Impact d’Olivier Norek: une apologie de l’éco-terrorisme ?
Les discours dans les sphères militantes diffèrent souvent des discours publics. Le livre d’Olivier Norek nous l’illustre bien. Populaire dans le milieu militant, c’est un livre qui peut se lire comme une apologie du terrorisme. C’est d’autant plus marquant que l’auteur a été militaire et policier. Nous y reviendrons.
Commençons par présenter le déroulé de l’histoire qu’il présente.
Le déroulé
Introduction: La création de Solal
L’histoire commence dans le delta du Niger « route des oléoducs ». Solal est un militaire français dont la mission ici est de récupérer des « missionnaires » d’Amnesty International, dont une française qui l’aurait « obligé » à faire ce trajet, dans le village de « Goï », qui serait touché par des marées noires (p.17).
Le décor est apocalyptique: « Il faisait aujourd’hui quarante-six degrés, une température inédite, même pour ce coin de l’Afrique, et le commandant Solal était donc à quatre degrés de crever de chaud. Littéralement. » (p.16) « Depuis cent kilomètres, le décor n’avait pas changé. […] Si l’on osait baisser le regard, il n’y avait là que de la terre noire et boueuse imbibée de pétrole brut échappé des oléoducs vieillissants, rongeant la base des arbres baignés par de petites rivières … » (continue sur plusieurs paragraphes). (p.16-17) Le ton aussi accusateur: « La marée noire ? Vous parlez de laquelle ? Il y en a eu plus de quatre mille dans ce delta. Le peuple ogoni ne sait plus où aller. Entre les exploitants prétroliers locaux, Shell ou ENI qui déversent leur saloperie, les Niger Delta Avengers qui sabotent les infrastructures, la police et l’armée corrompues, ils n’ont plus personne vers qui se tourner. » (p.18)
Il est d’abord froid, répondant à l’humanitaire: « Chacun ses responsabilités. Je ne suis pas venu pour sauver le Nigeria, je suis là pour ramener votre cul en zone sûre à l’ambassade d’Abuja. » (p.18). Néanmoins elle insiste pour qu’un « groupe de villageois » soit relocalisé dans un bidonville à soixante kilomètres. On continue dans la description apocalyptique: « Ce sera toujours mieux qu’ici. Les poissons crèvent, ce qui sort dela terre est déjà presque mort et l’eau des puits est empoisonnée par les métaux lourds. L’air est tellement pollué qu’il provoque des pluies acides qui trouent les toits en tôle et transforment la roche en poussière. Vous pouvez imaginer ce qu’elles font sur leur peau. Le delta est un des premiers endroits du monde où la vie a tout simplement disparue. » (p.19)
Évidemment le déplacement des villageois est aussi présentée sous des traits très négatifs: « Rudoyés, les trois cents habitants de Goï furent chargés comme du bétail, poussés à la crosse de fusil, bousculés aux poings. » (p.19) Idem p.20. Au passage, les villageois sont présentés, encore, sous des traits apocalyptiques: « Il remarqua d’abord cet enfant aveugle, porté par sa mère, et dont les yeux blanchis ressortaient plus ardamment sur sa peau noire. Un autre tenta de monter les marches métalliques au cul du camion,, mais ses jambes et ses bras, pris de tremblement incessants … » etc.
Le portrait de Solal reste froid, pour marquer le contraste avec la suite: « Solal les regarda faire sans vraiment regarder, pour que les images n’aillent pas de ses yeux à son cerveau, et de son cerveau à son âme. Ne pas réfléchir. Ne pas se souvenir. … » (p.19)
L’humanitaire française l’amène ensuite plus loin, voir un « cratère profond, remplis à ras bord de cadavres ». Je ne détaille pas, c’est une description immonde pour enfoncer le clou « Des dizaines de décès par semaine et par village ». Il y aurait beaucoup d’enfants, ce qui fait craqueler le masque de Solal: « Insidieusement, la réalité crue rongeait Solal. Il posa une question qu’il se maudit d’entendre et dont il ne voulait déjà plus écouter la réponse. – Pourquoi autant de gosses ? » La réponse est encore une description apocalyptique que l’auteur conclut, reprenant un fameux trope anticapitaliste: « L’image d’un vampire géant, insatiable, courbé au-dessus de ce point de l’Afrique, aspirant d’un coup quarante-cinq millions d’années à une seule et même population alimenta l’écoeurement de Solal. » Elle demande que le trou soit couvert pour éviter la diffusion de maladies, ce qu’accepte Solal. Ils ont au final brulé les cadavres.
Le chapitre se finit avec un coup de téléphone annonçant à Solal qu’il rentre en France, sa femme accouchant. Je ne détaille pas, le chapitre fait l’ascenceur émotionnel: le bébé sort, mais ne respire pas (« l’air ne passe pas, comme si les poumons étaient collés »).
Partie 1: Assassinat du patron de Total
Le prélude: l’introduction de Diane (p.26-39)
On commence par introduire le personnage de Diane Meyer, super psychologue profiler un peu bizarre, « agoraphobe », « entre autres », avec des « manies ». Elle est amenée au Quai d’Orsay par son futur binome, le capitaine Nathan Modis, pour aider dans le cadre d’une prise d’otage du PDG de Total. Le kidnapper les oriente vers un site de rencontre pour le contacter. Le PDG se trouve dans un cube en verre de 3m rattaché au pot d’échappement d’une voiture. La suite porte sur l’interaction entre les policiers et la psychologie et le profilage. Elle explicite la symbolique « Là nous avons le PDG de Total, menacé d’être asphyxié par sa propre essence. Cohérence, je disais. C’est un tableau. Les choses sont à leur place. » (p.39)
Il n’y a pas grand chose à relever (p.26-39) à part ce passage assez inutile, sauf pour flatter la fibre anticapitaliste:
- « – En général, ils se font toujours choper. Surtout si l’on s’en prend au patron d’une des sociétés les plus importantes du pays. Nos moyens seront illimités
- – Toutes les victimes n’ont pas le droit à la même police ? le taquina Diane.
- – Ni à la même justice, ni aux mêmes vacances, ni aux mêmes écoles. » (p.37)
L’action est entrecoupée par une scène entretenant le thème apocalyptique développé autour du Niger. En deux mots: une tempête de grêlons de la taille de « boules de pétanques ». Des jeunes sont blessés, puis une adolescente en prend un derrière la nuque et décède. (p.41-45) Cela permet d’entretenir le narratif « le dérèglement climatique tue », qui va contribuer à la diabolisation des victimes du kidnappeur.
Le réquisitoire (p.45-50)
Ensuite, on retourne à l’intrigue avec une discussion entre le ravisseur et le président de Total. Ce dernier est présenté sous des traits évidemment antipathiques: il commence par rouler des mécaniques (« Balancez les clés les clés par une ouverture du plafond, partez et on en restea là. »), promet de ne pas le poursuivre, supplie, puis, face à l’échec, « redevient ce qu’il était » en disant « Allez vous faire foutre ». Le kidnappeur lui fait voir une vidéo: une conférence de l’ancien dirigeant de Total. Ce dernier y présente, avec une « voix presque amusée, un ton jovial », « leur » scénario: « Il ne fait passix degrés. Il ne fait pas deux degrés non plus parce que qu’on ne peut pas être trop pragmatiques. Il doit plutôt faire trois degrés, trois degrés et demi. » L’auteur conclut: « La vidéo s’arrêta sur le visage satisfait d’un homme qui venait d’annoncer, avec le plus bluffant des naturels, un business plan qui consistait en une participation active à la destruction du monde. » (p.47) Rien que ça … Notez le « Il ne fait pas deux degrés non plus parce que qu’on ne peut pas être trop pragmatiques. » qui porte la revendication de la pseudo-écologie à la « vraie » rationnalité.
