Il s’agit d’une partie du livre « Stéphane Foucart et les néonicotinoïdes. Le Monde et la désinformation 1 » dans laquelle nous présentons une des techniques de manipulation de l’information souvent utilisée par le journaliste.


S. Foucart a souvent tendance à s’appuyer sur un élément sérieux, comme une étude scientifique, et à lui faire dire (directement ou indirectement) qu’il faudrait entièrement supprimer les NNI. J’appelle cette mécanique passer du raisonnement pragmatique au raisonnement hygiéniste. Le premier type porte sur un effet, une utilité : « cela a tel effet sur ceci en telles circonstances, pour le prévenir on peut faire ceci ou cela. » Au contraire, la logique hygiéniste tend à une forme de pureté : « c’est mal, il faut le supprimer, en purifier la nature ». S. Foucart s’appuie souvent sur le premier pour faire passer le second.

Par exemple, dans l’article (44), il prétend contredire une étude qui aurait montré que « De faibles doses de pesticides ont peu d’impact » sur les oiseaux en avançant qu’il « existe plusieurs centaines d’études publiées dans la littérature scientifique montrant sans ambiguïté les effets délétères des néonicotinoïdes sur des invertébrés », mammifères et oiseaux non ciblés et que les NNI sont des pesticides extrêmement concentrés : un gramme d’imidaclopride pourrait « tuer autant d’abeilles que 7,3 kg de DDT ». (44)

On part donc d’éléments pragmatiques, justes : les NNI auraient des effets négatifs sur les organismes non-cibles et seraient des pesticides extrêmement concentrés. Néanmoins, on glisse vers une logique hygiéniste, où seule compterait la « pureté » : même à de « faibles doses », les NNI seraient dangereux. Le sous-entendu est ici que la dose d’exposition réelle ne compterait pas. Pour faire cette glissade, S. Foucart utilise deux leviers.

  • D’une part, l’imprécision du terme de « faible dose ». Dans le sens où l’entend l’étude (Foucart donne trop peu d’éléments pour qu’on puisse la trouver facilement), cela devait décrire une dose de faible relativement à un référentiel précis, sans doute la concentration de NNI trouvée dans les champs traités en temps normal. On peut deviner que cela désigne les restes de NNI dans des champs qui avaient été traités dans le passé et ont cessé de l’être. Au contraire, dans le sens où l’entend S. Foucart, cela décrit une dose faible au regard d’une sorte de bon sens commun.
  • D’autre part, il évoque l’effet des NNI sur les populations non-cibles sans préciser la dose. Ils ne seraient pas « toxiques à certaines doses et dans certaines conditions » (ce que vont montrer les études), mais toxiques dans l’absolu. La notion de dose disparaît, on est bien dans une logique hygiéniste.

Ainsi, le problème soutenu par de nombreuses études scientifiques sert de pivot pour vendre un discours irrationnel et hygiéniste. Métaphoriquement, il sert d’enclume sur lequel S. Foucart prend appui pour forger son message. Vous voyez, c’est une mécanique très fine et difficile à identifier.

La distinction entre les deux raisonnements a encore besoin d’être affinée, mais elle sera l’objet d’un livre dédié.