Arte et néonicotinoides : « Comment l’agrochimie a tué les insectes »
Récemment est passé sur Arte un film présentant le livre de Stéphane Foucart sur les néonicotinoides (NNI), Et le monde devint silencieux: « Insecticide – Comment l’agrochimie a tué les insectes ». Vu que j’ai déjà commenté les articles que ce journaliste a écrit sur les NNI, je me suis dit qu’il serait pertinent de présenter ce film, qui a été conçu par plusieurs réalisateur et diffusé sur une grande chaine nationale. Je vais vous en présenter le déroulé en essayant de faire ressortir le storytelling construit.
Rq: 2′ veut dire « à 00:02:00″ ou deux minutes ; et 2’20 » veut dire « à 00:02:20 » ou deux minutes et vingt secondes.
Déroulé
0. L’introduction: l’annonce d’un drame (0-2′)
Le film commence par présenter les insectes comme des victimes: les gens en auraient une aversion (« les insectes, c’est les trucs pas sympa, qui rampe qui fait des dégats … » ; « Le quotidien du consommateur, c’est tout insecte volant qui risque de piquer, on sort la bombe insecticide »; ) et ne mobiliseraient pas la sympathie (« C’est très rare que les gens s’identifie à une limace, ou à une sauterelle ou une blatte … C’est beaucoup plus difficile »).
[C’était l’accroche, (1′), pour générer de l’empathie]
Puis, sur fond musical dramatique (Vivaldi), on embraye la seconde : « C’est un massacre silencieux, l’industrie agrochimique est en train de faire disparaître le bruissement de la planète. » A partir de là, ils mobilisent des intervenant non identifiés (!) qui formulent leurs propres alarmes: « C’est la pire extinction de masse que la planète ait vécu. Nous perdons des espèces à une vitesse que la Terre n’a jamais connu. C’est pire que l’extinction des dinosaures. » On retrouve Foucart et un de ses arguments phares, le « syndrome du pare-brise »: les pare-chocs seraient maintenant vierges de tout insectes lorsqu’on conduit, contrairement à il y a 40 ans.
C’est d’ailleurs son livre, « Et le monde devint silencieux », publié aux prestigieuses éditions Seuil, qui est annoncé comme fondant le film à 2′.
0.1. Le retour de Hallman et al. 2017 (2′)
Puis, une allégation pour le moins audacieuse: « Le syndrome du pare-brise a été démontré par une étude allemande. En Europe occidentale, depuis 1990, 75% de la masse des invertébrés a disparue. » Cela mettrait en danger « toute les chaines alimentaires », affirmant que « les rivières se vident de leurs poissons et le ciel de ses oiseaux. » Seraient en cause les néonicotinoïdes.
Il s’agit (très probablement) d’une référence à l’étude Hallman et al. 2017, qui ne dit absolument pas cela: elle concerne des zones protégées d’Allemagne et ne vise absolument pas les néonicotinoides, terme du reste absent de l’article en question. Les auteurs se contentent d’affirmer que « l’intensification des pratiques agricoles sont une cause plausible« . Je vous détaille l’ampleur de cette désinformation qui non seulement donne à cette étude une portée qu’elle n’a et ne revendique pas, mais en plus présente comme solide une étude dont les failles méthodologiques sont dramatiques. J’approfondis ce point ici.
Pour rappel, voilà ce que disait l’étude:
However, we have not exhaustively analysed the full range of climatic variables that could potentially impact insect biomass. For example prolonged droughts, or lack of sunshine especially in low temperatures might have had an effect on insect biomass. Agricultural intensification (e.g. pesticide usage, year-round tillage, increased use of fertilizers and frequency of agronomic measures) that we could not incorporate in our analyses, may form a plausible cause.
Hallmann CA, Sorg M, Jongejans E, Siepel H, Hofland N, Schwan H, et coll. (2017) More than 75 percent decline over 27 years in total flying insect biomass in protected areas. PLoS ONE 12(10): e0185809.
0.2. Complotisme et système sous emprises (3’10 »)
Cette première désinformation va servir de tremplin pour dresser un contexte diabolique:
« Alors que les dangers sont bien connus des scientifiques, ces neurotoxiques sont vendus comme une recette miracle aux agriculteurs. L’agrochimie et ses lobbies ont pris en otage tous les systèmes de contrôle scientifique et démocratique. Au nom du profit, quelques chimistes et hommes d’affaires se sont arrogés droit de vie et de mort sur l’ensemble du vivant. »
On voit clairement la dimension complotiste, antirépublicaine et insurectionnelle derrière le narratif qu’ils vont exposer par la suite.
I. Les néonicotinoides
C’était globalement l’introduction. Cette première partie va avoir pour objet de présenter plus en détail les néonicotinoides.