Le réquisitoire continue, visiblement le kidnappeur est super intelligent et sait tout ce qu’il aurait fallu faire: « Il y a sept ans, au moment de cette conférence, une augmentation de seulement un degré et demi était encore envisageable, mais il aurait fallu pour cela accepter d’aller contre votre nature. Il aurait fallu accepter de laisser dans nos sols un tiers des réserves de pétrole, la moitié des réserves de gaz et plus de 80% de nos réserves de charbon. Comment vous faire comprendre cela ? » La question en conclusion reprend un autre discours pseudo-écologiste: soit vous refusez le dogme par ignorance, soit par malveillance.
Lorsque l’industriel évoque le développement d’énergies renouvelables, le kidnappeur le coupe « Ta gueule », prétendant que c’est un mensonge, 90% du chiffre d’affaires de Total provenant encore des combustibles fossiles. Puis il anticipe: « Allez-vous prétendre à votre tour que le réchauffement est dû aux consommateurs de pétroles et non pas à vous, qui ne faîtes que le produire ? » L’auteur n’avait visiblement pas d’idée pour démonter cet argument, puisqu’il se contente de cela pour l’évacuer.
La diabolisation continue, l’industriel étant accusé de « se moquer des conséquences », comme si « quelque part, cachés sur la Terre, vous attendaient un drôme d’air pur pour vous et votre descendance, une ville souterraine privée ou un vaisseau prêt à vous emporter vers une planète B. […] Du pétrole, du schiste, du gaz fossile, plus c’est sale, plus vous gagnez d’argent. […] Vous gangrenez la planète dans plus de cent trente pays différents, bien installés dans votre indifférence, à observer votre système de destruction durable. » (p.48) Il est relancé face à l’objection « Nous ne sommes pas les pires. » sur plusieurs paragraphes, allant crescendo dans le pathos et le délire accusatoire:
« je me demande si vous les voyez, dans votre miroir, à chacun de vos matins, les cadavre des neuf millions de morts annuels par la pollution. Pollution de l’air, des sols. Vingt-cinq mille morts par jours qui hurlent dans votre reflet. Mais surtout, comment ne vous vient pas l’envie de vous tirer une balle dans la tête, à chacun de ces matins, quand vous réalisez quel sera votre héritage. Qui peuvent bien être vois amis ? Comment votre femme ou vos enfants réussissent-ils à distinguer l’assassin du mari ou du père ? Comment quelqu’un de sensé peut-il vous aimer ? » (p.50)
Néanmoins, il a une option, « un scénario dans lequel » il rentre chez lui: il doit « Changer. Radicalement. »
Nous verrons que cette phrase est en fait d’une hypocrisie absolue, puisque aucun choix ne lui sera proposé, il sera entièrement soumis à la décision de son entreprise.
Le premier contact (p.51-60)
Arrive le premier contact entre les policiers et les kidnappeurs. Il y en effet plusieurs, avec des masques de panda (original …) avec une balafre rouge sang sur la joue. Le principal apparaît visage découvert. « A visage découvert par ce que je ne suis pas important. Je n’agis pas pour mon intérêt, donc mon devenir m’importe peu. » Cette prétention au désintéret est un des principaux leviers de la pseudo-écologie.
On a le droit à un autre discours alarmiste sur le réchauffement climatique, autour d’une allégorie avec une grenouille: si vous la plongez dans une eau à 40 degré, elle fera tout ce qui est en son possible pour s’enfuir, mais « recommencez l’expérience dans une eau à quinze degrés, réchauffant doucement d’un demi-degré par minute. La grenouille aura tout le temps de s’habituer, jusqu’à mourir de chaleur, sans même avoir essayé une seule fois de se sortir de là. […] – Nous serions les grenouilles ? demanda la psy. Exact. – Et le bocal, notre planète. » Puis il repart en vrille : « Imaginez que nous ayons découvert ce matin, sans avertissement aucun, l’extinction massiev des espèces animales, l’explosition de la mortalité infantile, l’anéantissement des grandes forêts, la fonte des glaciers, la raréfaction de l’eau potable, les tempêtes, les inondations et les étés qui se transforment en mortelles canicules. N’aurions-nous pas été assez terroriés pour décider d’agir vite sans aucun délai ? […] J’ai donc décidé de provoquer un chox. D’ébouillanter les consciences, en quelque sorte. » (p.54-55)
Ensuite, un autre focus sur le PDG, « une rage patiente dans les yeux », imaginant « le moment où toute cette opération allait s’écrouler et savait qu’alors, son pouvoir, ses accointances et son argent feraient de la vie de son geolier un enfer. » (p.55-56) L’auteur applique la stratégie du relativisme, pour modérer la gravité de l’acte du ravisseur.
Le kidnappeur repart ensuite sur un autre discours alarmiste, évoquant notamment les migrations de masse, puis se présente comme le groupe « Greenwar » (sans doute en contraste avec Greenpeace, malin) et annonce la rançon à 20 milliards d’euros, qui seraient restitués par paliers de 5md: arrêter les projets non commencés, l’extraction de pétrole bitumineux, les importations de gaz de schiste et créer une fondation pour la recherche sur les énergies renouvelables. [il s’agit de ce que j’appelle le registre des pseudo-alternatives]
Le PDG rétorque que les ENR ne sont pas prêtes, que ce n’est « qu’un utopiste », ce que nie le criminel: « Je n’ai rien d’un utopiste. Et je connais les faiblesses des énergies renouvelables. » Il évoque l’intermittence des éoliennes et le besoin en métaux du photovoltaïque [ah il est pas intermittent lui ?], puis se défausse: « Vous avez bien relevé tous les défis de votre époque. » Yaka … Enfin le PDG allègue que la somme est impossible à réunir, ce que nie le kidnappeur. Le passage est intéressant d’ailleurs, évoquant la dimension universel de la pseudo-écologie et sa capacité à mobiliser des forces diverses: « Mes soldats viennent de tous les horizons, de toutes les classes sociales, de toutes les professions. » (p.59)
Intermède (61-99)
L’entretien avait en fait été rediffusé sur les réseaux sociaux. La psy déclare « C’est un désobéissant … », puis confirme la prétention à l’altruisme du kidnapper: « Il n’agit pas pour lui, mais pour une justice qu’il pense bafouée. Tenter de le profiler n’est donc probablement pas utile. » (p.63), un peu comme si son prétendu altruisme était un super-pouvoir qui l’immunisait au profilage. La suite du passage discute pourtant la psychologie du personnage.
