Mélenchon et le triplement du nucléaire 2-12-2023
L’émission 6/9 de France Inter du 2 décembre 2023 a notamment accueilli Jean-Luc Mélenchon, qui nous a gratifié de plusieurs insanités. Une a retenu notre attention, sur le sujet du nucléaire.
Commençons par le début, son intervention.
Transcription
« Il faut penser à la tête d’oeuf qui a trouvé ça [ndlr: le triplement du nucléaire d’ici 2050]. Figurez vous que dans le réchauffement climatique, il se passe quelque chose de tout à fait bizarre, c’est le réchauffement ! Et voyez vous, quand ça se réchauffe, et ben ça réchauffe l’eau. L’eau des fleuves, qui est moins dense, l’eau est plus chaude et par conséquent ne peut pas refroidir le nucléaire. Alors, outre les dangers du nucléaire, l’idée est ridicule. Voilà, je redis, ridicule, et bien digne de quelqu’un qui se préoccupe de l’avenir de l’industrie nucléaire davantage que de la sauvegarde de l’humanité et surtout ..
– Vous parlez d’Emmanuel Macron là ?
– Mais évidemment ! C’est un acquis illuminé au nucléaire. Au lieu de développer les méthodes que l’on a par exemple dans la rade de Brest ou bien dans le fleuve Gironde à Bordeaux, qui est de mettre en place des machines qui utilisent le mouvement mécanique de l’eau gratos et non polluant, il s’en va chercher le nucléaire, qui coute des milliards, est dangereux et nécessite des installations et tout un ensemble sécuritaire qui pose problème. Vous verrez. Rappelez-vous bien de ce que j’vous dis les gens: un seul coup et c’est fini pour nous les français. Un seul incident et c’est fini. Pourquoi on a besoin du personnel nucléaire ? Pour démonter tout ça. »
La désinformation antinucléaire
Il s’agit évidemment d’un discours antinucléaire, reprenant plusieurs éléments classique de leur désinformation. Les voici dans l’ordre:
- L’incompatibilité du nucléaire avec le dérèglement climatique. Classiquement, ce point critique le problème de la sécheresse. La chaleur de l’eau n’est pas particulièrement un problème à ma connaissance, sauf pour les écosystèmes et le respect de la réglementation. Il parle de densité pour se donner un air. Surtout, ces considérations ne concernent pas les centrales en bordure de mer, celles utilisant des eaux usées (comme celle de Palo Alto) ou celles ayant un système de refroidissement fermé. Bref, le dérèglement est une variable à prendre en compte, mais qui n’est en aucune façon un obstacle au développement du nucléaire.
- L’énergie marémotrice et autres hydroliennes comme alternatives. Cette désinformation est récurrente depuis 2022. En réalité, l’énergie de la mer et des fleuves (hydrolienne / marémotrice ..) est tout sauf viable, confrontée notamment à la difficulté de gérer la puissance corrosive de l’eau de mer, mais aussi la violence des intempéries. Il y avait notamment eu une expérimentation menée par Canergie Wave Energie à La Réunion qui avait été arrêtée après que l’installation ait été arrachée. Ce sujet appartient au registre des pseudo-alternatives.
- L’exagération de la dangerosité du nucléaire: « Un seul incident et c’est fini ». Le nucléaire est l’énergie qui a le meilleur bilan sécuritaire de l’histoire de l’humanité. Notez qu’il parle d’un « incident ». Or, ce terme désigne des événements d’une gravité inférieure à 4 sur l’échelle INES, dont il y a déjà eu quelques dizaines dans l’histoire de France.
Enfin, rappelons que le nucléaire est présenté par le GIEC comme une des solutions qui permettrait de décarboner l’économie.
La forme du discours
Il y a beaucoup à noter sur la forme du discours.
Le point central à relever ici est l’exagération systèmatique et ahurissante de l’utilisation du nucléaire. Il ne fait pas que dire sa désinformation, il insiste dessus avec une outrance délirante. Ainsi:
- la personne qui aurait pensé le triplement du nucléaire serait une « tête d’oeuf » (pas très gentil pour le GIEC ça …);
- l’idée serait « bien digne de quelqu’un qui se préoccupe de l’avenir de l’industrie nucléaire davantage que de la sauvegarde de l’humanité »
- « C’est un acquis illuminé au nucléaire »
On est typiquement dans la diabolisation: il désinforme pour dessiner un ennemi simiesque et caricatural qu’il faudrait évidemment combattre. Ici, cette diabolisation est construite en trois temps:
- D’abord il ment sur l’adaptation du nucléaire au dérèglement climatique: E. Macron prônerait une mauvaise solution.
- Ensuite il ment sur l’existence d’alternative: E. Macron prônerait une mauvaise solution par idéologie, alors qu’il y a des alternatives évidentes.
- Enfin, il ment sur la portée et les risques: E. Macron prônerait une mauvaise solution qui risquerait causer une terrible catastrophe par idéologie, alors qu’il y a des alternatives évidentes. Voilà le message.
Enfin, il faut noter sa débauche d’effet sonores et gestuels. C’est vraiment le théatre de Guignol: il joue une pièce.