I.1. Christooooophe \o/ (3’50)
Ensuite intervient Christophe Boizard, que tous ceux qui me lisent connaissent sous le pseudonyme d’agritof80, agronome, vulgarisateur sur Twitter des choses de l’agronomie. Christophe montre l’enrobage d’une graine enrobée.
Puis, le narrateur commente « ces graines enrobées ont envahis le monde entier » et explique qu’en UE, « malgré de nombreuses interdictions », il y aurait 130 dérogations et complètent : « En France, c’est le cas de la betterave sucrière« . On retrouve ici une autre fine désinformation : le narrateur sous-entend que l’interdiction d’utiliser des NNI sur betteraves serait dûe à la réglementation européennes, alors qu’il ne s’agit que d’une loi française. En outre, ils restent largement autorisées en Europe.
Leur énoncé permet ici de laisser entendre que les NNI seraient globalement interdits en Europe et que cette interdiction serait privée de son contenu par les dérogations, alors qu’en fait les NNI restent largement autorisés. L’erreur est d’une gravité relative, mais c’est révélateur du rapport à la vérité du « documentaire ».
I.2. Diabolisation des NNI: le risque neurotoxique pour les humains (5’50 »)
Scott Black fait la transition: « Ces graines ont l’air inoffensives, elles sont toutes colorées, mais elles sont hyper toxiques. » Ils rappellent que l’insecticide est « systémique », qu’il imbibe les tissus de la plante quand elle grandit. C’est ensuite le moment de la description des NNI sous un angle assez particulier.
« A partir du moment où le neurotoxique est dans la plante, vous pouvez toujours laver les fruits et les légumes, de toute façon, c’est à l’intérieur. »
Jean-Marc Bonmatin, 6’28 »
Ensuite, on voit des enfants manger des fruits et légumes en commentant: « Les effets à long terme sur les humains et notamment sur le développement des enfants, n’ont pas été étudiés avant leur homologation. Ces pesticides sont pourtant conçus à partir d’une substance bien connue, celle que contient le tabac: la nicotine. »
L’insinuation est claire: il y aurait un risque pour le développement des enfants.
Cet angle est laissé plutôt en marge dans le storytelling des articles de S. Foucart, mais là on voit son rôle et la puissance d’évocation qu’il y a derrière: cela porterait sur le cerveau des enfants ! C’est forcément grave ! On agite ici une peur irrationnelle: aucun élément tangible n’est apporté. Surtout, l’allégation initiale est délibérément vague: ils insinuent, par la structure de la présentation (effet d’apposition) qu’il n’y aurait pas eu test du tout et qu’on ne saurait aujourd’hui pas.
La transition avec la partie suivante est subtile : Jean-Marc Bonmatin revient à la charge, affirmant « Tout le monde savait, depuis longtemps, que la nicotine est un poison pour les insectes » (ne parlait-on pas d’effet neurotoxique sur les humains ? Il y a probablement une volonté de créer la confusion ici), puis on embraye sur l’utilisation ancienne de la nicotine comme insecticide, puis sur l’histoire des NNI.
I.3. Invention et utilité des NNI (7′)
Ensuite, la narration va prendre un tour étrange (mais qui ne surprendra pas ceux qui ont l’habitude): il vont laisser présenter l’intérêt des NNI. L’inventeur de l’imidaclopride (admettons), Shinzo kagabu, présente l’insecticide sous des termes enthousiastes: « c’était 100 fois plus efficace que tous les autres insecticides ! A tel point qu’on croyait qu’on se trompait dans les résultats d’analyse. […] Tout le monde était excité, en disant qu’on n’avait jamais vu un produit si intéressant. »
S. Kagabu et C. Boizard vont présenter l’un des atout des NNI: sa propension à ne cibler que les insectes interagissant avec elle et, surtout, la piquant ou la mordant. (9′) Un universitaire va même rappeler une évidence, pourtant souvent niée:
« L’agriculteur ne veut pas tuer les insectes. Il veut simplement que sa culture principale pousse bien. Si beaucoup d’insectes meurent, c’est un effet secondaire qui n’est pas voulu. »
Wolfgang Weisser
Les NNI permettraient également de réduire les traitements:
« Le néonicotinoide, en fin de compte, il protège en continu la plante, alors qu’un insecticide mis en foliaire va impacter toute la surface et, surtout, avoir une action de courte durée, une semaine maximum. »
Christophe Boizard 10’05 »
Cet insecticide fonctionne pendant 4 mois environ après son utilisation, donc on n’a pas besoin d’asperger des insecticides régulièrement, à chaque fois que des ravageurs apparaissent. Le produit est seulement posé à la racine. Quand on pulvérisait d’autres insecticides, seulement 10% atteignaient la racine.