Un autre passage sans lien avec l’histoire: une rencontre entre un sous-marin et le « continent de plastique ». (p.67-72)
Il y aurait des manifestations de soutien avec des militants mettant le masque de panda. On apprend que « Mais voter une fois tous les cinq ans ne constitue pas une démocratie et puisque personne ne la lui demandait, ce soir, une partie du peuple donnait sa voix. » (p.73-74) C’est l’occasion de donner la parole à des militants. Une reprend les thèmes classiques d’extrême gauche: « Les fouvernements succesifs n’apprennent rien de leurs fautes […] réforme des retraites: police dans la rue. ZAD: police dans les champs », réforme du baccalauréat, immigration, manifestaitions féministes, etc. Un second nous propose une inversion victimaire: « Le type, on lui donne la possibilité de sortir de sa cage et de passer d’assassin à héros national. » Un autre, avec un tshirt « Je suis Greenwar », se prévaut de l’article 35 de la DDHC: « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. » (p.75) Les réseaux sociaux seraient à 60% en faveur de Greenwar. « Les gens sont devenus des bourreaux et chacun participe à ce tribunal populaire, bien planqué derrière son écran. » (p.76-77)
On apprend enfin que le kidnappeur était Solal, le militaire de l’introduction. Après la mort de son enfant, il aurait été identifié dans plusieurs groupes de « désobéissance civile »,« comme Extinction Rébellion et une fois sur un bateau de Sea Shepherd ». XR est présenté au passage comme « non violent » … (p.79)
La psychologue et son chaperon (Modis) vont en hélicoptère trouver la femme de Solal en Aveyron. Quand ils arrivent, elle l’attend, commentait « Virgil l’avait prévu. Virgil prévoit tout. » (p.83) Quand Diane demande si elle approuve, elle répond une superbe inversion accusatoire: « Et vous ? Vous êtes d’accord pour protéger un homme à latête d’une entreprise qui amasse des dizaines de milliards en se foutant complètement du désastre humain qu’il provoque ? Qui est le vrai criminel dans cette histoire ? » (p.84) Ils enchainent ensuite sur la narration des raisons du décès de leur enfant: ils vivaient « dans un appartement coincé entre les voies sur berge, le périphérique et de nombreux fabricants de ciments. L’organise censé protéger le foetus avait donc absorbé le CO2 des voitures à essence, le dioxyde d’azote des diesels, mais aussi toutes les poussières de benzène, d’ammoniac, de zinc et de monoxyde de carbone issu de la combustion du pétrole, du charbon ou des pneus dont on se sert pour la combustion du ciment. Il fallait y ajouter ce que l’on ne contrôle pas, la pollution de nos aliments, leurs conservateurs, leurs réhausseurs de gouts […], les pesticides […], notre corps se transformant à la fois en site d’enfouissement pour les déchets chimiques et en filtres à particules fines. »
Voilà, c’est le poncif habituel des dégats de la civilisation qui nous tuent, alors que la mortalité infantile n’a jamais été aussi basse, qui sont attribué au médecin qui avait parlé à Solal et sa femme sur deux pages. Il continue, reprenant une désinformation que je connais bien: « Une fibrose pulmonaire due à l’action de toxiques environnementaux, comme ce que l’on suppose des bébés sans bras, pour le glyphosate. Et en France, 50 000 autres personnes en seront victimes. » Le lien est fait avec l’introduction: « L’esprit de Virgil [Solal] le porta aux rives du delta du Niger, face à la fosse, face à ces enfants morts empoisonnés. Là-bas, des gosses anonymes, ici, sa fille. Une même cause. » (p.87)
On retrouve le thème de l’altruisme. La femme affirme que « Cette situation le [Solal] force à aller à l’encontre de tout ce qu’il est. » et Diane répond « J’en suis persuadée ». (p.87-88)
En conclusion, Diane le présente comme irrationnel, contredisant le narratif central: « Il s’est visiblement persuadé que les entreprises polluantes sont coupables de la mort de sa fille. Pas uniquement total, mais toutes les entreprises. – Un paranoïaque ? – Possible. Un sentiment de persécution pouvant aller jusqu’à l’irrationalité. Ce qui ne l’empêche ni d’être organisé, ni d’être méthodique. » (p.89)
Chapitre suivant, le conseil d’administration ne paiera pas. L’appelation terroriste est mise en question p.91:
- « – Si même le gouvernement ne paie pas les terroristes en cas d’enlèvement, pourquoi Total devrait-il le faire ? Implacable…
- – Terroriste ? reprit Diane. C’est le mot qu’on utilise désormais pour Virgil Solal ?
- – Surtout pas, malheureuse ! s’emporta le patron. La moitié de la France est avec lui, l’autre se questionne. […] Dans l’esprit du public, si PDG est libéré, c’est que Total l’aura décidé. Si PDG meurt, c’est aussi que Total l’aura décidé. »
L’inversion accusatoire apparait aussià travers les réseaux sociaux: « Les hashtags « Greenwar », « makethegoodchoice » et « SYLSO » sont les plus consultés et utilisés en France, comme en Europe. […] « Save you life, save our ». » (p.92)
Une scène entre le Président de la République et sa plume permet de porter un peu plus le discours pseudo-écologiste.
Il reprend le « prix Pinnochio » comme une référence, qui aurait ciblé Brune Poirson, parle des pesticides, où on retrouve encore la désinformation antiglyphosate: « Par le glyphosate probablement, puisqu’il est le pesticide le plus utilisé. Malgré l’OMS qui le considère comme cancérigène, votre ministre de l’Agriculture assure que l’on peut continuer à l’épandre. »
Il lui reproche ses promesses (heureusement) non tenues sur le glyphosate, le fait qu’on en décèlerait « jusque dans les couches de leurs bébés » et que Monsanto aurait créé de « faux groupes d’agriculteurs » [un thème des Monsanto Papers dont je parle d’ailleurs dans mon livre].
Ce passage se conclut par une histoire de sachet de thé en nylon supposée mettre en évidence l’incapacité « à faire changer les sachets de thés dans sa propre cuisine » et par la sortie dans « le désenchangement consterné » de la « plume » qui a visiblement passé un savon à son employeur.
Résolution (p.100-109)
Le chapitre commence avec la tentative de Solal de se déresponsabiliser: « Rome s’est pourtant construite sur le sang de Remus. Pareil pour l’Inde. Est-ce le seul pacifisme de Gandhi qui a conduit l’Inde à son indépendance, ou les bombes de Bhagat Singh ont-elles pesé aussi? » Etc. Après un long passage, Modis lui donne simplement la réplique: « Vous deviendriez la nouvelle justice, décidant de ce qui est bien ou mal, de ce qu’on félicite ou de ce qu’on punit ? » Ca continue, Diane évoque sa fille, il répond notamment « Ma cause est plus grande, elle me dépasse à m’en rendre insignifiant, microscopique. » etc, puis ferme la transmission. Le cadavre du PDG est retrouvé dans une station Total sur le périphérique. Diane est renvoyée.
