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Corinne Lepage devant la commission Schellenberger

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En janvier 2023, c’était au tour de Corinne Lepage de passer devant la commission Schellenberger. Nous allons décrypter ici cette commission.

Elle est interrogé évidemment sur son rôle de ministre de l’Environnement de mai 1995 à juin 1997, dans le gouvernement d’Alain Juppé, mais aussi à propos de son rôle dans le mouvement écologiste, notamment en tant qu’avocate et qu’eurodéputée.

Je ne relève que les points les plus importants. La plupart des gens ne veulent que le résumer, je le mets donc dès le début.

Un interview extrêmement instructif

Cette interview est très intéressante. Nous allons voir les grands axes qui émergent:

  • Son approche pragmatique
  • Les désinformations qu’elle mobilise
  • Les incohérences
  • Sa défense

Une approche pragmatique

Tout d’abord, un des principaux leitmotiv est qu’elle défend avoir une démarche pragmatique: elle prétend avoir eu « une approche pragmatique et rationelle », insistant que, si elle défend les énergies renouvelables, « c’est bien pour notre pays » et qu’elle n’a « pas de religion ». C’est un élément important de la pseudo-écologie, la prétention à la rationnalité.

La précision et l’érudition de Corinne Lepage confirment du reste, comme elle le défend, que sa démarche n’est absolument pas religieuse. Ceux qui ont une logique quasi-religieuse, ce sont les militants, pas (en général) les entrepreneurs.

La désinformation

S’agissant de la désinformation qu’elle reprend, j’ai relevé plusieurs éléments notables:

  • Elle insiste sur deux éléments évidents de la désinformation antinucléaire: la France serait dépendante des importations d’uranium, n’ayant pas de mine, et les renouvelables seraient moins chers que le nucléaire.
  • Evidemment, elle reprent le mensonge sur le power to gas, qui serait la solution magique pour le stockage d’électricité.
  • Elle monte également en épingle le risque sanitaire, prétendant qu’il y aurait davantage de leucémies infantiles autour de La Hague notamment, et le risque d’accidents.
  • Elle insiste lourdement sur l’idée d’un obscur « lobby nucléaire » à plusieurs reprises, pour créer un narratif flou agresseur/victime complotiste, la ciblant elle et plus largement le développement des énergies renouvelables. Elle pratique aussi l’inversion victimaire, tentant de présenter les discours contre les anti-nucléaires comme « hystériques« , allant jusqu’à leur imputer implicitement l’échec de la consultation sur Penly (qui a juste été causée par des anti-nucléaires étant venus littéralement foutre le boxon). L’imposture est maximale quand la député écologiste prétend promouvoir un débat apaisé, juste avant de qualifier plus ou moins clairement de « trolls » leurs rares contradicteurs, les Voix du Nucléaire et la SFEN, ce que semble reprendre l’ex-ministre.
  • Elle affirme que les déchets sont envoyés en Sibérie, insinuant pour y être enterrés, alors qu’il s’agit d’uranium de retraitement, qui se stocke du reste très bien, qui va pour être recyclé.

Elle développe un élément de discours que je n’avais pas identifié: la dépendance aux importations lors des pics de consommation. C’est ridicule, pour plusieurs raisons: quand on utilise du gaz, on est aussi dépendants aux importations lors des pics de consommation, la France est exportatrice net d’électricité (en temps normal) et la dépendance aux importations est encore plus forte pour les énergies non pilotables, comme les énergies renouvelables.

Des incohérences

En raccrochant ses éléments de discours ensemble, on voit aussi qu’il ne tiennent pas. Le plus important est sa critique contre le chauffage électrique. Elle le présente sous un jour très négatif, l’accusant d’être responsable de 50% de la pointe de consommation d’Europe et de n’être que le résultat d’une opulence de production électrique, une sorte de gaspillage. Or, le chauffage électrique remplace essentiellement … le gaz.

Elle présente le chauffage au bois comme alternative (ex: 1h16’50 »), mais c’est ridicule: il faudrait, pour cette énergie, modifier radicalement la plupart des habitations, on n’aurait probablement pas assez de bois et les conséquences en termes de santé publique seraient dramatiques, le bois produisant beaucoup de particules fines. Et même dans l’hypothèse farfelue où ce ne serait pas absurde, il aurait fallu l’encourager, pas dénigrer le radiateur électrique, dont l’alternative est pour la quasi-totalité des logements le chauffage au gaz. Pire, elle insinue qu’elle aurait changé d’avis, soulignant qu’il y avait moins de connaissances sur les particules émises par le chauffage au bois à son époque (1h18′). La seule logique sous-jacente est le dénigrement du chauffage électrique et du nucléaire.

Ainsi, elle dénigre une solution qui a diminué notre recours aux énergies fossiles, tout en présentant cette diminution comme un de ses objectifs. Il faudrait voir si son militantisme n’a pas favorisé des politiques du logement dénigrant le chauffage électrique.

Elle parle également d’une surcapacité électrique, tout en vantant des solutions, la méthanation et l’hydrogène vert, qui demanderaient énormément d’électricité, les rendements étant faibles. Pire, elle prétend que ces solutions se combineraient bien avec le solaire / éolien, alors qu’elles se combinent en fait bien mieux avec le nucléaire: les électrolyseurs / piles à combustibles les moins chers actuellement sont les alcalins et ils supportent mal les variations d’intensité et restent très chers à la puissance (de l’ordre de quelques MW pour les plus grands). La cogénération, notamment pour l’électrolyse haute température, permettrait également d’améliorer les rendements. Bref, le nucléaire, par sa production constante permettant de mieux valoriser les installations et sa production de chaleur sont bien plus adaptés aux solutions avancées par Corinne Lepage que les énergies intermittentes.

D’autres fois, on voit l’incohérence avec le reste des discours pseudo-écologiques. Par exemple, elle présente la méthanisation agricole comme une opportunité que nous n’aurions pas assez exploité.

Globalement, ce registre de la pseudo-alternative (solution présentée comme alternative, même si en pratique cela n’a pas de sens) est très présent.

