« Pro palestinien »: une nouvelle pseudo-cause ?

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Quand on étudie la pseudo-écologie, on est assez surpris par le peu d’importance de l’écologie pour ses promoteurs: le dérèglement climatique cesse d’être un problème dès qu’on parle de nucléaire, d’OGM ou de la ligne de train Lyon-Turin, puis cela devient une lutte à mort dès qu’on parle de voiture, de viande ou, plus largement, du pouvoir alloué aux soit-disant « écologistes ». Quand on prend du recul, on voit qu’il s’opposent à toutes les solutions qui auraient une chance de marcher facilement et rapidement. Bref, vous le savez si vous me lisez: l’écologie politique n’a rien d’écologique et tout de politique.

C’est ce qu’on peut appeler une « pseudo-cause » et on pourrait sans doute débusquer un « pseudo-antiracisme », « pseudo-nationalisme » (l’extrême droite qui lèche les bottes de Poutine …), un « pseudo-féminisme » … bref, une myriade d’écosystèmes basés sur la désinformation.

L’actualité nous a montré de manière éclatante une autre pseudo-cause: les pseudo-propalestiniens.

Je ne m’étais jamais trop intéressé au sujet, étant resté au discours d’amis s’y étant pas mal intéressés, m’avaient résumé: « c’est compliqué ». Toutefois, j’ai été forcé d’y mettre le nez. J’avais déjà observé une porosité entre la pseudo-écologie et la sphère islamiste avec l’invitation de Médine aux journées d’été 2023 des verts, puis de La France Insoumise. Le complotisme autour de la finance internationale est aussi proche de l’antisémitisme. On m’a aussi montré des cas plus spécifiques, comme la manière qu’ont certains antichasse ont eu de parler de « la baronne de Rotschild ». Mais c’est un thème qui avançait à petit pas feutrés et discrets. Puis est arrivé le 7 octobre 2023.

La réaction n’a pas été la contrition face aux exactions infâmes et la monstruosité de leurs auteurs, au contraire. Le mouvement « pro-palestinien » a redoublé de vigueur, applaudissant le massacre et/ou tentant d’immédiatement empêcher Israël de répliquer. La réaction interroge: ce serait exactement ce que ferait un mouvement anti-israël. Est-ce qu’il n’y a pas anguille sous roche ?

L’hypocrisie radicale

La première chose à se demander est: qu’est-ce que défendent les pro-palestiniens ?

Est-ce qu’il s’agit des palestiniens ? Pourquoi, les « pro-palestiniens » ne proposent rien pour améliorer le sort des palestiniens, qui sont maintenus dans la pauvreté par un mouvement autoritaire, voire totalitaire, religieux, le Hamas ? Je n’ai pas vu passer la moindre manifestation anti-Hamas. A l’inverse, les pro-palestiniens défilent lorsque le Hamas a besoin de leur aide pour faire pression sur Israël. Ils semblent davantage pro-Hamas que pro-palestiniens …. les deux étant antinomiques.

On peut aussi se demander ce que les palestiniens ont de particulier. Est-ce parce qu’ils sont musulmans ? Pourtant, Bachar El Assad a librement massacré sa population à une échelle délirante: plusieurs centaines de milliers de morts, pour beaucoup civils, et des villes rasées. De même, il n’y a eu AUCUNE manifestation lorsque le Pakistan a expulsé 1,7 millions d’afghans après des attentats: une population qui avait réussi à s’affranchir de la tyrannie des talibans sont de nouveau jetés dans leurs bras. On peut d’ailleurs se demander si ce ne sont pas lesdits islamistes qui ont causé ces attentats pour récupérer les pauvres hères leur ayant échappé.

