L’uranium et son extraction sont l’un des sujets centraux de la désinformation autour du fonctionnement des centrales nucléaires. Les pseudo-écologistes vont l’attaquer sur plusieurs angles. D’abord, ils vont accuser le combustible de représenter une dépendance, que n’auraient pas les EnR. Ensuite, ils vont attaquer la France sur ses fournisseurs: elle encouragerait des régimes autocratiques. Enfin, ils vont accuser l’extraction de l’uranium d’être particulièrement polluante.

Notez que, de manière générale, l’ensemble de ces arguties se heurtent à une question simple: « Dans ce cas, pourquoi avez-vous fait fermer Superphénix ? » Cette technologie permettait d’utiliser de l’uranium appauvri comme combustible, ce qui réduit de l’ordre d’un facteur 100 le besoin d’uranium et, surtout … on a déjà pour des centaines d’années d’uranium usagé pouvant être utilisé ainsi.

La dépendance au combustible: uranium et uranium enrichi

Une accusation qui a récemment été importante est que l’uranium nous rendrait « dépendants ». Cet argument a été surtout développé comme contre-feu lorsque, avec la crise énergétique fin 2021 causée par la pénurie de gaz, les conséquences néfastes des préconisations des antinucléaires, la dépendance au gaz, se sont faites sentir. Cela permet de brouiller le débat pour un spectateur peu attentif: « ils s’accusent mutuellement de causer une dépendance énergétique ? Je ne comprends pas. »

La notion de dépendance

Le socle de cette désinformation est une présentation absurde de la notion de dépendance énergétique, comme d’un absolu: l’indépendance énergétique serait l’autarcie ou la possibilité de fonctionner en autarcie. C’est pourtant absurde: ce n’est le cas d’aucune énergie, sauf peut-être de l’hydraulique. Surtout, cette définition n’a aucun intérêt: le but n’est pas de philosopher, mais de décrire une situation pouvant avoir des conséquences pratiques concrètes. L’enjeu de « l’indépendance énergétique » est que le pays ne puisse pas faire l’objet de pressions (comme l’Allemagne antinucléaire a été l’objet par la Russie dans le cadre de la guerre en Ukraine). Or, on voit mal comment la France pourrait être la cible de pressions à partir de son combustible nucléaire:

  • Il y a de nombreux fournisseurs différents et une offre surabondante.
  • Il y a un stock de plusieurs ANNÉES (2-3 ans d’uranium naturel, 10 ans si on utilise l’uranium appauvri). A titre de comparaison, les réserves de gaz et de pétrole couvrent moins d’un an de consommation.
  • La France dispose de toutes les infrastructures pour enrichir son uranium.
  • Il y a même de l’uranium en France, qu’on pourrait extraire si on le souhaitait.

Promouvoir une vision absolue, autarcique, de l’indépendance énergétique permet d’une part de cacher cela et se combine avec une autre présentation désinformative: les EnR et « la sobriété » permettraient cette indépendance. [Nous reviendrons sur cette pseudo-alternative dans un article dédié]

Cela permet une inversion complète: c’est l’expansion des EnR au détriment du nucléaire qui est aujourd’hui responsable de la crise énergétique, la conséquence directe du lobby antinucléaire depuis des dizaines d’années. Ils proposent dont à une crise une réponse qui est … ce qui l’a causée.

Pour aller plus loin:

  • SFEN, « Un pilier de la souveraineté énergétique », https://www.sfen.org/wp-content/uploads/2021/11/Fiche-Un_pilier_de_la_souverainete_energetique.pdf
  • Valérie Faudon: https://twitter.com/SFENorg/status/1505898054855106565

Il n’y aurait pas de mine en France

Le nucléaire créerait une dépendance au minerai d’uranium parce qu’il n’y aurait pas de mine en France. Par exemple, Jean-Luc Mélenchon disait 25 novembre 2021, dans la suite de la crise énergétique qui a secoué l’Europe et a mis en évidence la dépendance causée par le mouvement antinucléaire : « Qu’on ne nous parle pas d’indépendance sur le #nucléaire. Il y a de l’uranium en France ? Non ! On va chercher l’uranium au Kazakhstan et au Niger. »

Il y a, en réalité de l’uranium en France. La dernière mine a même fermé en 2001. Elles ne sont pas exploitées parce que ce n’est pas rentable (et je doute que ce soit apprécié socialement) et qu’il y a de nombreux fournisseurs dans le monde.