Sa défense

L’un des principaux sujets était le rôle de Corinne Lepage comme ministre et notamment son rôle dans la fermeture de Superphénix. Sa défense consiste à placer le sujet sous un angle purement juridique:

  • Le fait qu’elle ait attaqué les actes autorisant le fonctionnement de la centrale de Creys-Malville serait neutre, elle ne faisait que son métier d’avocat.
  • Elle n’aurait fait que demander, comme ministre, le respect du droit en demandant qu’une nouvelle enquête publique avant d’autoriser le fonctionnement de la centrale essentiellement pour la recherche [la précédente autorisation reposait sur une enquête publique prévoyant son fonctionnement comme centrale de production; notez qu’on voit ici la perversité de certaines règles de droit administratif].

Sa défense consiste donc à placer le débat sur un angle purement juridique, plan sur lequel son argumentaire semble se tenir, même s’il serait bien de vérifier.

Néanmoins, ce n’est pas la légalité de ses actes qui est en cause ou le fait qu’elle soit seule responsable, mais son action globale. Le fait qu’elle ait pu encourager ces poursuites, par exemple en faisant un « prix d’ami » et/ou en faisant du lobbying auprès des intéressés, n’est pas discuté. De même, son influence politique globale et ses discours n’ont pas été retenus contre elle, alors que son action néfaste sur le nucléaire français dépasse Superphénix.

Il serait intéressant d’approfondir.


Maintenant, voici un exposé développé de la réunion.

L’exposé préalable

Introduction

La discussion commence par une intervention de l’ancienne ministre. Elle commence par souligner qu’elle n’aurait pas eu de conflit d’intérêts, ayant quitté son cabinet et fait passer ses dossiers environnementaux à d’autres cabinets. Soit. Détail intéressant, elle compare ses anciens clients, collectivités locales ayant lutté contre l’implantation de centrales nucléaires, à ceux qui aujourd’hui luttent contre les éoliennes …

Elle affirme avoir été d’une parfaite loyauté au gouvernement, en soulignant que même si elle le reprouvait, elle n’avait pas pris de position publique sur la reprise des essais nucléaires et l’aurait défendu à Bruxelles. (5’42 »)

C’est intéressant, parce que ce n’est absolument pas incompatible avec la logique pseudo-écologiste. Celle-ci se prétend « idéologique », mais, pour ses cadres, elle ne l’est pas, il s’agit juste d’une tactique, d’un marché à prendre. Ici, elle vend encore ce mensonge en prétendant que se taire lui aurait couté sur le plan de ses convictions.

Sur l’énergie (6’42) elle souligne la dépendance, hors électricité, aux énergies fossiles. Elle prétend que dans d’autres pays le nucléaire ne serait pas comptabilisé (pourquoi ce terme?) comme une énergie assurant l’indépendance énergétique, « tout simplement parce qu’il n’y a pas d’uranium sur le territoire des pays [en question] ». Elle aborde la question de l’électricité (8′) et prétend n’avoir jamais été une militante (« j’ai jamais manifesté hein, contre des centrales nucléaires »). Elle admet que, dans les années passées, le nucléaire a assuré l’indépendance de la France, « malgré tous ses défauts« : le problème des déchets, le risque accidentel (« dont on a admis l’existence que très récemment ») et le problème de la transparence et du contrôle, qui se serait néanmoins améliorée en 2007. Elle parle néamoins d’un « immense gachis » qui dépasserait le clivage pour-contre.

Une mauvaise gestion du nucléaire

Un gaspillage de la rente nucléaire

Elle commence par mobiliser un rapport de l’Opex de février 1999 sur l’allocation de la « rente nucléaire ». Il aurait proposé de diminuer le prix de l’électricité, investir dans l’EPR ou dans l’entretien des centrales existantes, mais appelé à ne surtout pas privatiser. EDF aurait fait tout le contraire, avec notamment des choix d’investissements à l’étranger qui se seraient révélés catastrophiques, évoquant Constellation Energy, l’achat de British Energy et des investissements en Amérique du Sud. La « rente nucléaire » serait partie dans ces investissement infructueux. (11′-11’30 »)

Une politique de prix contre-productive

Elle prétend ensuite que la politique des prix aurait été contre-productive. Nous aurions été en surcapacité. L’avocate souligne qu’elle plaidait contre la centrale de Cattenom en prétendant qu’on n’avait pas besoin de plus de centrales. (11’50) 1973 aurait en effet amené une chute de la consommation d’énergie, grâce à une politique efficace de réduction de la consommation, ce qui aurait « faussé » les chiffres (comprendre contredit les anticipations). Le choix financier fait par EDF à l’époque aurait été d’avoir une politique de prix très bas et de promouvoir le chauffage électrique. Cela ferait que 50% de la pointe de consommation électrique en Europe serait française. (13’15 ») Elle parle d’un choix « politico-économico-financier ».

Cela ferait que la France déséquilibre le système électrique Européen. (24’11 »)

La question de la perte de compétences

En recourant de plus en plus à la sous-traitance pour des raisons économiques et de droit du travail, avec un personnel qui n’était pas formé et suveillé comme celui d’EDF, EDF aurait perdu des compétences pourtant clé. (14′-14’50) Elle prend, plus tard, l’exemple de conduites pour l’EPR de Flamanville qui seraient faites en Italie et dont les méthodes de conception auraient scandalisé l’ASN. (25’28) Elle commente « Est-ce que c’est bien sérieux ? Je veux dire quelles sont les leçons que l’on tire de du passé. » (26′)

Cette référence au passé interroge ? Est-ce qu’il y a eu un sinitre lié à des conduites conçues en Italie ? Non, en réalité, il s’agit d’un élément de langage dédié à nous faire nous poser la question et évoquer l’image des accidents nucléaires. Cette idée est répétée à plusieurs endroits de l’intervention.