Shinzo kagabu, 10’25 »
Même S. Foucart va reconnaitre ces atouts:
Un des arguments, et qui est à mon avis d’ailleurs un argument recevable hein, est de dire « en pulvérisant des produits insecticides sur les cultures, on expose les ouvriers agricoles, les exploitants, mais on expose aussi les riverains, parce qu’on ne contrôle pas la vitesse du vent exactement la vitesse du vent à chaque moment de la pulvérisation. Donc l’idée derrière l’utilisation de ces produits néonicotinoïdes en traitement de semences, c’est de dire « on contrôle beaucoup mieux le destin du produit, parce qu’il est dans la terre, il est absorbé par la plante et quand il est récolté on n’en parle plus, et il n’y a pas cette dispersion en fait aérienne dans l’environnement. »
Stéphane Foucart, 10’55
A ce stade, on peut être un peu surpris. Ce qui a commencé comme un documentaire à charge et à désinformation semble informer … Quel est ce mystère ?
I.4. La révélation 12′
On identifie à la 12e minute immédiatement le noeud narratif: « A leur invention, les néonicotinoides semblent l’insecticide idéal … ». Se seraient-ils, ensuite, révélés moins idéaux ? Petit indice « Rapidement, une dizaine de molécules aux noms imprononçables […] sont développés … ». La mention « imprononçable » traduit ici probablement le parti pris des auteurs: cela n’a aucun intérêt informationnel, est subjectif (je trouve thiamethoxam assez simple à dire), mais permis de générer de la défiance. Ne dit-on pas qu’il faut se méfier des molécules aux noms imprononçables ?
On voit l’histoire se mettre en place:
- « Il n’y a qu’un tout petit nombre d’acteurs: Syngenta, Monsanto, qui a fusionné avec Bayer, BASF. »
- Ensuite, on voit les publicités qu’ils ont pu présenter. Puis « Bayer a multiplié les stratégies pour influencer le public en se présentant généralement intéressé par la vraie science et pas par le profit » (13’20). Notez qu’on ne parle pas de publicité, de lancement produit, mais « d’influence ». L’invocation de la « vraie science » est aussi importante à plusieurs égards.
C’est un thème assez récurrent dans les polémiques sur les pesticides: les travaux alarmistes et bancals d’universitaires (ex: la fameuse étude Séralini, Hallman et al. 2017) étant qualifié en substance de science-poubelle. En l’espèce, le journaliste interrogé fonde son allégation sur un clip où Bayer affirme:
« Nous à Bayer, nous venrons des produits de protection des cultures aux agriculteurs du monde entier non parce que nous somme diaboliques, mais parce que, au plus profond de notre esprit scientifique (« deep down in our curious scientific minds ») nous savons que les plantent peuvent tomber malade, comme les humains et que nous pouvons faire quelque chose contre ça. »
Aucune référence à cette notion de « vraie science », ou de rejet du profit. Ils rappellent simplement que les pesticides ont une utilité …
- cela aurait été rapidement un succès commercial, les bénéfices auraient été « immenses pour l’industrie agrochimique » (13’50 »). Le vocabulaire est assez particulier: ils auraient « conquis » l’amérique du Nord dans les années 2000, puis « envahi la planète » (14′). Cette famille représenterait 30% des ventes mondiales d’insecticides et 3 à 4 milliards de dollars.
En moins de 2 minutes, a ainsi été finement posé le cadre pour la suite: des intérêts financier, un oligopole et une « influence ».
I.5. Un insecticide omniprésent
Puis, on retrouve le côté sanitaire:
« On peut trouver des néonicotinoides partout dans le monde: dans une très grande variété de fruits et de légumes: de la vigne aux pommes de terres, de la betterave au maïs et au soja.
Lee Fang, 14’30 »-42″
Mais ils sont aussi utilisés en traitement antiparasitaire, pour le bétail, pour les animaux domestiques parfois. Ils sont parfois utilisés en foresterie, pour traiter les arbres contre certains insectes xylophages. Si bien qu’on en retrouve à peu près partout, y compris dans des zones qui n’ont jamais été traitées.
Stéphane Foucart, 14’43 »-15′
I.6. Des effets sur les organismes non-cibles (Lac Shinji) (15′)
[Cette partie est assez lente, avec beaucoup de grands plans et de passages à faible valeur informationnelle, plutôt destinés à renforcer l’impact émotionnel des informations.]
L’intervention de J-M. Bonmatin amène le fil sur l’impact des NNI sur les organismes non-cibles, comme les oiseaux et les crapeaux. Le narrateur annonce « Ce qui semblait faire la vertu des néonicotinoides, leur efficacité à long terme et à très faibles doses, se révèle en fait une menace pour tous les écosystèmes. »
Ils présentent ensuite le cas du lac Shinji au Japon. Ce lac aurait connu une chute brutale de la quantité de poissons l’année suivant l’introduction de l’imidaclopride dans des rizières voisines. Une étude japonaise imputerait cela au NNI, qui aurait détruit la population de plancton.