Quid des manifestations contre les régimes islamistes, comme l’Iran ? Il écrase sa population, surtout féminine, avec une violence et une cruauté terrifiante. Où sont ces braves militants ? Quid encore de l’opression qu’ISIS a fait peser sur le Moyen-Orient ? Silence radio … Les voit-on encourager une solution pacifique aux massacres du Darfour (1 ; 2 ; 3) et condamner les milices de musulmans Janjawid ? J’ai bien trouvé trace d’une manifestation à République, mais elle n’a visiblement rassemblé que quelques personnes, dont aucun de nos braves pro-palestiniens …

Donc les militants pro-palestiniens, ne soutiennent en fait ni les palestiniens, ni les musulmans, ni les peuples opprimés, ni les victimes de massacre de grande ampleur … Que font-ils donc alors ?

Est-ce que les propalestiniens sont simplement antisémites ?

La seule particularité de la cause « pro-palestinienne » est la présence de juifs dans l’équation. Les pro-palestiniens seraient-ils simplement antisémites ? C’est une question très complexe, qu’on comprend mieux en s’inspirant de ce qu’on a déjà observé pour la pseudo-écologie.

Raisonner à partir de l’opposition

Le conflit israélo-palestinien nous apprend beaucoup sur la pseudo-écologie et la pseudo-écologie va nous apprendre beaucoup sur la dimension internationale du conflit israélo-palestinien.

En effet, ce que défendent les militants (on parle de la base) pseudo-écologistes est également source d’incompréhension. Ils prétendent être contre le dérèglement climatique, mais luttent contre les OGM et le nucléaire; ils veulent moins de pesticides, mais luttent contre l’innovation génétique; ils veulent qu’on utilise moins la voiture, mais luttent contre la ligne Lyon-Turin; ils veulent qu’on isole mieux les maisons, mais luttent contre une usine d’isolant Rockwool avec un procédé de production particulièrement écologique …

Des fois, on trouve des aspects « pro »: pro EnR, pro agriculture biologique notamment, mais c’est plus un prétexte qu’autre chose et on les retrouve en train de lutter contre des parcs photovoltaïques ou éoliens. En fait, leur action se définit avant tout par une opposition : anti-OGM, anti-nucléaires, anti-5G, anti-capitalistes, anti-ciment, anti-glyphosate, anti-usines, etc.

Et là on comprend bien mieux. Maintenant appliquons cette logique au mouvement « pro palestinien ».

Quel est leur ennemi ? Ils sont « anti » quoi ? Et s’il était simplement « anti-israel », comme d’autres sont anti-américains ?

Un mouvement de facto antisémite

Dans les discours actuels, se revendiquant « propalestiniens », on retrouve une radicalité absolue (Israël devrait disparaître et les Juifs disparaître du Moyen Orient), mais on ne voit pas les traces de l’antémitisme classique. Alors que les antisémitismes « de gauche » et « de droite » élaboré au XIXe et XXe siècle s’ancraient dans les vieux mythes de l’antisémitisme chrétien (juifs obsédés par l’argent, antisémitisme éternel …), il est plus difficile de voir une parenté ici. Le thème classique du juif financier va être repris, mais il n’a pas un rôle structurel. Je ne connais pas l’antisémitisme musulman, mais je doute qu’il soit basé historiquement si l’idée que les juifs auraient envahi Israël. On a bien un discours né récemment, une nouvelle branche, qui va se reposer sur les discours anti-occident et notamment le décolonialisme: les israéliens auraient colonisé la Palestine et devraient en être éjectés.

Pourtant, l’antisémitisme est partout dans ce mouvement. Les évènement du 7 octobre ont, au lieu de générer un moment de contrition et de remise en question, provoqué une flambée d’antisémitisme dans le monde. (1) De nombreuses organisations politiques ont soutenu le Hamas, soit discrètement comme La France Insoumise, soit de manière évidente comme le Parti des Indigènes et la sphère décoloniale.