Elle reprend un rapport de la Cour des comptes de 1997 selon lequel on aurait « surestimé notre capacité de faire » avec Superphénix et commente qu’on continuerait sur cette lancée, soulignant que les centrales sur lesquels il y a des problèmes (c’était en janvier 2023, elle parle sans doute des problèmes de corrosion sous contrainte), ce ne sont pas ceux de 900MW construits sur la filière Westighouse de 1973, mais ceux d’après, de 1000MW et plus. (24’28 »)

L’EPR

Elle souligne avoir vanté les mérites de l’EPR en 1996, comme la suite logique de ce qui était fait. Elle parle du fiasco de l’EPR. Elle renvoie à un rapport de la Cour des Comptes sur l’EPR. Le document a condamné la gestion du lancement du finlandais pour plusieurs raisons : un conflit entre EDF et Areva, références techniques erronées, études insuffisantes, estimation initiale irréaliste, suivi organisationnel défaillant, contrats ayant subi des augmentations de coûts de 100 à 700 %, défaut de contrôle, retard dans l’identification des défauts en compétences, et non-respect des délais pour informer l’Autorité de Sûreté Nucléaire concernant les règles d’exclusion de rupture. (16′)

Le fait que Corinne Lepage aie promu l’EPR est très intéressant, au regard du gouffre financier qu’il a été. Surtout, je me demande ce qui le justifie: pourquoi augmenter la sécurité des réacteurs de seconde génération, qui ont déjà une excellente sécurité ? Et si ça avait été en fait un cheval de troie des antinucléaires ?

Le fait de tout miser sur le nucléaire aurait entrainé un défaut d’intérêt avec le parc existant et donc une perte de compétence. (16’48) A la fin des années 90, on aurait eu « trop d’électricité« , on ne « savait plus quoi en faire« . Le rapport aurait prévu la situation d’aujourd’hui, avec l’idée que les réacteurs ne pourraient tenir que 30 ou 40 ans. (17’27)

Plus loin, elle souligne l’absence de succès commercial de la technologie, que « personne ne nous achète ». (23’50 »)

Le non développement des énergies renouvelables

Un autre gâchis aurait été de ne pas lancer une « véritable politique en faveur des énergies renouvelables » (17’50).

L’opposition à l’éolien daterait de 2005-6 et en 2010 le gouvernement aurait « décidé de sacrifier purement et simplement la filière solaire française du fait du moratoire« , laissant perdre 10 000 emplois.

Elle souligne que nous aurions été le seul pays européen à ne pas atteindre ses objectifs en 2020, 19% au lieu de 23%, commentant « on n’est franchement pas bons« . L’objectif de 40% [posé par la loi de 2015] en 2030 serait inatteignable. Elle aurait été choquée de publicités dans le Figaro, Le Monde et Les Echos (?) affirmant qu’il n’y a pas de retard et qu’on n’en aurait pas besoin. Elle prétend que ce serait une absurdité, les rapports RTE, ADEME ou autres insistant tous sur la « nécessité absolue de développer massivement notre renouvelable« .

Elle compare l’évolution de +47% du photovoltaïque en Europe en 2022, contre 2,7GW installés en France, ce qui serait très peu, 50GW étant atteints au niveau européen en 2023. Elle met en avant l’exemple de la Suède, qui serait à 60% d’énergies renouvelables. (20’05)

Ce passage est extrêmement dense et intéressant en termes de désinformation. D’abord, elle présente l’objectif de 40% de renouvelables comme une sorte de bien en soi. Peu importe le climat, ce qu’il faudrait ce serait plus de renouvelable, même si c’est au détriment du nucléaire et des émissions globales. Elle reprend le dénigrement basé sur le fait qu’on n’aurait pas atteint notre « objectif », alors qu’il s’agissait d’une pure déclaration d’intention, chaque pays donnant la sienne. 19% est en fait élevé au regard de notre proportion de nuléaire. Elle présente alternativement des quantités et des pourcentages pour vendre l’idée que la France n’installerait pas beaucoup de solaire. Globalement, on a une entreprise de dénigrement insensé contre le nucléaire en prenant appui sur le solaire, en oblitérant totalement la question centrale: pourquoi ? Pourquoi faudrait-il 40% d’EnR quand on a 70% de nucléaire ?

L’ « abandon systématique des solutions nouvelles »

Elle prétend ensuite que les « solutions nouvelles » auraient été quasi-systématiquement abandonnées.

Elle commence par parler de la méthanisation et du biogaz, prenant l’exemple de l’Allemagne. Cela aurait apporte un complément de revenus qui aurait « permis à l’Allemagne de passer devant notre agriculture quasiment à la fin des années 2010« . L’avocate aurait visité en Vendée la ou l’une des premières installation et déplore: « le pauvre type qui avait mis ça en route il avait mis 8 ans« .

Ensuite, le « solaire indépendant », avec Solaire Direct proposant notamment une offre pour particuliers, créé en 2007 (2006 en fait) et ultimement racheté par Engie et « disparu de la circulation ». Le CEA aurait développé de nombreuses « pépites sur le solaire », mais nous n’aurions aucune grande entreprise dans le solaire. (21’27 »)

Enfin, elle parle de la méthanation ou « power to gas« . Il s’agit de stocker l’électricité en la transformant en méthane. La technologie aurait été « développée en Allemagne au milieu des années 2000« , mais il aurait fallu attendre 2018-19 pour un premier prototype à Marseille, alors que la technologie aurait « une capacité de stockage qui est 300 fois plus importante que celle de l’électricité » [ce qui veut dire … ?] et que « on » pense que la technologie sera viable d’ici 2030 et permettra de stocker de 20 à 30 TWh/an. (22′)

Cela lui aurait fait « mal au coeur » en tant que citoyenne, parce que c’étaient « des choses qu’on savait faire on avait l’industrie française pour le faire on l’a pas fait« .

Une absence d’indépendance avec la Russie

Le nucléaire n’assurerait pas notre dépendance, la France n’extrayant pas son uranium, et serait problématique eu égard à nos rapports avec la Russie. En effet, 40% de notre uranium provenant de régions contrôlées par la Fédération et 20% de la préparation de combustible au niveau européen dépendant de la Russie. Nous enverrerions aussi « tranquillement une partie de nos déchets en Sibérie », ce qui serait d’autant plus un problême que

  • l’installation de stockage de La Hague serait remplie d’ici 2030, commentant « donc c’est pas là où on va coller nos déchets supplémentaires »;
  • les collectivités locales s’opposeraient à l’extension de l’installation;
  • Cigéo se heurterait à beaucoup de difficultés.