Seppi a commenté cette étude ici.
A cette occasion, Scott Black explique que les NNI seraient très hydrosolubles et conclut qu’on en retrouverait « dans tous les cours d’eau » (traduit par le narrateur, mais il dit « most waterbodies »). (18’45 ») La chercheuse japonsaise responsable de ladite étude affirme que « Comme les néonicotinoides sont solubles dans l’eau, ils s’imprègnent aussi dans les plantes aquatiques. Les invertébrés qui se nourissent de ces plantes sont alors empoisonnées. » (19′) Bonmatin conclut : « Les sols sont contaminés, les eaux qui ruissellent dans ces sols sont contaminés et en fait la contamination est généralisée. » (19’14 »)
On note que la chercheuse fait bien référence aux organophosphorés, précédemment utilisés, comme « tuant (directement) les poissons » (20’22 »). Toutefois, c’est effacé par le fil de l’histoire.
I.7. L’impact sur les organismes non-cibles (Seibold et al. 2019) (20’30 »)
Ce passage commence par l’invention d’un consensus scientifique imaginaire:
« Partout sur la planète, les études scientifiques parviennent au même constat: cette nouvelle classe d’insecticides provoque un déclin brutal de la biodiversité. Jusqu’au coeur des zones protégées. »
Il introduit l’étude suivante:
Seibold, S., Gossner, M.M., Simons, N.K. et al. Arthropod decline in grasslands and forests is associated with landscape-level drivers. Nature 574, 671–674 (2019). https://doi.org/10.1038/s41586-019-1684-3
L’un des auteurs, Wolfgang Weisser, présente son protocole. Ils ont étudié la quantité d’insectes piégés entre 2008 et 2017 et auraient trouvé une diminution de la masse d’insectes de 67% dans les prairies. Le narrateur commente : « Pour les scientifiques, la disparition des habitats naturels, couplée à l’utilisation massive des néonicotinoides, a fait chuter la proportion d’insectes dans des proportions jamais vues. » (22’15 »).
L’étude semble beaucoup plus sérieuse que Hallman et al. 2017 (pas difficile), même si elle semble également inconclusive (grosse chute les deux remières années, puis plateau; pas de recherche de corrélation avec l’usage de NNI). Néanmoins, elle ne dit toujours pas ce que les journalistes lui font dire. Tout d’abord, ils ne citent même pas les néonicotinoides ! Même le terme « insecticides » n’apparait que dans l’introduction (pour dire qu’ils ne savent pas!) :
However, we cannot ascertain whether the observed declines are driven by the legacy effects of historical land-use intensification or by recent agricultural intensification at the landscape level; for example, by the decrease of fallow land and field margins rich in plant species, the increased use of pesticides or use of more potent insecticides (Supplementary Information section 3).
p.673
En outre, une baisse très importante est observée pour les forêts ! 41% de la biomasse. C’est évidemment moins vendeur …
I.8. Montée en généralité: la disparition de la biodiversité
Le discours devient plus général à partir de 23′: W. Weisser explique que la disparition d’une espèce est graduelle. Puis, Scott Black affirme : « Etudes après études, après études, après études, et je pourrais continuer comme ça, nous voyons que les insectes déclinent. […] S’il y en a moins, ça veut dire qu’il y en a moins pour polliniser et pour être mangé par les oiseaux. » (23’20 ») Ici le glissement est évident, on essaye de faire passer, par effet d’apposition, les NNI comme responsables d’une baisse globale de la biodiversité …
Intervient alors une autre figure de la pseudo-écologie, Lorenzo Furlan:
« En détruisant toute la faune des insectes dont se nourissent les oiseaux, ils ne trouvent plus à manger. Et les populations d’oiseaux se réduisent. Et c’est pareil pour les chauves souris. Et ainsi de suite, et ainsi de suite. Tout disparait. »
23’55 »
S’ensuit (24’20 ») un passage assez surréaliste, sur fond de musique dramatique (Deis Irae de Mozart?), où un entomologiste nous raconte sa passion pour la biodiversité et nous présente des insectes très originaux et colorés. Puis, il passe un message aux relents antispécistes:
» ‘Cette bestiole-là, elle sert à quoi ? Ca c’est vraiment la question de base quand on a affaire aux insectes. […] Mais, pourquoi est-ce que ces bêtes doivent nous servir à quelque chose pour justifier leur présence ? Comme si nous étions l’autorité suprême qui étions là pour juger les autres formes de vie et dire ‘euh toi, à quoi tu sers ? […] Ca ne me sert à rien, allez tu dégages.’ De quel droit est-ce que nous, on peut se permettre de faire disparaître tout ça. Ces bestioles ont autant le droit que nous de vivre sur Terre … d’un point de vue un peu philosophique, pour moi c’est inacceptable. » (27’50 »)
Vous voyez bien que ce discours ne s’inscrit pas directement dans une continuité logique avec le reste. Il s’agit en fait de monter en généralité, comme si le débat était au fond philosophique. Il y a en outre deux sous-entendus très probables:
- Les insectes seraient nos égaux et il ne faudrait pas utiliser d’insecticides du tout
- l’extinction d’espèces serait le projet sous-jacent aux NN.