La présentation des EnR comme la « vraie indépendance »

Évidemment, les EnR ont été présentées comme seules pouvant garantir une « vraie indépendance ». Par exemple, un politicien écologiste tweetait le 14 mars 2022, dans le contexte du passage de Yannick Jadot sur TF1: « Pour aller vers les seuls énergies de paix : les ENR. Dépendre du vent, du soleil, des marrés et de la chaleurs, plutôt que du pétrole et du gaz des dictatures. La vrai indépendance, c’est ça. »

C’est pourtant absurde, surtout dans le contexte: le lobbying antinucléaire est largement responsable, en promouvant les EnR et le recul du nucléaire, de la dépendance de l’énergie européenne au gaz russe. On voit ici une des stratégies les plus perverses de cette industrie: inverser totalement la réalité pour brouiller le débat.

De manière amusante, les EnR ne sont jamais mentionnées comme alternatives en conjonction avec l’attaque contre l’extraction minière. En effet, elles demandent largement plus d’extraction que le nucléaire. On voit ici la logique purement communicationnelle de leurs arguments: ces derniers n’ont pas besoin d’être cohérents, s’ils ne le sont pas, il suffit qu’ils ne soient pas dits au même moment.

Offensives autour des fournisseurs d’uranium

Il y a régulièrement, des attaques plus ciblées utilisant telle ou telle actualité pour dénigrer le nucléaire sur l’approvisionnement de combustible. Elles ont historiquement surtout concerné le Niger ou le Mali, notamment autour de l’accusation de « néocolonialisme ». Depuis la guerre en Ukraine est aussi dénigré l’approvisionnement en Russie et, depuis la crise énergétique, celui dans d’autres pays, comme l’Ouzbekistan et le Kazakhstan.

Avant tout, rappelons le contexte de la production d’uranium dans le monde: en 2019, le Kazakhstan représentait 42% de la production, le Canada 13 %, l’Australie 12%, la Namibie 10%, le Niger et la Russie 6% et l’Ouzbékistan 5%. Globalement, l’uranium est peu cher et de nombreuses mines ne sont, en conséquence, pas exploitées. (ref à creuser)

  • https://twitter.com/VaeVix/status/1503698097507115010
  • https://twitter.com/JP_O/status/1496853886837346305
  • https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/developpement-durable-enfin-carte-mines-uranium-france-18130/
  • Discussion sur les fournisseurs: https://twitter.com/AStrochnis/status/1435211912451612673

Dépendance à la Russie

Dans le contexte de la guerre en Ukraine est apparu une nouvelle accusation: nous serions dépendants de l’uranium russe.

L’accusation de Yannick Jadot, alors candidat à la présidentielle, a même été « debunkée » par Checknews (Libération se faisant pourtant d’habitude allègrement le relai de la désinformation antinucléaire) en juillet 2022.

La polémique a surtout enflé avec la réception en France de chargements de combustibles provenant de Russie en pleine guerre d’Ukraine, notamment en août 2022. Ce combustible avait en réalité été déjà payé et n’était donc pas concerné par les sanctions. Greenpeace a néanmoins mené une campagne vigoureuse affirmant que ce serait une infraction à ces dernières et une marque de la dépendance à la Russie.

Ces accusations ont beaucoup porté sur le recyclage, par l’usine russe Rosatom de Tomsk, de l’uranium de retraitement (URT) français. En effet, le combustible (uranium enrichi) utilisé une fois peut être recyclé. La France est l’un des seuls pays à faire cela (voire le seul ?), la pratique étant relativement chère. Il y avait des contrats de longue durée pour faire ce retraitement en Russie.

