Greenpeace, Pouyanné, diabolisation (24/05/2024)
Greenpeace a fait aujourd’hui une manifestation au siège de Total Energies alors que se tenait l’assemblée générale. Cela a été l’occasion d’une opération de diabolisation qu’il faut commenter ici.
Commençons par l’affiche.
Une affiche pour une chasse à l’homme
Total est l’un des « diables » de la mythologie pseudo-écologiste, c’est l’objet d’un dénigrement assidu de la sphère pseudo-écologiste.
L’attaque devient néanmoins vraiment perturbante quand on a lu la publication de Impact d’Olivier Norek, dans lequel un écoterroriste, présenté sous un jour très positif, se met à chasser des cadres du monde des affaires à commencer par … le patron de Total. Il demandait une rançon de 20 milliards d’euros, qu’il restituerait si ses demandes étaient remplies. Le livre était déjà perturbant, car il fait clairement l’apologie du terrorisme. C’est un pamphlet plus qu’un roman, l’essentiel du texte consistant simplement à débiter un discours politique.
Néanmoins, certains vont sans doute répondre que ce livre, très populaire dans la sphère pseudo-écologiste, n’engage que son auteur, révélant ainsi une des grandes forces du lobby pseudo-écologiste : sa nature décentralisée.
Toutefois, cette affiche y fait tristement écho.
On y fois en effet la photo du PDG de Total, Patrick Pouyanné, sur une affiche « Wanted », stylisée comme les affiches dans One Piece, avec en texte : « La société civile recherche le dirigeant de l’entreprise française la plus polluante qui se fait des milliards au détriments de la planète et des populations. Si vous avez des informations, surtout ne contactez pas le gouvernement, c’est son principal complice. » et 20 milliards d’euros en prime, référence au bénéfice de l’entreprise.
On retrouve la prétention autoritariste à incarner « le peuple », ici « la société civile », ainsi qu’une logique complotiste : le gouvernement serait le « complice » de Total. On est dans la diabolisation la plus pure.
Le thread de Greenpeace
Greenpeace a ajouté un thread développant ses critiques.
On retrouve la rhétorique anticapitaliste « à l’ancienne », les présentant comme des « profiteurs », sans qu’il soit précisé en quoi l’action de Total causera la précarité énergétique.
Ces profits seraient également « au détriment du climat », parce que Total resterait « une entreprise du pétrole et du gaz », car le pétrole représenterait plus de 98% de la production d’énergie de l’entreprise et 70% de ses investissements.
Ce choix d’indicateur interroge : en effet, tout d’abord, le métier principal de TotalEnergie n’est pas la production d’énergie, mais la production / raffinage de pétrole et, dans une moindre mesure, la fourniture d’énergie. Surtout, ils évoquent « 70% » des investissements vers les énergies fossiles. C’est en fait relativement peu et, si elle consacre 30% de ses investissements à une activité qui ne représente qu’une petite partie de son chiffre d’affaires, cela traduirait un changement d’orientation et il est potentiellement majeur. Surtout, l’entreprise semble avoir une place centrale dans la production d’énergies renouvelables :
Et selon le classement du cabinet Mercom, elle est le plus grand développeur d’énergie solaire au monde. Elle a consacré 2 milliards d’euros aux ENR en 2020, 3 milliards en 2021, 4 milliards en 2022 et 5 milliards en 2023, soit un tiers de ses investissements, montant reconduit en 2024.
Christine Kerdellant, TotalEnergies : pourquoi tant de haine ? , Les Echos, 18 mars 2024
Est-ce que les militants sont vexés qu’une entreprise fasse plus pour la planète qu’eux ?
Surtout, cela illustre le fait que l’écologie politique n’a rien d’écologique et tout de politique. En effet, leurs actions se font au préjudice du grand groupe énergétique le plus en avance sur le sujet, favorisant leurs concurrents qui investissement relativement moins que le géant français.
On retrouve ensuite le thème où « ils savaient« , évoquant un rapport produit par les scientifiques de Total Energie en 1971.
Il est intéressant de se rappeler que, jusque dans les années 90-2000 (et même après en creux), les écologistes pronaient le gaz en alternative au nucléaire.