II. Un modèle agricole contreproductif
Ensuite, nous est présenté le narratif du modèle agricole industriel qui détruirait les sols, pousserait à la consommation d’intrants dans un cercle vicieux, etc.
II.1. Le principe (28′)
On commence par poser les principes :
« A un moment donné, quelqu’un a décidé que pour être un bon fermier, vous deviez cultiver toujours plus simple et toujours plus gros. La taille des cultures a commencé à grossir pour donner ce qu’on appelle des monocultures. [images avec dizaines de moissoneuses récoltant cote à cote] et en prenant cette voie, c’est là que les problèmes ont commencés. [Roulant le long d’un champs venant d’être moissonné] Regardez ça, mais qu’est-ce qu’ils s’imaginent ? C’est un désert. Ils ont tout tué, il n’y a plus rien de vivant ici. Que du labours et des monocultures. Si nous pouvons changer ça, nous survivrons. Si nous n’y arrivons pas, nous aurons de gros problèmes. »
Jonathan Lundgren 28′
Ici on note des exagérations évidentes: ce qu’il décrit mettrait en danger la survie même de l’espèce. On note également sa conception de la monoculture: l’étendue. A partir d’une certaine taille, une parcelle deviendrait une « monoculture ».
Ensuite, il va sur la parcelle de son voisin, en extrait une motte de terre et commente :
Voilà, c’est ça l’agriculture conventionnelle. [Rq: il montre une culture venant de lever, venant probablement d’être labourée, ayant visiblement des résidus de cultures enfouis] Voilà à quoi ressemble le sol aux Etats-Unis. Il n’y a rien, aucune vie, tout tombe. Quand c’est sec, c’est juste de la poussière. Et la seule manière de faire pousser une plante, c’est avec de la chimiothérapie: fertilisants, herbicides, insecticides.
Jonathan Lundgren 30′
La manipulation me semble assez fantastique: il est évident qu’un sol venant d’être retourné est friable. C’est un peu le principe …. Le film développe ensuite l’effet pervers:
« Plus vous avez de grandes parcelles, plus vous avez des systèmes qui sont mécanisés, qui sont industrialisés et plus vous avez de ravageurs, mécaniquement.
S. Foucart, 30’30
Idem Scott Black: le ravageur aurait des « centaines ou milliers » d’hectares pour s’alimenter. J. Lundgren en rajoute encore dans l’exagération:
« Nous avons créé un système qui est parfait pour les ravageurs. Nous plantons une seule espèce sur des millions d’hectares. Et plus on va dans cette direction et plus on élimine toute la vie sauf une espèce de plante et, ensuite, on doit remplacer tout ce que la vie faisait la vie naturellement, toutes ses fonctions: fertilité du sol, contrôle des ravageurs, sélection naturelle des graines, contrôle des maladies. »
On voit que, dès qu’ils évoquent des chiffres, que ce dont ils pourraient parler ne concerne pas la France. Je ne suis même pas sur qu’il y ait des parcelles de « centaines d’hectares » en France. En outre, je ne crois pas qu’il y ait une culture qui soit cultivée sur « des millions d’hectares » sur la même région, au même moment. Je ne suis même pas sûr que ça concerne les Etats-Unis.
Ensuite une intervention d’une apicultrice présidente d’ONG (on sent l’experte en agriculture …), commençant à dresser le narratif des agriculteurs sous influence [de manière un peu hâtive, déconstruite]:
Et petit à petit, on fait comprendre à l’agriculteur que à telle période il doit utiliser telle substance, à telle période telle substance, et c’est devenu une habitude.
Béatrice Robrolle-Mary, 32’03 »
II.2. Les services écosystémiques des insectes (32’40 »)
Ensuite J. Lundgren va dans son champ, à un stade de culture plus avancé et avec des sortes de pailles. Puis en tire un motte et s’extasie « Oh mon dieu, quelle beauté … un ver de terre ». Il présente cot à cote deux mottes, une qui viendrait de son champs, et une composée essentiellement d’argile, semblant avoir été malaxée (laissant entendre qu’elle viendrait du voisin d’à coté).