Au suivant: la directrice financière (DF) de Société Générale
Ensuite, c’est au tour de la DF de Société Générale de se faire kidnapper. L’auteur insiste sur le fait qu’elle ne s’inquiétait pas. [Cela permet de renforcer l’idée de dirigeants inconscients]
Mise en place
La DG se fait kidnapper par trois hommes masqués et est amenée dans une ancienne base de l’OTAN en Normandie, où Solal réceptionne le « colis ». (p.111-117)
Ensuite, encore une césure déconnectée de l’histoire pour reprendre le catastrophisme pseudo-écologiste. Ce coup-ci ce sont les salauds de riche qui se trouvent un bunker au milieu d’un océan. L’agent immobilier reprend le discours habituel, c’est à se demander s’il n’est pas encarté: « Si vous vous demandez si cela va arriver, la réponse est oui. J’ignore encore quoi et comment, mais entre la pollution, le réchauffement climatique, les catastrophes naturelles, les virus et les futurs mouvements migratoires massifs, il y a quand même assez peu de chances de sauver tout le monde. Ce sera chacun pour soi et ça commence aujourd’hui, maintenant, avec cet appartement. » (p.119)
Le directeur de police rappelle évidemment le capitaine Modis et Diane Meyer et ajoute à l’équipe un gamin « hacker » en sweat-shirt et jean. (original …) (p.121-123)
Ensuite, c’est l’entrevue entre la DF et Solal. Encore une fois, l’auteur donne à la cadre des dehors antipathiques. Elle commence en prétendant avoir des enfants, alors qu’elle serait « divorcée, remariée » et n’aimerait pas les gosses, mais préfère les bijoux. Puis on a la diabolisation des banques, classiques en pseudo-écologie: « Sur les marchés financiers, pour un euro consacré aux énergies renouvelables, les banques françaises en consacrent huit aux énergies fossiles. De cette manière, les quatre premières banques françaises, dont vous faites partie, émerttent quatre fois plus de CO2 que la France entière. » Il accuse Société Générale d’être celle qui « dérègle le mieux la planète », etc. L’auteur met une citation réelle, formulée par une cadre de BNP dans la bouche de la victime, « Nous finançons le monde tel qu’il est. » et elle promet de se désengager de « ce modèle économique », mais ce n’est pas assez pour Solal. Il conclut par l’inévitable diabolisation : « Mais comment tout cela se passe-t-il dans votre âme, sachant que ni votre entêtement ni votre avidité ne sont freinés par la mort annuelle de dizaines de millions d’innocents, au mieux ? » Il s’adresse ensuite à la caméra et sort un speech sur la dépendance aux énergie fossiles des européens, qui bénéficient du fait qu’ils sont loin du Niger [Rq: rappelons qu’il y a des puits en mer du nord …] pour ne pas avoir conscience des conséquences de leur consommation de pétrole. Il conclut en demandant 10 milliards d’euros, qui seraient restitués quand la Société Générale aurait doublé ses « investissements vers la transition écologique » et créé une « fondation pour la recherche sur les énergies renouvelables ». (p123-126)
[On voit ici les limites à l’imagination de l’auteur: créer une fondation est simple et il serait trivial de doubler ses « investissements vers la transition écologiques », quitte à ralentir l’année suivante]
On retrouve le thème de l’altruisme: la psy analyse qu’il serait davantage en colère contre lui-même « C’est un homme de justice et de droit, un flic, un soldat. Il souffre de ce qu’il fait. Il se salit. Il s’aime de moins en moins. » (p.126) Il aurait de plus en plus de disciples chaque jour. « Les graffitis de pandas balafrés fleurissent sur les murs de l’Europe entière. Les réseaux sociaux sont en ébullition. Il est soutenu par une majorité de la population. Des banques sont saccagées, leurs vitrines explosées, deux stations essence ont été incendiées et ce matin, Extinction Rébellion a fait irruption au siège de Black Rock France. » (p.127) Diane refait le même lien que plutôt, en dissociant cette fois désobéissance civile et violence, en donnant un avis non sollicité sur un sujet très loin du profilage: « C’est mauvais signes, s’inquiéta Diane. Si les pacifistes se mettent à écouter Solal, si la limite déjà floue entre la simple désobéissance civile et les actes violents disparaît, vous n’allez pas tarder à perdre le contrôle de la situation. » (p.127-128)
Ensuite, comme pour illustrer cela, un chapitre porte sur l’empoisonnement des participants au « bal des débutantes » dans un hotel de luxe, le « Shangri-La« . Je vous passe le détail: l’auteur rend les participants antipathiques, l’empoisonnement les fait se vomir et déféquer dessus, il y aurait 11 morts. (p.129-132)
Intermède (p.133-153)
Ensuite, le livre commence à partir en vrille. Ce qui était suggéré devient explicite: Diane, qui s’avère croyante, va à l’Église et se recueille: « C’est que je ne sais plus où est ma place, vous comprenez ? poursuivit-elle. Pourquoi les gens le soutiennent-ils autant ? Sa cause est juste, je le sais. A dire vrai, je n’en connaos pas de meilleure. Même vous, vous devez la valider, j’en suis certaine. […] Mais on parle de meurtre. Vous ne pouvez pas être d’accord avec ça, non ? […]Mais comment composer avec sa conscience, quand un homme qui considère avoir tout perdu agit et se sacrifie pour le seul salut des autres ? Il y a là un petit côté christique qui n’a pas dû vous échapper, non ? […] C’est certainement pour cela qu’il est adulé. Les gens attendaient sa venu, simplement. Il leur permet l’expression de leur impatience, de leur peur, de leur colère. » Elle évoque ensuite un état où une anesthésie mal calibrée ferait que le patient est incapable d’agir, mais ressent tout et compare cet état avec celui de l’humanité: « N’est-ce pas ce que nous vivons au quotidien ? L’humanité crève sans pouvoir crier. Plus tristement, elle crie, mais personne n’écoute. Je crois que Virgil Solal leur a permis de se faire entendre. Et il agit. Pour tous. »
C’est au tour du capitaine Modis d’avoir un examen de conscience, cette fois par l’intermédiaire de sa fille. La scène commence avec un masque de panda balafré sur le sac de cours de sa fille. Cette dernière défend évidemment Solal avec, encore, une inversion accusatoire: « Je sais que la violence ne résout rien, mais réellement, la violence, elle vient d’où ? Est-ce que c’est mal si on élimine une personne quand on sait qu’elle aurait fait plus de mal encore si elle était restée en vie ? »
Étonnamment, le policier accepte la diabolisation qui est faite, l’admettant comme une évidence: « C’est toute la question morale de la torture. Peut-on y recourir à l’encontre d’un poseur de bombe […]? Mais le problème est ailleurs. Je ne sais pas jusqu’où ira Greenwar, mais je sais que tous ceux que cette organisation décidera d’exécuter seront remplacés par d’autres, des clones avec une pensée identiques. Les deux cibles qu’a choisies ce Solal ne sont pas responsables à elles seules de tout le réchauffement climatiques, ni de toute la pollution, alors pourquoi spécialement elles ? » La réponse est ahurissante: « Dans ces cas-là on ne fait rien alors ? Parce que toi, par exemple, quand tu arrêtes un violeur, tu n’arrêtes pas tous les violeurs de Paris, donc si je suis ta logique, tu le relâches ? » Etc. La conclusion est à l’aune du reste: « Il découvrait aujourd’hui que parfois, l’ordre donné et ce qu’il est juste de faire ne se trouvaient pas toujours au même endroit. » (p.137-139)
Encore une fois, on a l’impression de voir un spectacle de marionnettes, avec la même voix qui parle à travers deux bouches différentes.
Dernier point important, car c’est un des noeuds de la pseudo-écologie, la croyance dans leur supériorité intellectuelle: « Tu parles du masque ? C’est un signe de ralliement. A notre âge, nous sommes les plus concernés. Les plus informés. Les plus conscients. » (p.138)
Encore une autre apparté dramatique: un ours polaire affamé va dans une maison et dévore la famille l’occupant. (p.140-144)
L’auteur imagine une scène où un membre du gouvernement demande au chef de la DGSI de tuer Solal et de planter une ceinture d’explosif dessus. Petit clin d’oeil aux complotistes: sans trop qu’on sache pourquoi, lorsque le premier dit qu’un assassinat en France serait une première, le second rétorque « Vous croyez vraiment ? » (p.145-148)
La scène suivante porte sur la réception, par un cabinet d’avocat (Atomic 8 de Gerda et Attal), de la demande de représentation pour Solal. Cette dernière est dans un premier temps présentée très négativement (« Quinze ans de ma vie à défendre des ordures criminelles, tu peux ocncevoir queje n’ai plus envie d’aller dans la fosse. »), puis, après avoir fait l’éloge de la défense de ce dernier, un des avocats (« Attal », ça ne s’invente pas) se voit affecté le dossier Solal et doit se défausser de tous les autres. (p.151-153).