« Par conséquent cette dépendance vis-à-vis de la Russie pour l’envoi d’une partie […] de nos combustibles usagés est un vrai problème » (26’25 »)

Elle répète « qu’on ne tire pas les conséquences des erreurs que nous avons fait. Tout le monde fait des erreurs, c’est humain : « Errare humanum est, sed perseverare diabolicum », c’est continuer qui est grave. » ajoutant, sans plus de précisions, « Dans ce que j’ai pu voir du fonctionnement de certaines centrales […], très franchement, il y avait des problèmes non minimes. » (28’25 »)

Son action ministérielle

Elle affirme que sa compétence ministérielle sur le nucléaire était très limitée, ne concernant que la sûreté des installation nucléaires et les déchêts. Elle n’aurai pas participé aux décisions, sauf sur Creys-Malville. Elle parle du « sujet des laboratoires », mais la décision aurait été prise avant d’installer un laboratoire à Bure (?).

Au contraire, elle aurait fait « ce qu’elle a pu » pour l’EPR et qualifie le départ de l’Allemagne, Siemens, du projet de « coup de Trafalgar« . Elle se serait « occupée » de l’efficacité énergétique, de la prévention des accidents et de la situation à La Hague, qui serait « assez préoccupante sur le plan de la pollution« , et de Super Phénix. (29’31)

Super Phénix

Elle retrace l’histoire de Super Phénix et, surtout, des incidents.

Autorisé en 1977, la première divergence aurait eu lieu le 7 juillet 1985 et la puissance (maximale ?) atteinte en décembre 1986. En mars 1987, il y aurait eu une fuite dans le barillet de sodium. Elle explique que le réacteur était censé fonctionné toute sa vie avec les mêmes crayons de combustible, qui se reactivaient grâce à un barillet tournant dans un bain de sodium. Or, il y aurait eu des fuites de sodium, problématiques en raison de l’inflammabilité [à l’eau] du sodium. L’installation aurait été stoppée et le sodium retiré. Un nouveau décret, de 1989, autorise que le réacteur retrouve une utilisation « classique », sans surgénération. Ce décret a néanmoins été annulé au motif que « les règles de fonctionnement n’avaient pas été définis de manière suffisamment stricte par le décret« . Un autre décret est pris en 1994, affirmant « un objectif de recherche qui prime […] sur les exigences d’exploitation ». En effet, des problèmes de sûreté se posant, le gouvernement d’Edouard Balladur aurait décidé de « n’en faire qu’un réacteur de recherche », suivant le rapport Castaing, rendu par une commission demandée par Corinne Lepage. (31’37 »-36′)

Selon un rapport de la Cour des Comptes, il y aurait eu deux options: faire marcher la centrale jusqu’en 2000, mais il faudrait investir 60 milliards de francs en plus, ou bien jusqu’en 2014, pour un coût inconnu. Le décret de 1994 annulé le 28 février 1997 au motif que l’objectif de recherche n’était pas celui présenté lors de l’enquête publique. (36′-37’40)

Là dessus, ç’aurait été à Corinne Lepage de signer un nouveau décret. Elle s’y est opposé, mettant sa démission dans la balance, soulignant qu’un redémarrage serait fait « dans les conditions de l’enquête publique, c’est-à-dire sans faire prévaloir la sûreté et la recherche sur la production d’électricité. » (37’47-39’14)

Pour étayer sa décision, elle souligne l’existence de nombreuses critiques contre Super Phénix et cite des propos qu’elle attribue au dirigeant d’EDF:

« La décision de construire Superphénix a été prise en 1974 […] dans un contexte de forte croissance économique, alors qu’il devenait évident que les ressources énergétiques primaires ne seraient pas inépuisables. La France s’était alors lancée dans un ambitieux programme de centrales à eau pressurisée. Toutefois, on constate a posteriori que le passage direct d’un réacteur de 250 mégawatts, Phénix, à un prototype de taille industrielle de 1200 MW était un choix excessivement optimiste. La complexité de la technologie a engendré des surcoûts d’investissement et des difficultés de fonctionnement importants. »

La chaîne de décision

Elle aurait été interrogiée sur son rôle décisionnaire. Elle déclare avoir eu tout au long de son exercice, « le sentiment que très franchement le centre de décision n’était pas à l’état mais à EDF ».

Elle donne comme exemple le fait que, lors du rapport Castaing, l’Etat ne disposait pas d’éléments d’information financière. Selon elle « au gouvernement, l’homme fort de l’époque, c’était monsieurs Sireta: il était patron de la Cogema et le patron du corps des mines, il avait je dirais tous les ingénieurs des mines et tous les responsables corps des mines sous sa responsabilité. » (40’29 »)

Elle prend comme autre exemple « la question du surnombre de leucémies infantiles autour de la Hague en 1996 » [sans doute une étude militante étant sortie] et prétend avoir été « assaillie » par un groupe informel venu dans son bureau, composé des communicants de Cogema, EDF et autres, pour lui dire que l’auteur du rapport serait divorcé. Elle prétend donc leur avoir demandé s’ils avaient une contre-étude, ce qui n’aurait pas été le cas. Elle a donc demandé une commission d’enquête pour évaluer l’étude, qui aurait confirmé, 10 ans plus tard, les résultats de l’étude. (41’51 »)

Le passage est particulièrement décousu (ses allégations « d’homme fort » sont floues et non étayées) et elle poursuit en disant « Tout ceci pour vous dire que j’ai toujours essayé de faire les choses de manière rationelle » et en développant, soulignant par exemple la compétence de ses conseillers. Il s’agit d’un des éléments centraux de la pseudo-écologie, qui la distingue notamment des antivaxx, c’est la place centrale de la prétention à la rationnalité dans leurs discours.