Scott Black raconte ensuite son intérêt pour les insectes qui l’aurait poussé à « devenir un écologiste ». (34′) Ensuite J-M. Bonmatin raconte que « la vie sur terre est d’abord représentée par les insectes » (rq: ce qui est absolument faux, les bactéries sont une forme de vie plus primaire et plus volumineuse). (34’20 ») On a ensuite un très bel « épouvantail argumentatif » du chercheur: « On a l’impression que toutes ces petites bêtes, qu’on appelle les insectes il faut s’en débarasser. [rq: personne ne pense ça et surtout pas les agriculteurs] En fait c’est faux, la plupart des invertébrés qui vivent dans le sol nous rendent service, c’est un service gratuit dont on a bénéficié pendant des milliers, des millions d’années. »
On insiste ensuite sur l’importante de la pollinisation. Une Barbara Berardi (Pollinis) affirme « Sans les pollinisateurs, nous n’aurions pas la majorité de la nourriture que nous mangeons. » (35’12 ») Puis complète qu’ils seraient responsables de la reproduction de 84% des espèces cultivées. Ce qui est faux: les cultures dépendantes de la pollinisation sont en fait très minoritaires. Ils reprennent la quantification qu’aurait faite l’IPBES de 500 milliards de dollars pour la valeur de ce service.
Ensuite, ils partent sur divers autres effets écosystémiques d’insectes, puis les intervenant (Bonmatin, Black, ) dramatisent. Le premier affirme que si les insectes s’effondrent, c’est comme si le premier étage d’un chateau de tâche, en haut duquel nous sommes, s’effondrait. Le second mobilise cette exagération pour pousser sa solution:
« Je pense que nous allons tout droit vers une catastrophe. Nous sommes nombreux dans ce domaine à dire que nous devons penser l’agriculture différemment. »
37’50
Ho la belle transition.
Dans cette partie, est ancrée l’idée que les néonicotinoides mettraient en péril les insectes en général. Le dispositif narratif exagérant de manière délirante les données, plutôt cachée en général dans les articles du journaliste, est ici explicité clairement.
II.3. Des pesticides inefficaces (38′)
Ensuite est montée en épingle la « solution » proposée par Lorenzo Furlan: ne pas utiliser de traitements ! Il aurait fait des essais à grande échelle et montré que les parcelles non-traitées donnaient plus que les parcelles traitées. Incroyables non ?
Non, c’est du foutage de gueule. Il y a une quantité phénoménale d’essais agronomiques faits chaque année (milliers ? dizaines de milliers ?) C’est exactement comme un « ingénieur » qui prétendrait avoir inventé le moteur à eau. Ils capitalisent simplement sur l’absence de culture de l’auditeur et le fait qu’on ne puisse pas vérifier la légitimité de ses allégations. Ensuite, il précise « la graine qui n’est pas enrobée va donner une meilleure performance quand elle est toute nue, quand elle n’a rien qui la dérange. » Donc quand il disait « non-traitées », cela signifiait « non traitée avec des NNI, mais c’est ok pour les organophosphorés » ? Vous voyez la puissance de ne donner aucune trace, aucune précision.
Il faut savoir que les NNI ne sont pas toujours utiles et c’est pour ça qu’ils ne sont pas toujours utilisés. [Rq: demanière très amusante, son sol à 40’31 » a l’air encore plus argileux et peu fertile que celui que J. Lundgren présentait comme « ce contre quoi il se battait »]
Ensuite il explique un procédé pour vérifier la présence de ravageurs comme si c’était révolutionnaire (rq: les agriculteurs utilisent souvent de tels dispositifs, notamment les « cuvettes jaunes ») et la parole passe à S. Foucart:
Dans 95% des cas, ces produits ne servent à rien, parce qu’il n’y a pas les ravageurs contre lesquels ils sont censés lutter sur les parcelles traitées
41’35 »
C’est de la désinformation. Cela a d’ailleurs été parfaitement démontré il y a deux ans, quand une infestation de pucerons a ravagé les betteraves françaises.
Furlan élabore sur ce thème, puis Black part dans des considérations philosophiques absurdes: « Je pense que le problème des pesticides, c’est qu’ils nous ont permis d’avoir l’esprit tranquille. On n’a plus à se demander quel ravageur pourrait surgir, il suffit de mettre des produits chimiques pour tous les tuer. » (42’06 ») Arrive le thème de l’assurance, d’usage prophylactique (Furlan, Bonmatin et Foucart). Utiliser les NNI, ce serait comme utiliser tout le temps, automatiquement des antibiotiques, ce qui entrainerait des résistances, etc. Au risque de me répéter, ce thème de l’utilisation systématique des NNI est de la désinformation.
Cette désinformation consiste à présenter une vision caricaturale de la prévention, alors que c’est souvent ce qui est le plus efficace: pensons aux vaccins (et que les antivaxx font justement parti des courants proches de la pseudo écologie …).
II.4. Le mythe de l’assurance de Furlan (43’40 »)
Lorenzo Furlan raconte ensuits son histoire d’assurance, que j’ai déjà présentée dans cette page (en bas). Il aurait vendu une assurance aux agriculteurs pour qqes €/ hectare en échange de ne pas utiliser de NNI et montré que les agriculteurs y ayant souscrit n’auraient pas eu de perte. En bref:
- Il n’a pas publié ses résultats dans un article dédié.