La compromission est évidente lorsqu’on regarde d’ailleurs le bilan. Ils ne font pas pression (directement, le gouvernement pouvant se sentir concerné par le sort des Juifs dans le monde) sur le gouvernement d’Israël, qui sait à quoi s’en tenir; ils ne font pas pression sur le Hamas, qui applaudit au contraire leurs initiatives. La seule chose qu’ils ont provoqué est l’augmentation d’actes antisémites. Ils attisent les tensions et rendent l’existence d’Israël encore plus précieuse.

L’antisémitisme classique, notamment le mythe de la finance juive, s’il n’a pas un rôle structurel dans ces discours, est extrêmement présent et vient renforcer le discours décolonial. La fange intellectuelle, touchant notamment une jeunesse en perte de repères, se répand à la vue de tous: la « Lettre à l’Amérique » d’Oussama Bin Laden prétendant justifier les attentats du 11 septembre a ainsi été largement reprise sur Tik Tok par une myriade de jeunes influenceurs. Celle-ci prétendait notamment que « Les Juifs ont pris le contrôle de votre économie, et par ce biais le contrôle de vos médias« . Je dis souvent qu’on n’a jamais été aussi proche des années 30 qu’aujourd’hui. Cette réalité, qui peut passer inaperçu à l’observateur inattentif, déferle maintenant sur l’Occident tout entier.

Comprendre l’économie derrière

Mais alors, c’est un mouvement antisémite ou non ?

Malgré tout cela, je ne pense pas qu’on puisse répondre oui à cette question. Il y a une quanité considérable d’antisémites, islamistes ou non, dans ses rangs, mais je pense que la majorité de la base de « croyants » n’a pas d’animosité envers les Juifs.

Ce que je vois (ce qui pourrait être enrichi),, ce n’est pas tant un mouvement de haine dirigé contre les Juifs, comme l’étaient les antisémitismes des XIXe et XXe siècles, mais quelque chose de plus désincarné. La plupart ne se rendent pas vraiment compte de la portée de ce qu’ils disent et de leurs actes et qu’ils s’en foutent. Ils veulent juste agrémenter la petite bulle cognitive qu’ils se sont construits pour se sentir bien vis-à-vis d’eux-même sans trop d’effort.

Cela les amène à des pensées inhumaines et, au final, à une animosité envers les Juifs, mais le moteur principal n’est que la recherche d’une satisfaction personnelle, du sentiment d’agir pour le bien de quelque chose, du sentiment de comprendre une vérité cachée, d’être quelqu’un avec quelque chose d’extraordinaire, etc.

En un mot comme en cent, ce sont des gens qui ont simplement plus d’ambitions que d’humanité et de capacités.

C’est un thème que je développe dans l’économie du militantisme (livre ci-contre), que je précise dans un court article sur la politique comme économie du bullshit.

Dans ce dernier, je présente par exemple différentes actions politiques comme des produits: le vote, la discussion politique et la manifestation ou autre engagement militant. Le premier est celui qui coute le moins, mais il rapporte aussi assez peu. Le second est plus couteux, puisqu’il implique d’exprimer son appartenance.

On imagine des gammes. Par exemple, le pack d’entrée de gamme incluerait le vote et, occasionellement la discussion politique ou la manifestation, mais toujours en limitant l’impact que cela peut avoir sur sa vie. Le niveau suivant incluerait le prosélytisme: le militant parle régulièrement de sa cause autour de lui et participe aux manifestations, même si elle peuvent avoir un impact légèrement négatif sur leur vie. Cela permet aussi de plus grandes rétributions, permettant notamment la création de lien social. Enfin, le pack haut de gamme impliquerait une inclusion sociale forte et le paiement de quantité significative de temps, d’énergie, d’image et de risques divers.