Une attaque efficace
Les tweets de militants illustrent l’efficacité de la démarche et la logique putschiste, autoritaire, se cachant derrière.
Manifestation sauvage et victimisation
Comme souvent, les manifestants se sont mis en position d’être interpelés pour pouvoir, ensuite, se plaindre d’être interpelés. La victimisation, ici, a joué à fond, mobilisant des dizaines de politiciens.
La manifestation, présentée comme « pacifique », s’est faite par une intrusion violente.
On note sur leurs photos des dégradations, notamment avec des logos Extinction Rebellion et des tags « Total Assassin », qui s’inscrivent dans la diabolisation et m’évoquent, encore, le livre Impact.
Ils ont eu le concours de la députée La France Insoumise Manon Aubry (qui tente peut-être de revenir dans sa campagne, dont elle me semble avoir été un peu éjectée par son management). Elle s’est effectivement victimisée de l’intervention des forces de l’ordre. (voir ci-contre) Sandrine Rousseau, David Cormand, Sagaspe Chloé et Nour Durand-Raucher, politiciens EELV, seraient également présents.
La victimisation culmine avec le compte du parti LFI qualifiant l’interpelation d’une des politiciennes présente comme d’un « scandale », s’insurgeant que le droit commun s’applique à ses membres (et rappelant sa logique putschiste : la « vraie République, c’est eux).
Cette rhétorique putschiste est aussi présente dans le tweet du dirigeant, Jean-Luc Mélenchon, qui en profite pour encourager la participation à ces actions. En effet, ils ont besoin de chair à canon pour être violentée par les policiers pour pouvoir, ensuite, s’en plaindre.
Se sont également indignés sur ce sujet les cadres du parti (Thomas Portes, Manon Aubry, Bastien Lachaud, ), des députés (Nadège Abomangoli) les médias du Parti (LFI 10e, l’insoumission, ) des politiciens plus secondaires (Vianney Orjebin, Nordine Raymond, candidat aux européennes, Amine Soussi (assistant parlementaire), Aurélien Le Coq, coanimateur des jeunes insoumis ), des alliés (Partie de Gauche, et divers particuliers (1, 2, William Aucant qui a été à la convention citoyenne, 3). Attac France, qui semble présent, rapporte les événements et rapporte le nassage et l’interpellation « de plus en plus d’activistes », commentant « Pendant ce temps, Total peut continuer en toute impunité son activité climaticide. »
Il est intéressant de voir comment tout cet écosystème (LFI – Greenpeace – Attac) agit de concert, comme s’il s’agissait d’un seul organisme. On voit bien aussi comment les sphères pseudo-écologistes et anticapitalistes sont intriquées, tant qu’il est difficile de les distinguer.
La victimisation ne s’arrête pas à eux d’ailleurs. Le tweet de Claire Nouvian, directrice de Bloom, est d’ailleurs assez immonde, accusant d’inversion victimaire en pratiquant une inversion victimaire.
Le lendemain, les verts ont rajouté une couche autoritariste, jugeant que la réponse policière à leur action violente était « antidémocratique » :
Epilogue : la libération pour construire le narratif
La manipulation est encore plus ahurissante après coup, lorsque les personnes interpelées sont libérées. En effet, cela va être présenté comme une victoire (stricto sensu, les députés LFI répètent ce mot), conclusion de leurs efforts (implicite pour les uns, explicite pour Clémence Guetté).
En effet, ils auraient été libérés de toute façon et rien ne laisse penser que leurs efforts aient quoi que ce soit à y voir.
Cette réécriture permanente de l’histoire est importante pour alimenter le thème de la lutte victorieuse, centrale pour mobiliser les militants. Cela permet à ces derniers d’être (pour une fois ?) dans le camp des vainqueurs. C’est une économie de la frustration.
Enfin, cela se conclue avec une sorte de sitting et une danse avec de la musique.
Encore une fois, cet aspect festif des manifestations, pour euphéminser la violence et créer du lien, rendre l’engagement ludique, est un des aspects de la pseudo-écologie.
On n’attrape pas les mouches avec du vinaigre …