Il s’agit d’une partie du livre « Stéphane Foucart et les néonicotinoïdes. Le Monde et la désinformation 1 »  dans laquelle nous présentons les aspects de l’argumentaire du journaliste commenté. Tous les éléments de ce chapitre sont imputés (que j’utilise le présent ou le conditionnel) au corpus d’articles étudiés.


Parmi les insecticides, la famille des NNI est composée de 7 molécules représentant environ 40 % du marché mondial des insecticides agricoles : imidaclopride, le thiaméthoxame, la clothianidine, le dinotéfurane, l’acétamipride, le nitenpyrame et le thiaclopride.

Leur particularité serait leur mode d’application principal : l’enrobage de semence. Cela en ferait des insecticides « systémiques », la substance circulant dans toute la plante. (26)

L’utilisation des NNI en enrobage polluerait de vastes étendues : 90 % du produit n’est pas utilisé par la plante et « reste donc dans les sols et y persiste généralement jusqu’à plusieurs années ». Étant solubles dans l’eau, les molécules peuvent aussi être transportées et imprégner l’environnement alentour. (26) (27) Sur et Stork (2003) estiment cette quantité à 80 à 98 % de la dose peut rester dans les sols. (64)

a. L’accumulation des néonicotinoides dans les sols

Les NNI peuvent persister dans les sols plusieurs années : 3 ans pour la clothianidine et 10 ans pour l’imidaclopride. (36) Ces substances peuvent ainsi être reprises par des cultures ultérieures. (33)

Une étude aurait en effet montré que « les néonicotinoïdes montrent un potentiel d’accumulation dans le sol et peuvent être repris par les cultures ultérieures jusqu’à au moins deux ans après l’application ». Ses auteurs rappellent, citant une étude de 2005, que de « l’imidaclopride a été détecté dans 97 % des 33 échantillons de sols prélevés sur des champs non traités, mais sur lesquels des semences de maïs enrobées avaient été utilisées un à deux ans avant le prélèvement des échantillons ». (13)

b. La diffusion des néonicotinoides dans l’environnement

Les NNI auraient la capacité de se diffuser dans l’environnement, notamment par les « nuages de poussière générés lors des semis, leur solubilité dans l’eau et leur stabilité dans les sols ». (55) Plusieurs études montrent en effet des présences de NNI dans des zones non-traitées.

Henry et coll. 2015 et Botias et coll. 2015

Ainsi, dans une étude publiée le 22 novembre 2015 (Henry et coll. 2015), des chercheurs auraient trouvé de l’imidaclopride dans un nectar de colza n’ayant pas été traité avec cette substance … à des taux comparables ou supérieurs à ceux du thiaméthoxame qui leur avait été administré. (27) Des chercheurs anglais auraient également trouvé, dans une étude publiée le 6 octobre 2015, (Botias et coll. 2015) que « les fleurs sauvages qui poussent autour des champs traités absorbent des néonics et sont également une source importante de contamination pour les abeilles. » (27)

Humann-Guilleminot et coll. 2019

Des chercheurs menés par Ségolène Humann-Guilleminot et Fabrice Helfenstein ont analysé plus de 700 échantillons de plantes et de sols sur 169 parcelles de 62 exploitations agricoles suisses. (Humann-Guilleminot et coll. 2019) Auraient été contaminés par des NNI :

  • Toutes les parcelles conventionnelles
  • 93 % des parcelles BIO (qui sont bio depuis plus de 10 ans)
  • 80 % des « zones d’intérêt écologique »

La seule exposition à l’un des NNI recherché, la clothiandine, représenterait un risque létal pour 5,3 à 8,6 % des 84 espèces étudiées et un risque sublétal pour 31,6 à 41,2 % de ces organismes. Les concentrations seraient moindres dans les champs non traités, qui ne présenteraient un risque sublétal que pour 1,3 à 6,8 % des espèces considérées. Ceci, sans même prendre en compte les potentiels effets cocktails. Les chercheurs estiment donc que les NNI représentent un « risque environnemental pour les terres adjacentes non traitées, sur des distances jusqu’ici inconnues, avec des conséquences sur des espèces non ciblées. » (55)