C’est une mécanique extrêmement perverse, puisque ce qui est acheté ici, c’est le droit de croire une illusion. Cela vous enferme donc dans une escalade d’investissement: si vous voulez vous reconnecter à la réalité, vous devez perdre toutes ces rétributions. Vous aviez cru être quelqu’un de moral, qui fait avancer les choses ? Vous réalisez que vous n’êtes qu’un consommateur individualiste comme les autres. Pire, imaginez que vous avez convaincu vos proches de penser comme vous. Pourriez-vous vous endurer de dire la vérité à vos amis, à votre conjoint, voire à vos enfants ?

Ainsi, il faut voir, pour la base militante occidentale (non islamiste), le mouvement « pro-palestinien » comme un véhicule permettant d’obtenir ces rétributions du militantisme. C’est un bien de consommation.

La question cruciale: pourquoi cette pseudo-cause ?

Si le mouvement pro-palestinien n’est qu’un bien de consommation pour personnes souhaitant se sentir bien (ou autre rétribution individuelle) sans y mettre les moyens, pourquoi c’est ce thème-ci qui est choisi ? C’est littéralement le business model des religions. N’auraient-ils pas pu se convertir au christianisme, à l’hindouïsme, à la religion musulmane ou bien au pastafarisme à la place ? Ou bien devenir anti-OGM, antivaxx, anti-5G, etc. ? Ou encore se convertir au communisme ? Les organisations proposant ce type de rétribution sont pléthore.

C’est que toutes ne se valent pas et sont en compétition. Nous avons vu les consommateurs, il faut maintenant parler des entrepreneurs. Vous allez avoir toute une chaine de valeur qui va se créer autour de la monétisation (au sens large, incluant le pouvoir en général et pas seulement l’argent): des fournisseurs, des distributeurs, des médias de référence, etc. Il faut valoriser l’offre et orienter cette demande globale vers ses produits.

Vous allez avoir des chercheurs qui produisent des éléments qui pourront être repris par la base: « regardez, l’Université a dit ça ». Des vulgarisateurs vont concevoir les discours publics. Certains s’adressent aux radicaux (ex: les imams salafistes), d’autres aux personnes se pensant raisonnables (les Tariq Ramadan, les journalistes occidentaux), d’autres encore aux décideurs (think tanks et ONG). Chacun son marché. Diverses organisations vont avoir pour rôle de « blanchir » de l’argent public. Ainsi, les associations « pro palestinienne » achètent la paix sociale du Hamas avec de l’argent de l’Occident et certaines vont réussir à irriguer aussi le Hamas lui-même. Des politiciens vont, pour leur part, encourager le versement desdits subventions. Derrière, des puissances comme le Qatar vont encore irriguer l’écosystème avec de l’argent (ou autre, comme la chaine Al-Jazeera).

Toute ressemblance avec l’économie pseudo-écologiste n’est pas fortuite.

C’est là que des travaux comme ceux de Florence Bergeaud-Blackler sont précieux, comme l’ont été ceux de Seppi et David Zaruk sur la pseudo-écologie: il faut comprendre l’écosystème et identifier ses parties-prenantes.

Ouverture: ce que cela nous apprend de l’antisionisme

L’anti-sionisme est un terme un peu fourre-tout. On y trouve à la fois des critiques d’intellectuels de gauche, qui vont présenter le terme comme une critique de la politique Israélienne (sans remettre en question ledit État ) et une reprise du mythe de la finance juive internationale par Alain Soral.

Le mouvement « pro palestinien » semble s’inscrire très largement dans la continuité de ce terme.

Je pense que c’est une parenté qu’il faudrait approfondir. On voit se dessiner l’image suivante: il ne s’agit pas d’Israël, il ne s’agit pas de Juifs, il ne s’agit pas de palestiniens, il s’agit de bullshit. C’est un marché, les acteurs économiques disent ce qu’ils « doivent » dire pour obtenir leurs rétributions.

Le coeur du problème est la masse qui est prête à tout accepter, à tout soutenir, pour se sentir mieux. Le problème, c’est l’hédonisme idéologique, que je traduis par la notion d’antéconcept.