Quand on parle de désinformation, on pense souvent aux Fake News complotistes, comme le fait qu’Hillary Clinton soit impliquée dans un complot pédosanatiste, que la terre soit plate, que la pandémie de Covid-19 ait été voulue par les dirigeants, etc. Pourtant, il arrive également que des journalistes reconnus s’y prêtent. Ils utilisent alors des méthodes beaucoup plus fines, qui permettent d’induire le lecteur en erreur sans lui mentir. C’est ce que nous allons voir ici en étudiant les articles écrits sur le thème du glyphosate par un journaliste ayant été récompensé par plusieurs prix : Stéphane Foucart.

Rares sont les pesticides qui ont autant déchaîné la polémique que le glyphosate. D’un côté, les partis écologistes se prévalent de l’avis d’une agence de l’OMS, ayant classé cet herbicide comme « cancérigène » ; de l’autre, les agriculteurs et l’industrie, qui se prévalent des avis de toutes les plus grandes agences sanitaires. L’enjeu est important : c’est l’herbicide le plus utilisé au monde et de nombreuses pratique agricoles en dépendent. Stéphane Foucart, journaliste à Le Monde, a beaucoup écrit sur le sujet et ses articles ont grandement participé à promouvoir les argumentaires « anti-glyphosate » en France.

En étudiant l’agribashing (Baumann 2021a), j’ai constaté qu’il présentait souvent l’information de manière très orientée, voire carrément militante. J’ai souhaité approfondir cette piste et analyser plus en détail son travail. Je n’ai pas trouvé de travaux comparables ou décrivant une méthode permettant de mener à bien cette investigation, j’ai donc dû improviser. Après avoir récupéré les > 2000 articles publiés par le journaliste, j’ai cherché ceux qui parlaient du glyphosate. J’en ai trouvé 91.

J’en ai d’abord dégagé l’argumentaire global, en partant du principe qu’ils formaient un tout cohérent. Ensuite, j’ai commencé à creuser la véracité de ce qu’il écrivait et les mécanismes de manipulation de l’information qu’il utilisait. Ce travail est allé dans les deux sens : vu que ces procédés ont vocation à manipuler l’information, c’est souvent qu’il y a une désinformation sous-jacente. À l’inverse, pour dissimuler la désinformation, l’auteur a besoin de ces dispositifs. J’ai ainsi pu dégager une typologie de procédés rhétoriques ayant pour objet d’induire en erreur le lecteur. Itérer cette démarche permettrait de dégager une typologie s’appliquant à tous les discours, qui pourrait devenir un outil précieux pour identifier la désinformation.

Nous commencerons par présenter l’argumentaire, très cohérent et développé, déroulé par le journaliste. (Chapitre 1) Nous verrons néanmoins que, lorsqu’on approfondit, on réalise que plusieurs points cruciaux sont désinformatifs (= faux ou induisant en erreur). (Chapitre 2) Ils arrivent néanmoins à sembler crédibles grâce à plusieurs techniques de manipulation de l’information (chapitre 3), dont la force et la complexité ne ressortent clairement qu’en décortiquant des articles. (Chapitre 4)

Vous trouverez en annexe un inventaire des pressions relatées par le journaliste (Annexe 1), ainsi qu’une analyse rapide de chacun des points de l’argumentaire, selon qu’il soit désinformatif ou non. (Annexe 2).