La loi LAURE

Enfin, répondant à une question sur « la préparation de l’avenir« , elle met en avant la loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie (loi LAURE, du 30 décembre 1996), qui aurait fait « gagner 25 ans » si elle avait été appliquée, avec notamment les véhicules électriques et au GNV (gaz naturel pour véhicules), un diagnostic énergétique, similaire au DPE, favoriser les EnR et la cogénération. (44’08)

Conclusion de son intervention initiale

La dernière question semble porter sur ce qu’elle pense de la situation actuelle. Elle répond qu’elle s’inquiète du « caractère quand même un peu irrationnel des débats que nous avons qui deviennent un peu d’ordre religieux, […] c’est très difficile d’avoir un débat sur ces sujets« . Elle souligne le cas de la Commission du débat public qui se tient actuellement sur Penly, qui peine à se faire entendre [nda:forcément, avec tous les antinucléaires qui foutent le bordel], alors que c’est normalement un lieu où il devrait y avoir un débat sur ce sujet. Parce que c’est pas une question religieuse, c’est pas d’y croire ou de pas y croire le sujet, c’est qu’est-ce qu’il y a mieux pour notre pays, quel est l’avenir énergétique de la France. C’est pas une question religieuse c’est une question rationnelle, c’est une question politique et économique. (45’49 »)

Elle enchaine immédiatement en donnant sa position: une massification de l’énergie renouvelable, arguant que tous les scénarios en prévoient entre 60 et 100%. (46’40)

Pour elle, le problème majeur avec le nucléaire est le risque économique et financier. (46’55 ») A ce titre, elle évoque un risque financier lié au contrat pour la centrale EPR d’Hinkley Point (au Royaume-Uni), dont le retard pourrait faire perdre le bénéfice de la garantie d’achat de la production. Elle finit en affirmant que, là où on est vraiment indépendants, c’est avec l’eau, avec le vent et avec le soleil: « on a à l’acheter à personne, c’est chez nous« , puis que le nucléaire sera trop lent (« nos EPR 2 on les aura allez en 2040 on fait quoi entre aujourd’hui 2040 ?« ). Elle avance aussi que le coût des EnR ne finit pas de baisser, qu’il est possible de « faire des batteries » et que, au contraire, le nucléaire devient de plus en plus cher. (46’55-49’34 »)

Le choix du nucléaire serait « financièrement extrêmement dangereux » et « ne nous apporte aucune solution à court et moyen terme« . Elle ajoute la question des déchets, qu’elle a évoqués, et des risques liés aux accidents, qui augmenterait avec le vieillissement du parc, mais insiste vraiment sur le risque financier. (49’41 »-51’04 »)

Les questions de la commission

Son mix énergétique idéal

Raphaël Schellenberger rappelle qu’à cette époque les écologistes pronaient le charbon et lui demande « Quelle est la perception à ce moment-là (son ministère) du débat public de la question du réchauffement climatique et du mix énergétique vertueux pour l’environnement ? » (42’35 »)

Elle nie avoir jamais prôné le charbon et rappelle que le rapport du GIEC de 1995 n’évoquait qu’un réchauffement de 1.5°C en 2100. Elle rappelle que dans la loi LAURE un titre 7 prévoyait de mesurer pour les réduire les émissions carbonnées dans les construction et le mobilier et de s’attaquer à la publicité en faveur de tout ce qui était énergivore. Le réchauffement « n’apparaissait pas avec la même urgence qu’aujourd’hui, bien évidemment« . (54’01 ») Schellenberger insiste pour avoir une réponse sur le mix énergétique promu par la ministre à l’époque. Elle répond qu’elle avait promu le chauffage au bois en tentant d’imposer la présence de cheminées pour favoriser le chauffage au bois. (56′) [Elle fait une étrange confusion ensuite en parlant d’une disposition favorisant la construction en bois, ce qui est totalement hors sujet ici. L’incohérence est d’autant plus forte qu’elle inscrit sa promotion du chauffage au bois dans une logique de lutte contre la pollution de l’air et insinue que l’électricité serait produite par énergie fossile : « donc si vous voulez l’idée du mix énergétique c’était toujours que l’électricité évidemment soit importante mais on essayait de réfléchir aussi à alors côté pollution de l’air si je puis dire aux impacts de tout ce qui était carboné notamment de l’essence et du gazole »]

Détail intéressant: Dominique Voynet, que « le sujet de la loi de l’air » n’aurait pas vraiment intéressé, aurait fait trainer les décrets d’application de sa loi. (58’26 »)

Lorsque M. Schellenberger dit que « le système électrique français reste un des plus décarbonés d’Europe« , Corinne Lepage commente: « C’est juste » (1h00’49 »), puis rend une réponse particulièrement absurde. Elle commence par rappeler qu’un système énergétique ne se réduit pas à l’électricité, puis affirme que nous aurions « le même bilan avec des renouvelables« . Schellenberger ironise « Un peu comme les allemands … » et elle répond au premier degré que l’énergie de l’Allemagne est encore très carbonée « mais il faut voir d’où il viennent« , car ils ont « baissé de 45% leur utilisation du charbon quand même depuis 1990« . Puis elle enchaîne en affirmant que nous ne sommes pas « dans les clous sur le plan de nos objectifs climatiques« , évoquant un objectif (de décarbonation ?) de 40% ou 55% en 2030.

Son déroulé semble absolument incohérent: la question posée est en substance pourquoi Corinne Lepage s’oppose au nucléaire alors qu’il aura permis de décarboner l’électricité française et elle répond que les allemands ont réduit leur consommation en 20 ans, alors que le programme nucléaire a quasi-totalement anéanti la production carbonée d’électricité en France. Vous le voyez, ici tout est mélangé pour créer un gloubi boulga d’où émerge un début, le fait que l’énergie ne se résume pas à l’électricité, une fin, le non respects d’objectifs de décarbonation, et des éléments qui sont simplement fourrés au milieu sans logique. C’est un des moments où le fait qu’elle sait ce qu’elle fait apparait comme une évidence.