Second round (p.154-172)
Les protagonistes arrivent au « Bastion » (= 36 quai des orfevres), Modis voit le directeur de la DGSI sortir du bureau du directeur. Modis et Diane comprennent implicitement ce que cela implique. « La soirée du flic avec sa fille, la soirée de Diane avec Dieu et sa conscience. Comme un virus, leur humanité venait de s’infiltrer dans une opération qui ne souffrait aucune empathie. Ils devaient empêcher Solal de commettre un nouveau meurtre, tout en fermant les yeux sur un assassinat d’État. » (p.156)
La Société Générale refuse les demandes, mais propose de donner 3M€ à Soral.
La discussion commence par la mise en cause de Solal pour l’attentat du Shangri-La. Il nie sa responsabilité, mais s’en fout: « Vous espériez quoi ? Que je sois touché par ce drame ? Que j’arrête tout à cause de ça ? Voilà plusieurs jours que je vous parle de millions de morts effectives et des dizaines de millions de à venir et vous voulez que je verse une larme parce qu’il y en a onze de plus ce matin ? C’est parce qu’ils sont français ou européens que c’est plus grave ? » On voit ici l’importance du catastrophisme et de diriger la donnée « neutre » vers un responsable: ensuite, on peut tout se permettre.
Solal continue et dit notamment « Je vous le répète, Greenwar se désolidarise de l’action perpetrée hier. Nous ne sommes pas des terroristes. Nous ne frappons pas aveuglément. » C’est intéressant parce que cela montre l’importance du prétexte et l’apparente dissension systématique dans ces mouvements. On a eu ça avec les communistes après mai 68, qui se divisaient en maoistes, stalinistes, etc. Feignant une diversité qui permettait de neutraliser les critiques (« ah mais tu parles des stalinistes là, ça nous concerne pas » ; « ah mais ce sont les trotskistes ça, rien à voir », etc.). Ici cela permet à Solal de se présenter comme un moindre mal.
D’ailleurs, il finit en le comprenant: « Pourtant, je peux comprendre son cheminement. Même radical, il s’explique. Si l’économie consomme de l’énergie, 80% de celle-ci est issue du non-renouvelable. Nous pouvons en déduire que 80% des richesses viennent des combustibles fossiles et que plus elle en a consommé. […] 80%, ça nous laissent 20% d’innocents, je sais, poursuivit-il. Ca vous pose un problème de morale, c’est ça ? Mais vous demandez de la morale quand il n’en existe pas une poussière chez ceux que Greenwar combat. Alors si c’est la question qui vous taraude, je vais y répondre sans attendre: oui nous seront immoraux. Et malheureusement, les dommages collatéraux son un risque. » Il admet enfin sa reponsabilité: « Les électrons libres et les disciples excessifs sont inévitables. Ils étaient prévus, malheureusement. Mais, puisque nous avons dépassé l’urgence, puisque des populations entières ne font déjà que survivre, je ne peux me défaire d’aucuns de mes soldats. » La dissension initiale n’existe en fait pas. (p.160-163)
On retrouve au passage l’autoritarisme pseudo-écologiste classique : « Pourtant, dès aujourd’hui, on ne peut pas laisser au consommateur la possibilité de décider entre des fruits de saison ou des fraises venues du bout du monde, de décider entre un trajet intérieur en avion ou un trajet en train. Il faut malheureusement choisir pour lui. » (p.161)
Le hacker annonce avoir localisé le terroriste. Nathan Modis va pour prévenir ce dernier, sur la base d’un vague soupçon étayé par rien du tout donc, (« Nathan perdrait tout, mais il ferait ce qui est juste »), mais il est interrompu par Diane, qui prend les devants. (p.165) Visiblement Solal se barre en détachant l’otage. Ensuite elle essaye de sortir de la base souterraine, mais arrive au bord d’une falaise, se plante un bout de métal dans la main, se fait un bandage de fortune et tombe dans les pommes. Ce périple est l’occasion de lui faire au passage endosser le message du livre: « Commme un parasite dans cette conversation intime avec Dieu, une scène de sa vie revenait sans cesse. Une réunion de travail, un matin, où une nouvelle recrue de la banque avait proposé en conférence de couper de moitié leurs investissements dans les énergies fossiles pour se diriger vers une transition écologique nécessaire. Varan avait griffoné un post-it qu’elle avait glissé à son voisin: « Si la nouvelle n’aime pas l’argent, qu’elle n’en dégoute pas les autres. » Le voisin avait alors répondu « Qu’elle bouffe du quinoa en vélo électrique, si ça lui chante ! » Et ils avaient ricané. Dans ce moment unique d’introspection, Varant [son nom] se dit que son ravisseur avait raison sur ce point. Elle avait eu, tout au long de sa carrière, mille fois l’occasion de faire ce qui était juste, et y avait préféré les occasions de s’enrichir. » etc. (p.170)
L’arrestation (p.173-236)
Un autre chapitre catastrophiste à base de pollution atmosphérique à Paris (« Dites leur qu’une chape de pollution s’est scotchée au-dessus de Paris, qu’on respire une mélasse de particules fines, et que s’ils font trop d’efforts, il vont au mieux tomber dans les pommes et au pire se flinguer les poumons et crever à trente-cinq piges. ») et d’innondations en Inde. (p.173-180)
Diane est évidemment mise en détention, les avocats de Solal se proposent de la représenter. Le terroriste déclare se rendre, mais seulement à Nathan Modis place de la Bastille. On a un autre discours de Solal p.190-191, qui nous ressort ses poncifs: prétention à l’altruisme (« Je ne retire aucune fierté de mes actes, comme on ne retire aucune fierté d’une guerre. J’ai fait ce que le devoir m’a dicté, je ne suis que la voix d’un message. »), puis déblatérations sur les futures migrations de masse. Solal diffuse un message prétendant que les « grandes entreprises » prévoient de faire des camps-usine pour fixer les populations et éviter les migrations, que cela s’appelle « l’industrie de l’aide », et existe déjà, représentant 25Md de dollars. Après ce moment informatif, Modis et Solal entrent en contact, les agents s’approchent pour interpeler le terroriste, mais des centaines, puis des milliers de personnes avec des masques de panda s’agglutinent pour leur faire obstacle et Modis est emporté dans une fourgonnette. (p.186-197)
Solal donne l’endroit où trouver Varan à Modis et discute. Point notable: il contredit ce qu’il disait plus tôt, en public, (« Je croyais qu’après l’empoisonnement du Bal des débutantes du Shangri-La, vous assumiez d’être immoral ? Que vous acceptiez les dommages collatéraux ? – Non. Je n’ai fait que vous prévenir de ce qui arrivera demain. Je n’ai fait que vous avertir des profils, violents ou radicaux, avec lesquels il faudra désormais composer. Mais ce n’est pas parce que j’ai conscience des dommages collatéraux que je suis prêt à les provoquer. Je n’ai jamais laissé un soldat derrière. »). Ce passage est intéressant, parce qu’il montre le pouvoir de l’argutie: Solal ne dit rien, il réécrit totalement l’histoire, il a clairement approuvé la démarche de l’apprenti terroriste. Néanmoins, c’est présenté au lecteur comme une dénégation raisonnable, notamment à travers la réaction complaisante de son interlocuteur. Par la suite, il montre qu’il a hacké l’ordinateur du directeur de la PJ et enregistré la discussion il avait parlé de le faire assassiner. (p.198-202) Ca braille à la PJ (p.202-204), Solal prétend s’appréter à « destabiliser le pays » et se rend à Modis. (p.204-205)
Discussion entre le maintenant ex directeur de la Pj et le juge d’instruction, je passe. (p.206-210) Ensuite on est au cabinet des avocats de Solal et Meyer. On retrouve le discours sur le soutien populaire, poussé jusqu’au ridicule: « Notre avantage, c’est le jury populaire. Le moitié du pays est du côté de Greenwar et les sondages montent à 80% lorsque l’on s’adresse à la fameuse France d’en bas. » (p.211) Ils parlent de stratégie juridique pour éviter d’être assimilé à des terroristes, pour avoir un jury populaire. L’auteur développe soigneusement l’argumentaire rendant certains lesdits avocats qu’il ne s’agit pas d’une entreprise terroriste:
- « – Est considéré comme terroriste tout acte se rattachant à une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur.