Ce lien a même été généralisé par Clément Sénéchal, porte-parole de Greenpeace, en juillet 2022: « Élisabeth Borne qui parle du nucléaire comme d’une énergie « souveraine » alors que la moitié de la filière est à l’arrêt et qu’elle est liée à la Russie à tous les étages. No comment. »

Dépendance au Kazakhstan

Il y a eu une offensive lorsqu’il y avait des troubles au Kazakhstan en janvier 2022. Par exemple, le 8 janvier Marie Toussaint (EELV) écrivait : « 41% de l’uranium usé dans le monde vient du Kazakhstan. Près de 25% pour #Orano et le #nucléaire français. La crise qui y sévit a fait grimper les prix de 8%. Mais on nous dit encore que le nucléaire est non fluctuant & gage d’indépendance. Va comprendre ». Ainsi, elle présente une petite augmentation des prix, d’une petite part du cout du nucléaire comme une remise en question du fait que l’uranium soit un « gage d’indépendance ».

On note dans ces argumentaires que les verts savent bien quel est la répartition de l’approvisionnement français.

L’Ouzbekistan

C’est une référence plus rare. Marie Pelletier (eurodéputé EELV) avait lancé une attaque par déshonneur par association en juillet 2022: « Notre uranium vient beaucoup d’Ouzbekistan. Un état où les manifestations sont réprimées, les défenseurs des #droitshumains attaqués, un racisme institutionnalisé prime… Ce n’est pas tout. Nos votes ont des conséquences Taxonomie #Délire #nucleaire ».

L’argument n’a aucun sens, notamment parce qu’une large part de notre énergie, qu’il s’agit du gaz, du pétrole ou des panneaux solaires, viennent de dictatures. De plus, il y a de nombreux fournisseurs occidentaux d’uranium, comme le Canada et l’Australie.

Néanmoins, l’objectif n’est pas de faire sens, c’est de créer une réaction émotionnelle chez le lecteur.

Colonialisme au Mali et au Niger

L’uranium du Mali et du Niger est une cible de longue date, notamment pour l’accusation de néocolonialisme ou d’ingérence (la France irait défendre « ses » mines d’uranium lorsqu’elle va aider ces pays).

Il y a eu une désinformation autour de l’opération Barkhane, en 2022 au Niger. Elle a été présentée comme ayant pour objet de protéger les mines d’uranium. Stéphane Lhomme, salarié de Sortir du Nucléaire, puis fondateur de l’observatoire du nucléaire. Ses accusations ont notamment été reprises par TF1 et reprise par LCI. La désinformation était telle que même FranceTVinfo, pourtant largement encline à reprendre la désinformation antinucléaire, l’a debunkée.

Le dirigeant nigérien a clairement démenti, montrant au passage l’absurdité de l’argument du colonialisme:

Enfonçant le clou, il a démenti que l’engagement français soit lié à l’exploitation de l’uranium du Niger, dont les cours se sont effondrés après l’accident de Fukushima. « Entre la France et nous, il y a une mine d’uranium qui produit 2000 tonnes par an. La tonne se vend à 50 000 francs CFA ; ça fait 100 milliards de francs CFA. J’ai tout mon uranium, mais personne ne veut investir pour l’exploiter ! On ne peut pas me dire que la France qui achète son uranium au Kazakhstan et au Canada veuille m’imposer des choses parce qu’il y a l’uranium au Niger ! C’est moi qui les supplie pour qu’ils me fassent Imouraren, la future mine géante».

https://mondafrique.com/la-rude-et-courageuse-franchise-du-president-nigerien-mohamed-bazoum/

La pollution de l’exploitation minière

L’exploitation d’uranium est accusée d’être particulièrement polluante.

La Criirad a notamment trouvé un soutien local au Niger en la personne d’Almoustapha Alhacen et a conduit depuis 2003 des tests qui montreraient une radioactivité élevée à Arlit, une ville proche d’une mine d’Areva. Or, une « radioactivité élevée » ne veut pas dire une radioactivité dangereuse. On retrouve l’exagération de l’effet de la radioactivité.

L’argument est d’autant plus fallacieux que toute extraction minière est polluante et que les EnR suppose l’extraction de quantités de matériaux encore plus importantes que le nucléaire: il faut non seulement extraire les matériaux pour faire les installations elles-mêmes, mais en plus ceux des batteries. Rappelons que l’industrie nucléaire française consomme de l’ordre de 8000 tonnes d’uranium par an, soit 0,02g/kWh produit.

Pour aller plus loin:

  • Sur l’impact environnemental des mines d’uranium: https://twitter.com/maxcordiez/status/1456224558021849090