Puis, que cet objectif serait atteint par la sobriété et « avec plus de recours au renouvelable pour baisser notre consommation de gaz et de pétrole » à travers le recours à la méthanation [transformation d’électricité en méthane], power to gaz, « qui est un formidable outil, de même que le développement de l’hydrogène vert ». Elle présente comme exemple un projet en Espagne « dans une centrale qui aura la taille d’une raffinerie de pétrole ». Elle conclue « il y a des choses très intéressantes qui se qui se font mais nous très franchement on n’est pas en avance quoi ». (1h02’18 » – 1h03’04 »)

Idem, elle contredit, en fait, totalement sa négation initiale (l’énergie ne se limite pas à l’électricité), la méthanation et l’hydrogène vert reposant sur la production d’électricité. L’imposture est d’autant plus évidente que le projet auquel elle fait référence, la production d’hydrogène vert photovoltaïque pour la production d’acier au site d’ArcelorMittal à Gijon, a des équivalents en France, sauf qu’on n’a pas forcément besoin de parcs photovoltaïques pour faire cet hydrogène, parce qu’on a du nucléaire. La production d’hydrogène est d’ailleurs, aujourd’hui, beaucoup plus compatible avec l’énergie nucléaire que solaire pour deux raisons:

  • les électrolyseurs coutent cher et il est important de pouvoir les faire fonctionner le plus constamment possible pour les rentabiliser,
  • les électrolyseurs meilleurs marché, les alcalins, supportent mal les variations d’intensité
  • le nucléaire pourrait, par cogénération, permettre l’électrolyse haute température, qui promet les meilleurs rendements (> 95%)

Sa conclusion est absolument mensongère, la France comptant plusieurs projets de production d’hydrogène vert, parmi les plus ambitieux plans de production d’acier vert et, sans les bâtons mis dans les roues par les pseudo-écologistes, nous aurions sans doute en plus des projets de production d’engrais à partir d’hydrogène.

Divers

Elle présente comme limitée sa responsabilité dans la fermeture de Superphénix, affirmant ne l’avoir pas empêché de fonctionner tant qu’il n’y eut pas de problème et soulignant qu’ils étaient trois ministres à signer pour la commission Castaing. (1h06’16 »)

Elle présente comme un grand succès une batterie sans aucune terre rare. (1h09’35 ») Or, le problème des batteries est surtout le cobalt. Elle affirme que le problème des matériaux pour la production de batteries est similaire au problème de la dépendance pour l’uranium. « C’est pour ça que sur le principe la question du surgénérateur était intéressante » et se défausse, alléguant que « la décision la plus importante sur cette question de la filière sodium et neutrons rapides, c’est l’arrêt d’Astrid quand même. » (1h10’11 »)

La question sur les déchets en Sibérie

Antoine Armand a repris la ministre sur ce qu’elle disait sur les déchets :

« Vous avez évoqué l’idée que la France envoyait des déchets nucléaires en Sibérie. J’imagine que vous faites référence à l’uranium de retraitement qui est envoyé à la Russie via un contrat avec Rosatom pour lequel le comité à la transparence sur la sûreté nucléaire a clairement précisé que ces allégations émises par Greenpeace en l’occurrence étaient parfaitement erronées. Et comme vous le savez à la fois la loi française et l’ensemble de la communauté internationale considèrent que l’uranium de retraitement n’est pas un déchet nucléaire, donc j’imagine que vous vouliez dire que ce que vous considérez à titre personnel être un déchet est envoyé en Russie. »

1h10’56 »

La réponse fut d’une mauvaise fois stratosphérique :

Monsieur le rapporteur, c’est un débat juridique que vous ouvrez sur la qualification de déchets, parce que tout le monde n’est pas d’accord là-dessus. Et lorsque j’étais au Parlement européen où j’ai vice-présidé la commission Environnement c’est un débat que nous avons eu sur le sujet de savoir ce qui était un déchet ou qui ne l’était pas, ce qui a des conséquences juridiques et économiques extrêmement importantes comme vous le savez puisque le système des provisions n’est pas du tout le même si c’est un produit susceptible d’être réutilisé ou pas.

C’est une superbe illustration du sophisme dit de la « motte castrale », la « Motte-and-bailey fallacy » en anglais. Il s’agit de dire quelque chose d’ambigu, qui sera compris comme quelque chose d’absurde et clivant par une partie de la population, mais qui peut être défendue en cas d’attaque. Ici, le propos de Corinne Lepage était évidemment mensonger, ce qu’elle disait laissait clairement entendre que la France enterrait ses déchets nucléaires aux fins fonds de la steppe sibérienne, alors qu’elle envoyait du combustible utilisé pour être retraité, ce qui n’est pas fondamentalement différent de l’envoi d’uranium naturel, dans une installation spécialisée.

La surcapacité

Antoine Armand a relevé un autre point très pertinent: la ministre confirme être pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, ce qui implique un monde plus électrifié. Ceci se combinerait difficilement avec son appel à fermer ou ne pas ouvrir de centrales au motif d’une surcapacité. (1h14’24 »)

La réponse est assez décousue :

  • Il n’était pas question, quand elle était au pouvoir, de fermer des centrales, la dernière ayant été ouverte en 1991.
  • La surcapacité aurait été conçue « à la base », lorsqu’ont été construites les centrales et l’idée aurait été de chauffer à l’électricité (c’est très confus), nous aurions été « biberonnés » à l’électricité. Elle aurait essayé de décourager le chauffage électrique pour passer plutôt à du bois, en imposant justement des cheminées. (1h16’50 »)
  • Elle n’aurait « jamais été contre l’électricité », il y aurait plusieurs façons de la produire et elle serait plutôt un « défenseur des énergies renouvelables ». (1h17’10 »)
  • Une plus grande électrification ne veut pas dire une plus grande consommation d’électricité, si on diminue la consommation d’énergie. (1h17’28 »)

Le rapporteur relève l’incohérence: « Vous avez un engagement très fort sur la qualité de l’air et […] vous poussiez à plus de chauffage au bois que de chauffage électrique ? On est d’accord qu’il y a quand même un impact assez fort sur la qualité de l’air ? » (1h18′)

Elle reconnait le problème mais objecte deux choses :

  • Ce problème serait totalement résolu: « aujourd’hui, vous avez beaucoup de chauffages au bois, qui ne polluent plus, tout simplement parce qu’on a les matériaux qu’il faut. Quand vous mettez un insert, il vous rejette pas de particules fines.« 
  • A l’époque, il n’y avait pas les connaissances scientifiques qu’on a aujourd’hui sur les particules fines, n’ayant identifié que la nocivité des particules PM10 et pas celles des PM5. Il y aurait eu très peu d’études sur la pollution liée au bois à l’époque. (1h18’16 »-1h19′)

Les dossiers Lepage sur le nucléaire

Le rapporteur finit en questionnant l’ancienne ministre sur le nombre de dossier sur le nucléaire qu’elle a traités.

