bons pour l’emploi. Mais je veux le dire, parce que c’est important : il y a des solutions. »
Analyse
Dans ce court mais dense passage, il y a trois temps : la déresponsabilisation, la désignation des coupables et les pseudo-alternatives.
La déresponsabilisation
C’est le point qui m’a interpelé. En effet, la déresponsabilisation est au coeur du pouvoir des politiciens « de gauche » : ils obtiennent du pouvoir en déresponsabilisant les personnes souffrant d’une chose. « Ce n’est pas de votre faute si vous avez eu tel échec, c’est juste votre couleur de peau, votre enfance, votre genre, etc. » Ils leur donnent quelque chose, ils retirent un sentiment négatif pénible. Bien sûr, ce n’est pas désintéressé.
Ce procédé peut être utilisé de plusieurs façons. Il peut être utilisé « pur », comme cela a été le cas avec les émeutes suite à la mort de Nahel: il s’agit juste de donner cette déresponsabilisation pour pouvoir prétendre à une moralité supérieure. Cela ne leur coute rien, à part le discrédit auprès des personnes lucides, et tant pis si cela favorise les comportements néfastes, comme dans ce cas-là les violences. En même temps, on a une pointe d’emprise, car ils encouragent les jeunes à se livrer à des comportements déviants en retenant la sanction à ces comportements. Pire, si les politiciens ne sont pas récompensés, par exemple avec des expressions de soutien populaire, ils pourront revenir sur leur déresponsabilisation et laisser toute la force de réaction qui s’est accumulée se déverser. Il y a donc une emprise. Néanmoins, elle est relativement évanescente.
D’autres sont plus intenses, comme celle que nous présente ici Marie Toussaint. Elle s’appuie sur l’écoanxiété, que son mouvement et la pseudo-écologie en général a basiquement créé et exonère ses croyants : « ce n’est pas de votre faute« .
Néanmoins, il faut bien que ce soit la faute de quelqu’un ! Elle va donc leur donner un coupable et, mieux, des solutions (les pseudo-alternatives). On voit ici se dessiner une emprise complète: en échange du retrait du sentiment désagréable de culpabilité, le déresponsabilisé doit croire l’histoire alternative que donne la politicienne. Pire, il faudra suivre ses solutions.
Cette emprise est bien sûr quelque chose de plus complexe à construire et on risque à tout moment de se faire « voler » ses croyants. Néanmoins on voit ici clairement illustrée cette mécanique, sa place dans la pseudo-écologie et pourquoi cette dernière est aussi anticapitaliste.
La diabolisation
Elle diabolise les gouvernements en leur reprochant de construire un « monde dans lequel nous sommes dépendant des énergies fossiles », alors même qu’ils ont fait depuis plusieurs dizaines d’années des investissements massifs en faveur des technologies décarbonées. Cela illustre l’inutilité des compromission avec ces entrepreneurs : ils n’ont aucun intérêt à être sincères et vous n’en ferez jamais assez.
Le seul point qu’elle reproche illustre quant à lui la vatuité de leurs discours: il suffirait d’investir plus dans le rail que dans « la voiture » (on ne sait pas d’où vient son chiffre mais admettons). On voit plusieurs problèmes:
- En quoi la route serait synonyme d’énergies fossiles ? Les voitures électriques se développent et, pour les vélos, il est important d’avoir de bonnes routes (mon pneu arrière en a fait l’amère expérience il y a quelques semaines) et surtout, des routes larges.
- Les discours favorables au rail vont rarement plus loin que la seule déclaration d’intention (très bien plus d’argent, pour quoi faire ? Pour quoi ? Quels effets quantifiés ?) et, pire, ils s’opposent à la ligne Lyon-Turin qui ouvrirait des opportunités massives pour le fret ferroviaire.
La pseudo-alternative
Vous l’aurez deviné, on est déjà un peu entré dedans avec cette histoire de rails, c’est le thème des pseudo-alternatives. Il s’agit de présenter des politiques comme des solutions, alors qu’il n’y a en fait pas de raison concrète d’y croire, juste pour produire du discours. Je ne discuterai pas ce qu’elle propose, cela n’a pas d’intérêt, à part un point : elle prétend qu’il y aurait une « austérité ».
C’est du délire. Les dépenses publiques représentent plus de la moitié du PIB. Parler d’austérité dans ce contexte, comme de néolibéralisme, est un élément de langage anticapitaliste montrant que, pour eux, ce ne sera jamais assez élevé. Surtout, cela dénigre l’initiative privée, qu’ils présument incapable d’investir pour l’écologie.