Wintermantel et coll. 2019

Des chercheurs conduits par D.Wintermantel et V.Bretagnolle ont analysé du nectar et du pollen prélevés sur 300 parcelles de colza réparties sur la zone atelier Plaine et Val de Sèvre. (Wintermantel et coll. 2019) Des échantillons ont été prélevés sur ces champs entre 2014 et 2018. Malgré le moratoire de 2013, la concentration de NNI ne présenterait « aucune tendance à la baisse ». Les chercheurs trouveraient des traces de NNI dans 43 % des échantillons de colza analysés. On retrouverait de l’imidaclopride dans 70 % des parcelles en 2014, 5 % en 2015, 90 % en 2016, 30 % en 2017, pour remonter à 55 % en 2018. La très grande majorité des traces seraient inférieures à 1 partie par milliard. Toutefois, en 2 occasions en 2016, les chercheurs auraient trouvé 45 parties par billion d’imidaclopride dans les échantillons testés, ce qui serait « cinq fois la concentration de produit attendue dans le nectar ou le pollen de colzas traités. » Les chercheurs ont estimé, à partir d’un modèle de l’EFSA, que 12 % des parcelles étaient assez contaminées pour tuer 50 % des abeilles domestiques s’y aventurant, ce taux montant à 20 % pour les bourdons et 10 % pour les abeilles solitaires. (61) (64)

Pelosi et coll. (2020) ont étudié divers échantillons les sols et les vers de terre de la zone atelier Plaine et Val de Sèvre. Ils auraient trouvé au moins un pesticide dans la totalité des prélèvements analysés ; un mélange d’au moins un insecticide, un fongicide et un herbicide dans 90 % des échantillons ; et plus de dix pesticides différents dans 40 % des cas. Les quantités auraient été « spectaculaires : 43 % des vers de terre présentent un taux d’imidaclopride de plus de 100 ppb et 8 % en ont plus de 500 ppb », soit plusieurs centaines de fois ce qui se trouverait dans le nectar d’un colza dont la semence était enrobée de cette substance. (69)

La diffusion des NNI dans l’environnement serait telle qu’on en retrouve dans la plupart des miels du monde. Une étude publiée par Science ayant analysé 198 miels du monde entier a trouvé des traces de NNI dans 75 % d’entre eux …(34)

« À elle seule, l’infection par Nosema ceranae ne provoque que des mortalités limitées, explique Frédéric Delbac, enseignant-chercheur au Laboratoire micro-organismes, génomes et environnement (université Blaise-Pascal à Clermont-Ferrand, CNRS) et coauteur de l’étude. De même les niveaux d’exposition auxquels nous avons soumis les abeilles étaient très faibles, de l’ordre d’un centième de la dose à partir de laquelle on observe 50 % de mortalité. » (1)

Nous aurions ainsi perdu le contrôle de cette technologie. (27)

Bibliographie de partie :

  • Botías, Cristina, Arthur David, Julia Horwood, Alaa Abdul-Sada, Elizabeth Nicholls, Elizabeth Hill, and Dave Goulson. “Neonicotinoid Residues in Wildflowers, a Potential Route of Chronic Exposure for Bees.” Environmental Science & Technology 49, no. 21 (November 3, 2015): 12731–40. https://doi.org/10.1021/acs.est.5b03459.
  • Henry, Mickaël, Nicolas Cerrutti, Pierrick Aupinel, Axel Decourtye, Mélanie Gayrard, Jean-François Odoux, Aurélien Pissard, Charlotte Rüger, and Vincent Bretagnolle. “Reconciling Laboratory and Field Assessments of Neonicotinoid Toxicity to Honeybees.” Proceedings of the Royal Society B: Biological Sciences 282, no. 1819 (November 22, 2015): 20152110. https://doi.org/10.1098/rspb.2015.2110.
  • Sur, Robin, and Andreas Stork. “Uptake, Translocation and Metabolism of Imidacloprid in Plants.” Bulletin of Insectology 56 (January 1, 2003): 35–40.