Les éléments de langage: un outil puissant de la pseudo-écologie

Dans mon étude des Monsanto Papers, qui est la plus poussée sur un cas spécifique et de grande ampleur de désinformation, on observe quelque chose d’étrange : sur les >500 articles du corpus, on n’y détaille que quelques dizaines.

C’est qu’en fait la grande majorité des articles font référence aux Monsanto Papers en quelques mots, par une simple allusion, une vague évocation. En voici un exemple :

« Troublante, sauf si l’on sait , comme le révélaient en début de semaine Stéphane Foucart et Stéphane Horel du Monde, que les études européennes (en vert sur l’infographie) ont été menées sous influence étroite de Monsanto, certains passages des documents de la firme se retrouvant purement et simplement copiés-collés dans les rapports européens. » (297)

J’appelle ces références « éléments de langage ». Ce sont des éléments discusifs qui permettent d’évoquer un message (en l’espèce la désinformation que nous avons mise en évidence et les sentiments associés)sans avoir à l’expliciter. C’est un outil extrêmement puissant, car il est facile et rapide à utiliser : quelques mots, quelques lignes vont véhiculer une désinformation qui a mis des pages à se construire.

La notion d’éléments de langage dans la littérature.

Ce terme d’élément de discours a surtout été utilisé en communication politique pour désigner les « petites phrases » et expressions toutes faites, fréquentes en politiques, qui vont construire le marketing d’un politicien. La plus classique est le slogan électoral, comme « la force tranquille » ou « la fracture sociale ». Pour certains, une spécificité semble être leur dimension préparée et coordonnée. (Vallois 2015)

Toutefois, on observe que les exemples donnés sont très proches de ce que nous allons étudier. Si « la force tranquille » est une formule efficace, c’est grâce à son pouvoir évocateur, le fait qu’il soit possible pour les journalistes de le répéter (Ollivier-Yaniv 2011), etc. C’est également le cas pour les Monsanto Papers.

En outre, il n’est pas absurde que des réflexions aient présidé à l’élaboration de ces éléments par leurs concepteurs initiaux. La seule différence notable est l’étendue de « l’écho » pour l’élément de langage, qui va être repris non par des subordonnés ou les membres de l’organisation, mais une myriade d’acteurs apparemment ou réellement indépendants, probablement sans coordination prélable.

On sait que « la force tranquille » est un slogan politique quand on l’utilise. Au contraire, la désinformation issue des MP n’est pas vue comme un discours politique. Quoiqu’il en soit, les deux phénomènes semblent trop similaires pour être distingués et j’estime que le terme, dans son appréciation commune, correspond bien à la définition que j’en ai donné ici.

Les éléments de langage de la pseudo-écologie

Jean-Luc Mélenchon avait par exemple placé la dangerosité du nucléaire comme élément de langage ici :

Si vous ne voulez pas dire au peuple français que le nucléaire étant devenu dangereux, il faut qu’on passe à autre chose et que le plus vite sera le mieux, alors vous ne pourrez pas vous entendre avec nous.

En trois mots, il fait référence à l’ensemble de la désinformation antinucléaire.