- – Et maintenant, compare.
- – Greenwar est un groupe dont le seul but annoncé est de forcer les grandes entreprises à se diriger vers une transition écologique manifestement capitale pour la survie humaine et animale. Greenwar n’a pas demandé de rançon, mais une caution. Greenwar a toujours laissé le choix à ses victimes de s’en sortir, mais l’argent a sans cesse valu plus que leur vie aux yeux de leurs propres entreprises. Solal n’a jamais posé de bombes à l’aveugle ou commis de crimes au hasard. Ses cibles sont précises et il n’a jamais menacé les citoyens. Le fait qu’une grande partie du pays le porte aux nues annule les notions d’intimidation ou de terreur. Enfin excepté le fait qu’il a agité les réseaux sociaux comme personne avant lui, le trouble à l’ordre public n’est pas avéré.
- – Le trouble arrive, Fabien, le trouble arrive. Mais nous sommes les seuls à le savoir.
- – En attendant, on ne coche pas les cases du terrorisme et nous aurons bien un jury populaire, se ravit l’avocat.
- – Oui. Le peuple, c’est notre meilleure chance. (p.213)
Cet argumentaire est évidemment moisi jusqu’à la moelle: ce n’est pas au groupe de juger de la nature exacte de ses prétentions, c’est évalué par le juge ; ce ne sont pas les victimes qui ont eu le choix, mais leurs entreprises ; la popularité d’un mouvement terroriste ne change en aucune façon sa nature terroriste. Cela n’empêche pas l’auteur de le présenter comme un argumentaire parfaitement solide, qui ne laisserait aucune place au doute (ce qui en droit est très souvent audacieux).
Modis ramène Diane chez elle, mais il y a des journalistes et de nombreux bouquets de fleurs, donc il la ramène chez lui. (p.213-217)
Le chapitre suivant porte sur l’interpellation du terroriste du Shangri-La, dont l’ADN aurait été trouvé sur le masque (de panda ?) laissé là bas. Il est pris. Au cours d’une discussion en détention il dit avoir agit parce qu’il « croit en le message » de Solal et pensait que ce dernier « serait fier ». (p.225) L’agent le convainc de dire qu’il travaillait avec Solal. (p.221-226) Le juge d’instruction informe les avocats de Solal que c’est un juge d’instruction antiterroriste qui reprend l’affaire, le terroriste du Shangri-La ayant effectivement prétendu qu’il travaillait avec Solal. C’est présenté comme un choc inattendu, comme si, autrement, il était évident que la qualification de terrorisme ne serait pas retenue. On retrouve aussi la prétention à l’altruisme pour Solal: « Non, Fabien, il n’y a que Solal qui est foutu. Et il s’en moque. Sa libération n’a jamais été son combat. » (p.227)
Un autre intermède catastrophiste, cette fois sur un feu de forêt en Australie (comparé à « une punition divine »), des américains qui teintent leur gazon en vert pour cacher la sécheresse (causée par « l’agriculture intensive » qui vide les nappes phréatiques évidemment), puis une discussion entre un père et sa fille dans un atols. (p.228-236)
Le procès (p.237-269)
Comme on l’aura deviné, le procès est l’occasion pour l’auteur de remettre plusieurs couches de l’idéologie qu’il répète dans tout le livre. Le fait que les actions de Greenwar ne seraient pas qualifiées de terrorisme est présenté par acquis par l’auteur. Il répète que 80% de l’opinion publique est favorable à Solal. On retrouve la prétention à l’altruisme (« Mon devenir m’importe peu. »). (p.238)
Les avocats de Solal commencent pas attaquer le fait que le parquet ne fait rien alors que selon l’OMS la pollution atomosphérique provoque neuf millions de morts par ans, parle du « tueur en série le plus dévastateur de toute l’histoire de notre planète« , puis l’accuse d’être complice. Ensuite il affirme qu’il n’y a pas de Cour française qui ait eu le courage, comme la Cour suprême néerlandaise, de condamner l’État à réduire ses émissions de gaz à effet de serre, évoque « L’affaire du siècle » et accuse le juge (« parce que vous, vous ne faites rien »). Il continue avec divers poncifs anticapitalistes, « les plus riches entreprises sont les plus polluantes […] Nous survivons dans un monde de financiers où les 1% les plus riches détiennent deux fois plus que tout le reste de l’humanité, mais où 100% de la population subit leur pollution », puis c’est au tour de l’évation fiscale d’être évoquée, et l’avocat insinue que la Justice ne serait pas indépendante (« – La Justice est indépendance, dois-je vous le rappeler ? – En êtes vous si sûr ? De puis plus de dix ans, aucun outil mis en place par l’État pour poursuivre ces fraudeurs n’a réussi à récupérer plus de 2% des sommes de l’évation fiscale. […] Ne vous dites-vous pas qu’on ne peut pas échouer avec autant de brio sans y mettre un peu du sien ? ». Il conclut en remettant en question l’autorité du juge: « Et je répète ici mon étonnement: ce serait à vous, qui laissez faire depuis si longtemps, que l’on accorderait le pouvoir de juger cette affaire ? ». (p.242-246) Le ton est grandiloquent et l’auteur pousse son délire jusqu’à imaginer que la plaidoirie débile de son avocat ferait se recroqueviller les « ténors de la partie civile » (= des grandes entreprises). (p.244)
Après un court intermède, on y retourne. L’avocat reprend, arguant que « pour comprendre les raisons qui ont poussé Virgil Solal à agir, il faut connaître les défaillances d’un systèmes politique qui ne lui a pas laissé le choix. » L’auteur projette encore ses fantasmes, attribuant au juge la pensée suivante: « Mais il se consola à l’idée qu’aumoins pour aujourd’hui, la Justice ne serait pas sous le feu nourri du jeune avocat. » (p.251) Il se lance d’ailleurs sur une diatribe sur la démocratie, comme quoi les dirigeants seraient les employés du peuple. Apparté ensuite sur l’action de la « branche allemande de Greenwar » qui aurait mis du colorant rouge dans le système d’eau de Berlin.