- Il la présente à la volée dans un autre article et ce qu’il présente n’a aucune portée: les agriculteurs concernés auraient pu utiliser d’autres pesticides, ces quantifications sont absurdes et non démontrées …
- On peut même se demander où est l’arnaque au regard des chiffres avancés: son assurance prétendait couvrir, en plus des dégats de ravageurs, des risques les risques liés aux intempéries, à la faune sauvage (sangliers, corbeaux), se produisant entre le semis et les 10 premières feuilles (46’30 »)
J. Lundgren commente pourtant:
Ils remplacent des insecticides par une bonne gestion. Ils remplacent des insecticides par de la vie sur leur ferme. En faisant ça, ils se sont rendu compte qu’ils n’avaient plus besoin d’insecticide. Ce n’est pas une décision idéologique pour ces hommes et ces femmes, c’est une bonne décision économique. »
45’40 »
On voit ici clairement que cette personne n’est pas là pour dire la vérité, mais pour porter un message désinformatif.
II.5. Le mythe des agriculteurs sous influence (47′)
C’est aussi lui qui fait la transition:
« Pourquoi ces produits chimiques sont-ils en vente libre. Pourquoi les fermiers les utilisent-ils ? Cela s’explique par les relations personnelles »
46’53 »
Il apporte également la réponse: « C’est parce que l’industrie chimique a implanté dans chaque communauté agricole un représentant, un vendeur. En réalité, l’immense majorité des techniciens qui rentrent dans les fermes sont des techniciens qui vendent quelque chose. » (Furlan, 47’10 ») Notez l’agent (l’industrie chimique) et le terme (implanté). On entre doucement dans une rhétorique complotiste.
« Et ces gens dans les coopératives, ce sont des conseillers en semences et ce sont des gens en qui tout le monde dans la communauté agricole a confiance, car ils ont grandi ensemble.
J. Lundgren 47’22 »
On y entre encore un peu plus: le fil du discours sous-entend l’image du membre de la communauté dévoyé par l’agent extérieur. En outre, il n’apporte aucune source à ses allégations. Ce passage se clot avec ce commentaire:
« On a semé dans leur esprit l’idée que produire sans recourir à la chimie de synthèse est une utopie. »
B. Robrolle-Mary, 47’35 »
C’est le narratif selon lequel les agriculteurs seraient sous influence de l’industrie agrochimique par l’intermédiaire des conseillers techniques et des vendeurs, etc. J’ai déjà décrit cette désinformation de neutralisation de la parole des agriculteurs. On note l’évocation du thème de l’addiction : « Plus vous en consommez, plus il vous en fait. Et à qui profite cette addiction. Pas à celui qui est dépendant, et aujourd’hui les fermiers sont à croc. Mais à ceux qui vendent la drogue. » ( Lundgren, 47’40 »)
Toutefois ce n’est que le début. Puisque la cible, c’est évidemment l’industrie.
III. La diabolique industrie agrochimique (48’05 »)
III.1. Désinformation anticapitaliste
Cette partie commence avec S. Foucart faisant une allégation en appelant au bon sens:
« Quand vous avez des industriels qui sont aussi puissants que Bayer, que Syngenta, que BASF et qu’ils vendent un produit, croyez-moi, ils ont la force de vente pour parvenir à écouler leur produit. Pas parce que le produit est particulièrement nécessaire ou utile, mais parce qu’ils veulent le vendre. »
48’20 »
On voit dans ce passage à quel point la neutralité feinte (avec brio) par le journaliste est importante: il peut présenter cette idée comme crédible (ne peut-on pas le croire ? Après tout, il est journaliste, publié par le Seuil, dans un documentaire ARTE … C’est bien non ?) alors qu’elle est complètement idiote. Par exemple, BASF est valorisé en bourse à 38Md d’euros, Bayer à 54.20, contre 1160 pour Amazon, 746 pour Tesla ou même 164.77 pour Nike (16/07/2022) … Ce sont de très grosses entreprises, mais loin d’avoir une position de toute puissance comme le laisse entendre le journaliste: tout le monde n’a pas de Tesla, tout le monde n’a pas de Nike, tout le monde n’achète pas tout sur Amazon, etc. Il est dans la pure invention, dans la diabolisation des industriels.
Lee Fang va continuer avec une analyse économique « de haut vol »:
« Ces entreprises qui produisent des néonicotinoides ont une obligation de maximiser leurs profits. Que ce soit de petits actionnaires ou de fonds de pension. En raison de la pression des investisseurs, de cette obligation de produire des dividendes, les entreprises se voient obligées de continuer de vendre des produits comme les néonicotinoides. »
48’52 »
Il n’apporte aucune élément étayant ses allégations, qui visent en fait l’intégralité des entreprises. Les directions sont toutes soumises au capital, dont le principe est de maximiser les profits. Sauf que ce n’est pas si simple en pratique. Tout d’abord, il faut raisonner à long terme: risquer des sanctions ou un discrédit est une perte pouvant être énorme.