Les affaires nucléaires auraient représenté un petit nombre d’affaires: « c’est des dossiers très médiatique mais […] à l’époque j’avais 500-600 dossiers, ça faisait dix quoi, c’était vraiment pas grand chose. » (1h20’57 ») Elle insiste ensuite sur le fait qu’elle aurait laissé un délai de 10 ans, que rien ne lui imposait, avant de reprendre un dossier sur le nucléaire. [Il est possible que ça lui avait déjà rapporté assez d’audience …]

Antoine Armand questionne également le nombre de dossiers concernant les centrales à charbon. Elle répond qu’il n’y en aurait eu qu’un. (1h22’18 ») Elle objecte un peu plus tard que ce n’est pas elle qui crée les dossiers, n’étant qu’avocate. (1h24’35 »)

Il cite deux propos de l’ancienne ministre imputant au « lobby nucléaire » l’opposition au soutien des travaux d’isolation et des modes de chauffage, ainsi que le « retard » en matière de solaire. (1h23’35 »)

La suite est très intéressante: est-ce qu’elle oppose renouvelable et nucléaire ? Sa réponse est l’une des positions « canoniques » de la pseudo-écologie: on ne peut pas faire les deux. Elle l’étaye avec le fait que la consommation électrique est stagnante en France et questionne: « si vous augmentez la part du renouvelable, on fait quoi d’un nucléaire qu’on a du mal à vendre sur le marché européen ? » (1h25’18 ») L’obstacle serait financier : « financièrement, on n’arrivera pas à monter à 40 ou 50% de renouvelable et faire le programme nucléaire que l’on veut faire, avec le grand carrénage, avec la question des déchets et avec la dette actuelle d’EDF ». (1h27’07 »)

Ce passage est très intéressant, mettant en évidence le (ou l’un des) moment où la logique pseudo-écologiste se contredit.

Elle continue en montant en épingle la dangerosité du nucléaire français. D’abord, elle reprend à son profit le thème de la perte de compétence, prétendant que maintenant elle est moins tranquille sur ce point. Elle relève qu’il aurait « fallu quand même attendre […] 2011, Fukushima, pour que le président de l’ASN reconnaisse qu’un accident nucléaire en France était possible », qu’on aurait vécu sur un rapport Rasmussen estimant le risque d’un accident à tous les 22 000 ans sur la planète; puis que toutes les centrales n’auraient pas pris toutes les mesures post-Fukushima. (1h27’53 »)

On voit aussi au passage l’importance, pour la pseudo-écologie, des petits compromis: en ajoutant de la réglementation supplémentaire après Fukushima (sans doute au cas où nous serions frappés par un séisme de niveau 9 suivi par un tsunami …), on a créé ex nihilo du non respect de la réglementation (à supposer que ce que dit C. Lepage soit exact).

Le rapporteur oppose que, pourtant, il y a maintenant l’ASN qui veille. Elle répond qu’elle fait en effet « très sérieusement son travail« , ce qui s’expliquerait par le fait que la structure n’ayant pas de personnalité morale, ses dirigeants étaient personnellement responsables. Outre que ce n’est pas pertinent ici, je ne vois pas comment cela ne pourrait pas être faux. Elle nuance néanmoins, qu’elle ne serait pas « toujours informée« , comme en témoignerait l’affaire du Tricastin, sans ajouter de précision. Elle finit en répétant qu’elle ne pense pas que le niveau de compétence n’est pas celui « qu’on avait en 1995« . (1h30’11 »)

Antoine Armand finit sur Superphénix soulignant que l’ex-ministre avait déjà plaidé à plusieurs reprises contre Superphénix avant d’arriver au ministère et insinue qu’on peut douter de sa sincérité à faire que l’installation fonctionne. Corinne Lepage répond:

  • en substance qu’elle n’était qu’une avocate qui défendait la cause de son client;
  • que ses décisions se justifiaient juridiquement;
  • et que ce n’est pas elle qui a enterré le projet, mais ses successeurs, d’autre part. (1h32’42 »-1h41’15 »)

Cette posture du « je suis avocate, ce n’est que mon client » oblitère une question intéressante: dans quelle mesure elle était allé chercher ce client ? Elle peut avoir proposé ses services gratuitement ou à un prix très bas pour encourager les poursuites. Elle se cache aussi derrière le fait que ses poursuites, portant sur un élément insignifiant, illustrant du reste la perversité des procédures ajoutées au droit administratif, ont eu gain de cause, comme si cela justifiait de les avoir lancé en premier lieu (1h50′). Elle oblitère, en outre, la portée de ses prises de parole sur le sujet et n’est pas questionnée par la commission. C’est pourtant là le principal rôle qu’a joué l’ex-ministre.

Les question d’Olga Givernet sont d’un intéret relatif et la réponse assez décousue. On relève plusieurs points:

  • Selon Corinne Lepage, à l’époque de son mandat, il « n’était pas question d’envisager plus de 30 ans à l’époque ». Elle se base sur le rapport de l’opex de 1999. (1h44′)
  • Elle répète qu’elle n’est pas favorable à de nouveaux réacteurs, que ce serait un « choix financier et économique franchement extrêmement redoutable ». Elle affirme qu’aucun pays n’aurait autant de nucléaire, en termes de proportion, que la France et insinue que ce serait un problème. (1h47′)

Frédéroc Falcon, député RN, commence une intervention, qui n’est pas vraiment une question, en parlant d’un « plaidoyer quasi-religieux », puis qu’il estime que « par idéologie », elle aurait « largement joué un rôle moteur dans le dépeçage de la filière nucléaire française. » (1h49′) La réponse est très intéressante. Reprenant son argumentaire, elle prétend avoir eu « une approche pragmatique et rationelle », insistant que, si elle défend les énergies renouvelables, « c’est bien pour notre pays » et qu’elle n’a « pas de religion ».

Le député RN affirme que le cabinet de Me Lepage serait « une référence dans le conseil auprès des producteurs éoliens ». Elle rencherrit, affirmant défendre « beaucoup plus de solaire que d’éolien » et aider « au montage de projets solaires ».