On apprend ensuite que « 80% des richesses sont issues des énergies fossiles » [oui bien sûr], on nous ressert du risque migratoire (« Qu’adviendra-t-il lorsque la moitié du globe viendra chercher refuge à nos portes »). (p.253) On a ensuite une sorte de gloubi boulga anticapitaliste (« En France, sept milliardaires possèdent plus que le tiers des Français les plus pauvre. Ainsi, économiquement, économiquement sept personnes en valent [quoi que ça veuille dire …] vingt-trois millions. Outre l’échec du fameux ruissellement économique, c’est à l’échec de la morale, de la fraternité et de l’égalité auquel nous assistons. […] Et notre appareil politique, désarmé, n’est plus que le syndic des ambitions des plus puissants. […] Pourtant ces « lois vertes » sont repoussées, amendée, vidées de leur sens et de tout ce qui pourrait froisser les grandes puissances du CAC40 et leur éternelle menace de s’installer dans un autre pays. Ca, c’est du terrorisme ! Du terrorisme financier ! » etc.), puis on apprend que la branche islandaise de Greenwar a bloqué 32 aéroports d’Islande grâce à des drones. L’auteur prend plusieurs lignes pour expliquer le sens de la démarche …
Le passage que j’ai mis en gras est particulièrement important, reprenant un poncif central dans la sphère complotiste.
L’avocat reprend ensuite autour du Covid, alléguant que les entreprises en auraient profité pour demander l’allègement des réglementations pesant sur elles et que « servile, notre pays n’a pas hésité à préter vingt et un milliards d’euros au secteur des énergies fossiles. » Il conclut « Nous nous retrouvions privés de l’action politique, privés de la protection de la Justice, et vous vous étonnez aujourd’hui qu’un mouvement comme Greenwar ait vu le jour ? […] Qui condamne-t-on aujourd’hui devant cette cour ? Les causes ? Ou les conséquences ? » [Insinuant que l’action de Solal serait la suite logique de tout ce qu’il a décrit] (p.257)
En même temps « les actes de révolte et de désobéissance se multipliaient. En France, en Pologne, au Portugal, en Hongrie et en Grèce, une série d’alertes à la bombe bloquèrent des centaines d’usines de pétrochimies et de cimenteries. En Autriche, en Finlande, en Irlande, en Suède et en Espagne, des milliers de litres de sang et de viscères, récupérés dans les abattoirs de fermes industrielles, furent déversés par camion-citerne sur les marches des ministères de l’Écologie, dénonçant la surconsommation de viande et la maltraitance animale qui l’acconpagne. [Etc. …] Et sur les murs de tous ces pays, comme une signature des millions de fois répétée, le panda balafré de rouge […] semblait appeler à la rebellion. » (p.258-259)
L’avocat reprend sur un catastrophisme caricaturalement débile, « Nous sommes en danger de mort immédiat. », puis se défend des molles protestations des avocats d’en face en se prévalant de diverses déclarations de personnalités, dont notamment, le MIT en 1972 [ça fait longtemps qu’on est en danger immédiat dis donc] et … Jeremy Rifkin,, qui est un consultant sans la moindre crédibilité [j’avais analysé son économie hydrogène en ce sens], puis le GIEC, Aurélien Barrau, l’Église … Encore une fois, l’auteur attribue la victoire à son galimatias d’absurdités pseudo-écologistes : « Assomé par ces arguments, le ténor capitula d’un geste et Attal n’en sortit que plus remonté. » L’avocat continue en se contredisant : « Dans trente ans, entre la pollution, le manque d’eau potable, les famines et la montée des eaux, cinq milliards d’êtres humains seront en péril […]. » (p.261-262) Au milieu (c’est un peu glissé là n’importe comment), les avocats des entreprises rappellent que ces dernières n’ont rien fait d’illégal et celui de Solal répond par un poncif populiste (« Je vous ai déjà démontré que les lois étaient creuses, inefficaces et qu’elles n’osaient que proposer sans obliger ») dénotant son ignorance totale du sujet. (p.261)
L’avocat continue avec une défense « audacieuse », répondant au juge soulignant que Solal n’avait rien changé, que « Le sang n’a pas coulé sur l’industrie automobile, sur l’industrie aéronautique, sur l’élevage industriel, sur le transport maritime, sur l’industrie numérique ou sur l’industrie de la mode. Peut-être Solal n’a pas eu le temps. Ou peut-être n’est-il pas le monstre que vous souhaiteriez qu’il soit. Il s’est contenté de deux cibles. » Puis, qu’il serait face à un « ennemi tentaculaire » [autre trope complotiste ancien].
Le juge lui donne la réplique, admettant implicitement que les lois ne servent à rien. L’avocat ressort l’inversion accusatoire (« Et si la violence de Virgil Solal n’était qu’une contre-violence ? Une réponse justifiée ? ») et l’élabore sur une page entière pour prétendre que l’action de Virgil était en fait de la légitime défense. (p.263-266) Encore une fois, l’auteur tente de faire passer ceci comme un coup audacieux et puissant (avec une petite mise en scène que je vous épargne, et une outrance qui ferait exploser de rire n’importe quel pénaliste: « Les ténors, destabilisés, se regroupèrent à voix basse. Comment ce petit avocat avait-il pu trouver une faille si énorme dans le droit français ? »), alors que c’est juste débile. Il défend son point sur deux pages. L’auteur conclut, montrant que c’est bien lui qui s’exprime par la bouche de l’avocat, « si l’on s’en tenait au code pénal, Solal n’avait rien à faire en prison ». (p.267-269)
Ce passage est particulièrement intéressant, en cela qu’il contient de manière très condensée l’importance du catastrophisme et de la diabolisation dans le récit pseudo-écologiste et à quoi il aboutit logiquement.
Épilogue (p.270-279)
On comprends que Solal a été condamné à 25 ans, que sa femme était décédée entretemps, mais qu’il a échangé des lettres avec une adolescente des iles du Pacifique (qui avait été brièvement présentée dans un aparté), lui a fait un gamin et qu’ils ont acheté avec l’aide de philantropes, 46K hectares pour faire un « écocomplexe » coté en bourse, concluant étonnamment « Tu le disais dans tes lettres, nous ne ferons rien sans nous allier au capitalisme. » Diane Meyer en serait la directrice, en couple avec Modis. (p.270-279)
Analyse: une apologie du terrorisme ?
Maintenant, il faut poser une question qui aura perturbé le lecteur attentif: est-ce qu’il ne s’agit pas d’une apologie du terrorisme ?
Le narratif pseudo-écologiste produit
Le livre produit un narratif assez uniforme: les entreprises pourriraient la planète, l’État et les juges seraient incapables ou complices, le peuple soutiendrait en fait l’écoterrorisme et le changement pseudo-écologiste et les dangers environnementaux justifieraient de s’en prendre à toute cible identifiée comme coupable par les pseudo-écologistes. Le coeur du message est la revendication d’un droit de nuisance attribués aux pseudo-écologistes. On retrouve de nombreux éléments de la pseudo-écologie: la désinformation sur le glyphosate, le catastrophisme absurde, l’anticapitalisme exacerbé …
Il y aurait une « bonne » manière de faire du terrorisme, qui serait tellement « bonne », qu’elle ne pourrait même pas être qualifiée de terrorisme. Néanmoins, l’attentat du Shangri-La, présenté comme le « mauvais terrorisme », n’est pas vraiment désavoué, l’auteur le justifiant sur plusieurs pages. Il est surtout discrédité par son auteur, qui finit par trahir Solal en mentant.
Seule la fin détonne: en contradiction avec tout le message du reste, ils finissent par simplement faire une entreprise et monétiser leur apparence d’écologiste. Est-ce que, du reste, ce n’est pas la suite logique du terrorisme: des gens vous donnent de l’argent pour vous calmer (ou vous agiter). On peut même se demander si ce n’est pas dans la suite du livre et si le message n’est pas, « foutez le bordel, au final vous vous en sortirez bien, l’écosystème saura vous récompenser ».