Toutefois, avec cette interprétation malhonnête des mécaniques de fonctionnement des entreprises, le journaliste, dont le manque d’intégrité est ici clairement révélé, construit la désinformation anticapitaliste: les agriculteurs seraient sous influence d’une industrie qui serait elle-même soumise aux « règles du capitalisme ».
49’28 » : répétition de la désinformation sur l’usage des NNI par Foucart (« tout le monde traite de manière préventive »)
Ah, un nouveau visage ! Un écotoxicologue, « Carsten Brühl, écotoxicologue à l’université de Landau », encore une personne ne faisant pas partie de l’industrie agroalimentaire qui nous partage ses profondes considérations sur le fonctionnement de cette dernière:
C’est un système qui a été mis en place il y a très longtemps, qui est maintenant tellement complexe que vous ne voulez rien changer, car tout le monde gagne bien. L’agriculture rapporte gros.
49’36 »
III.2. Rétrospective historique
La narrateur apporte une précision importante: « Ce système agroindustriel est hérité de la 2e guerre mondiale » (50′), puis Béatrice Robrolle-Mary, rappelons le « apicultrice » dirigeant une ONG, nous livre son interprétation de l’histoire:
A partir de 1945, c’est la fin de la guerre et il y a des stocks. C’était des stocks de phosphates, de nitrates, et on a utilisé tout ça, parce qu’on ne savait plus quoi en faire. Et puis comme il faut nourrir les populations, réagir d’urgence, c’est devenu les nouvelles bases, le nouveau fondement de l’agriculture.
50’15 »
C’est parfaitement faux historiquement: l’utilisation massive d’engrais azotés (guano notamment), phosphaté ou de potasse avait commencé dès la fin du XIXe siècle. L’azote de synthèse, lui, avait déjà commencé à se développer entre les deux guerres.
La réplique suivante, de S. Foucart, est intéressante:
C’est quelque chose qui commence parce que les chimistes ont aussi développé des gaz de combats, qui sont des gaz neurotoxiques, qui vont être réutilisés, réadaptés pour lutter contre les ravageurs, contre les insectes.
50’43 »
Il insiste donc sur l’idée que la chimie contre les insectes a commencé à la fin de la seconde guerre.
Plus largement ce rattachement entre chimie de guerre et chimie agricole est un pan très important du narratif agribashiste. C’est néanmoins complètement idiot: les terribles insecticides ont notamment permis de remplacer des pesticides bien plus toxiques, comme ceux à base d’arsenic.
Vous aurez compris, il y a une réécriture de l’histoire terrifiante
Ils parlent ensuite du DDT (51’50 »), présentent son utilisation disons généreuse (ils en aspergent un peu tout, jusque dans les rues)
Commentaires
{Je complèterai cette partie au fur et à mesure}
Les intervenants ne sont pas nommés (ou je l’ai loupé), mais on en reconnaît plusieurs :
- Scott Black, « conservationniste à la Xerces Society »; présenté comme « dirigeant la plus grande association de protection des insectes en Amérique du Nord, 33’48 » (apparait à 4’20 », 33’50 »
- Wolfgang Weisser, professeur d’écologie terrestre (10′)
- Jean-Marc Bonmatin, présenté comme « spécialiste de l’action des pesticides sur les insectes » (6’28, 6’48, 7’10 », 8’33, 15′)
- Lee Fang, journaliste à The Intercept (
- Lorenzo Furlan, ingénieur agronome « directeur de recherche agricole pour la région Vénétie » (23’58 »)
- Jérôme Constant, Taxonomiste à l’Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique (24’50 »)
- Jonathan Lundgren, Entomologiste [rq: n’exerce pas actuellement, dirige la ferme « Blue Dasher Farm » 28′] (28′
- Béatrice Robrolle-Mary, Apicultrice, présidente de l’ONG Terre d’abeilles (32′ , 35’30 »
- Barbara Berardi, « Spécialiste pesticide », ONG Pollinis (35’12 »; 35’45 »
- Carsten Brühl, écotoxicologue à l’université de Landau (49’35 »
Les rares personnes ne s’inscrivant pas dans le storytelling promu par les réalisateurs sont :
- Christophe Boizard, agriculteur (I.3., 9’09 »,
- Shinzo kagabu, ancien salarié de Bayer, qui aurait inventé l’imidaclopride en1985 (I.5. ;
La partie I.3. est particulièrement intéressante: il
Les auteurs exploitent ainsi à fond et de manière brillante leur prétention à la neutralité, à la sincérité.