L’intervention pseudo-écologiste

Julie Laernoes, député écologiste, va porter la voix de la désinformation antinucléaire du côté de la commission. (1h51’27 ») Selon elle, le nucléaire aurait fait qu’on ait une réglementation thermique moins efficace et une dépendance aux importations lors des pics de consommation. Elle lui propose de parler :

  • de parler des « lobbies nucléaires », reprenant qu’elle aurait dit que « les décisions c’était pas l’état qui était prenait mais bien EDF »
  • de « le nécessité d’avoir un débat rationnel et apaisé sur la question du nucléaire et notamment vous avez évoqué les pages de publicité contre les énergies renouvelables le week-end dernier mais également les trolls dont je viens de découvrir aussi la puissance », évoquant la SFEN et les Voix du Nucléaires. (1h52’20 ») Elle prétend aussi que l’antinucléarisme ne serait pas une « croyance absolue et fervente », mais quelque chose de démontré par les faits. (1h53’20 ») [Ce passage et, surtout, la questin à laquelle il répond, sont extrêmement importants: on entre dans ce que j’appelle la « méthode russe », une série de techniques de manipulation d’une gravité extrême, notamment mises en oeuvre par le pouvoir russe.]
  • de « la dépendance française du fait de la voie unique sur le nucléaire » et des « retards énormes en termes d’énergie renouvelables« , de la dépendance extérieure à la Russie, évoquant « cargos qui font des allers-retours aujourd’hui malgré l’embargo » (1h53’35)
  • des « leucémies infantiles à la Hague » et de « la question de Tchernobyl et du nuage qui n’a pas passé les frontières » et de comment le lobby nucléaire peut influencer sur le « non résultat des études épidémiologiques qui devraient y avoir en bonne et due forme« . (1h53’57 »)
  • sur le prix de l’énergie, pourquoi on serait « persuadé que c’est grâce au nucléaire qu’on aurait une énergie peu chère alors ça s’explique dans les années précédentes mais je pense moins aujourd’hui » (1h54’38 »)
  • sur les « faillites de la filière nucléaire française« : sous-traitance, guerre Areva/EDF, focus sur l’export se révélant catastrophique avec des contrats dangereux et la perte de compétences et exonère les reponsabilités des « méchants écologistes ou idéologues contre le nucléaire« . (1h54’44 »)
  • sur un allègement des normes de sécurité nucléaire et prétend que EDF « ne transmet pas les informations et les défauts de fabrication » (1h55’17 »)

La réponse est un peu décousue.

Sur les « lobbies »: « le sujet du nucléaire en France était étroitement lié à l’organisation même de l’État même si j’ai dit tout à l’heure que j’avais été frappé lorsque j’étais au gouvernement c’était pas nous qui avions les chiffres mais que c’était EDF et que ça me paraissait pas normal ; le lien étroit entre nucléaire civil et nucléaire militaire et l’importance qui est accordée au nucléaire dans les politiques françaises de manière générale font que cela dépasse le cas du lobby ». Elle parle ensuite de son livre, qui montrerait des intérêts croisés à travers la composition des conseils d’administration des grands groupes français nucléaires et évoque vaguement « la manière dont les influences peuvent jouer ». L’exemple qu’elle donne est absolument vide: « le jour de ma nomination donc, j’ai eu des coups bas. Bon, ça fait partie de la vie ministérielle, je savais très bien d’où ça venait, notamment avec un faux débat autour du code de l’environnement monté de toutes pièces lorsque, comme par comme par hasard, le Conseil d’État rendu sa décision sur Creys-Malville. » (1h56’20 »)

Ensuite, elle répond au sujet des « trolls »: « vous avez raisons de parler des trolls, je m’en prends des paquets. Heureusement que j’ai le cuir dur, parce que c’est franchement insupportable. […] C’est quand même très difficile d’avoir u ndébat sur ce sujet dans des conditions d’hystéries qui ont cette importance. » (1h58) Elle affirme que le renouvelable conterait 4 centimes (/kWh ?) contre 12 pour le nucléaire, et embraye en insistant encore sur la rationnalité de sa démarche: « Ce sont des sujets rationnels, ce n’est pas une lutte religieuse. Le député tout à l’heure m’a dit que j’avais une religion du renouvelable: non j’ai aucune religion du renouvelable, ça n’a pas de sens. Ce ne sont pas des sujets religieux, ce n’est pas une croyance on croit pas on fait des analyses et ensuite les analyses rationnelles amènent à une situation où à une autre. » Elle souligne également n’avoir toujours été qu’à Cap 21, son propre parti.

Sur la dépendance, elle aurait déjà répondu: Kazakhstan, Ouzbekistan, le Niger. « Il y a aussi un peu le Canada, soyons honnêtes, c’est quand même moins problématique, mais les autres c’est quand même très problématique. » Elle n’ajoute rien à ce qu’elle a déjà dit sur la surcapacité et la surconsommation électrique.

Sur les leucémies, c’est plus intéressant: elle affirme que les surcas observés à La Hague par « l’étude du professeur Viel » qui aurait été confirmée dix ans plus tard par une autre étude.

Sur Tchernobyl, elle raconte simplement la peur de l’époque, qu’elle aurait été accueillie aux Pays-Bas avec de grands parapluies pour la protéger contre « la pluie radioactive » et prétend avoir montré une augmentation de la radioactivité, qui n’aurait convaincu personne « convaincu personne jusqu’à ce que […] Corinne lalleau, qui était journaliste à TF1, accepte de faire le journal de 20h en prenant deux salades en se mettant sur la frontière […] en disant celle-là on la mange celle-là on la mange pas il faudrait peut-être savoir pourquoi« . Elle continue sa logorrhée en évoquant 800 enfants ukrainiens ou biélorusses dont le cancer de la thyroïde aurait été traité en France, mais qu’on aurait renvoyé chez eux sans les médicaments adaptés; puis affirme que les mères de familles qu’elle aurait rencontré à Fukushima en aout 2011 se « plaignaient d’exactement la même chose […], qu’il n’y avait pas d’étude de suivi de la morbidité, alors que il y avait de réels problèmes ». (2h02’46 »)