Ce qui a du reste déjà été le cas: pensons à José Bové, qui a transformé quelques années de prison en une vie d’eurodéputé.
Un livre dédié à l’élaboration d’un narratif
Ce narratif n’est pas un accident, une interprétation possible parmis d’autres, mais le message unique poussé par l’essentiel du livre. Les intervenants sont tous dédiés à l’élaboration du message, soit qu’ils vont directement reprendre le message, soit qu’ils vont lui donner une réplique complaisante et lui permettre de se dérouler. L’ensemble donne un sentiment d’assister à un spectacle de marionnettes avec un seul acteur en coulisses.
C’est évident à plusieurs endroits. Par exemple:
- Par exemple, p.62: « C’est un désobéissant … s’entendit-elle dire enfin. », puis quand elle confirme la revendication à l’altruisme de Solal. Qui emploie ces mots ? Pourquoi est-ce qu’elle pense à haute voix ? Elle précise plus loin « Je voulais parler d’une désobéissance civile qui le pousse à agir à l’encontre de ce qu’il a appris. » L’auteur met donc dans la bouche de la psy un discours de terroriste, qui relativise la gravité de l’acte.
- p.75, il fait dire au directeur du 36 (quai d’orsay ?): « Avec les manifestations qui ont bloqué la France pendant plus d’un an, ils ont réalisé qu’ils pouvaient faire flancher le gouvernement, maugréa-t-il. Et avec les deux mois de confinement du coronavirus, le peuple a compris que sans lui, l’économie s’effondrerait et que sans lui, pas de grands patrons ni de dividendes. On leur a appris à agir à l’unission, ils ont retrouvé le goût de se battre, de se défendre, de se protéger eux-mêmes quand l’État ne le faisait pas. On les entraîné à la révolte. Ilso ont appris et maintenant, ils appliquent. » Quel cadre policier utiliserait ces formulations ? Surtout dans le contexte.
- Le dialogue de Modis avec sa fille p.137-139 n’a aucun sens, à part pour porter le narratif.
- Le plaidoyer (p.244 et s.) est juste une tribune politique anticapitaliste. Il aurait parfaitement pu s’agit d’une tribune d’un politicien LFI ou EELV dans Le Monde.
- p.269, il présente l’invocation de la légitime défense comme un coup de maître qui aurait mis en évidence une « faille si énorme dans le droit français » et « destabilisé » les « ténors » en face.
Ces différents passages ne s’expliquent que par la logique de faire passer un message au lecteur. Ce ne sont que quelques exemples qui m’ont semblé particulièrement parlant, mais c’est rapidement quelque chose de très présent.
Dans la même idée, on voit aussi PDG de Total, dont le seul objet est de confirmer le « combat » de Solal et de lui donner la réplique. Idem pour les juges lors du procès.
Par ailleurs, le ton donne aussi l’impression que c’est l’auteur qui parle, qui se donne à lui-même des bons points et s’enthousiasme à l’idée de remonter les bretelles aux puissants.
Des procédés de manipulation
L’auteur met par ailleurs plusieurs procédés de manipulation encourageant le narratif terroriste.
Aranguer les foules
L’un des thèmes récurrents est de dire que la population suivrait, soutiendrait Solal. L’auteur parle systématiquement de 80% de la population qui le soutiendrait.
Inversion victimaire
Solal est globalement présenté comme une victime: les « particules fines » auraient tué sa fille et il n’aurait, ensuite, que suivi son sens moral.
La dimension altruiste de son action est alléguée à de nombreuses reprises par lui (p.190, p.238), d’autres personnages (Meyer, p.63, p.88, p.126, p.135 ; sa femme p.87 ; son avocat p.227). L’auteur parle même, à travers Diane Meyer, d’une dimension « christique » du personnage. C’est un des points principaux de l’économie du militantisme: il faut dissimuler parfaitement le système d’incitations sous-jacent. Elle repose, à tous les niveaux, sur l’illusion du désintérêt des acteurs.
Ainsi, il n’est plus un dangereux terroriste, mais une pauvre victime. On a une belle inversion victimaire.
Victimisation
Par ailleurs, on retrouve la victimisation constante de la pseudo-écologie, à travers le catastrophisme (qui consiste en substance à inventer une victime, la nature) notamment.
Diabolisation
Bien sûr, ces deux outils vont de paire avec la diabolisation de l’ennemi. Ainsi l’auteur présente les deux cadres kidnappés sous le jour le plus négatif ; la responsabilité des entreprises, notamment pétrolières, est monté en épingle; l’État est présenté comme faible et corrompu …
Des mentions qui interrogent
Le nucléaire est mentionné p.75, étonnamment, sous un jour non négatif, mais un simple figurant, le participant à une manifestation: « Le duo gagnant, c’est les énergies renouvelables combinées au nucléaire. » Ce n’est pas contradictoire avec le reste du livre, mais cela montre la diversité de la pseudo-écologie ou simplement la volonté de l’auteur de se dédouanner.
Paradoxalement, on note des passages très lucides. Par exemple, p.135, lorsque Diane va prier et dit à voix haute (encore: qui fait ça ?) une histoire d’un patient mal anesthésié ressentant tout sans pouvoir réagir: « N’est-ce pas ce que nous vivons au quotidien ? L’humanité crève sans pouvoir crier. Plus tristement, elle crie mais personne n’écoute. Je crois que Virgil Solal leur a permis de se faire entendre. Et il agit. Pour tous. »
En effet, c’est le fond de commerce de la pseudo-écologie: enfermer ses croyants dans cet état, puis diriger son action en lui faisant croire qu’il peut y changer quelque chose. C’est la stratégie de l’exploitation.
Ici cette action est néanmoins euphémisée, mise sur le compte de forces non précisées (mais qu’on devine à travers le reste du livre se rattacher au capitalisme). C’est l’un des grands pouvoirs de ce mouvement: il pourrait dire très précisément ce qu’il est en train de faire et personne ne réagirait.
Apologie du terrorisme ou lanceur d’alerte ?
C’est la question centrale qu’il faut se poser : est-ce que ce livre alerte des dangers de l’éco-terrorisme et de sa perception publique ou bien est-ce qu’il y participe ?
La première hypothèse est mince. Elle pourrait s’appuyer sur le dernier chapitre, mais cela ne tient pas. Rien n’est développé et, au final, le message est « soyez terroriste, tout le monde vous applaudira et vous vous en sortirez bien à la fin ».
La seconde est beaucoup plus crédible. Comme nous l’avons dit plus haut, tout le livre ressemble à un spectacle de marionnettes dans lequel l’auteur déroule simplement ce qu’il pense, avec le vernis de la fiction pour soustraire ses opinions à la loi et la rendre plus agréable à entendre. L’auteur partage d’ailleurs d’importants points communs avec Solal, ayant été à l’armée et a fait des missions un peu partout dans le monde et ayant à peu près la même tranche d’âge.
Une chose est certaine, les radicaux en puissance ne retiendront que la seconde. Rappelons que c’est un des aspects centraux du double langage: il faut faire passer un message à sa base tout en donnant des apparence « défendables ». C’est bien un livre qui construit la violence pseudo-écologiste.
Ici, ses apparences sont tellement « défendables », qu’il a réussi à les faire publiquer par Michel Lafon, un des principaux éditeurs français …